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In the mood for "My blueberry nights" et "Zodiac"
Quelques mots. Trop brefs pour raconter ces deux premiers jours déjà bien chargés mais le temps se fait rare et précieux, le festivalier véritable drogué du et au septième art ne sachant résister à cette offre cinématographique gargantuesque, à cette frénésie contagieuse et agréablement étourdissante. Un temps qui s’effrite à la vitesse de la Lumière, celle, magique et éblouissante, des frères du même nom. Cela tombe bien : le temps c’est justement un des sujets favoris du cinéaste qui a l’honneur d’être en ouverture de cette 60ème édition (il faut l’avouer après une cérémonie d’ouverture bien morose, mais les véritables festivités, paraît-il, auront lieu dimanche, pour la soirée célébrant les 60 ans du festival). Et quel étourdissement lorsqu’il est provoqué par un tango coloré, celui des images de Wong Kar Wai, (qui, pour une fois a coécrit le scénario) qui ouvre le bal avec « My blueberry nights » film d’ouverture figurant exceptionnellement aussi en compétition officielle, le film d’ouverture étant plutôt habituellement un blockbuster américain présenté en avant-première et hors compétition comme le tristement mémorable et involontairement comique « Da vinci Code », l’an passé.
Parce qu’il danse avec nous, donc, Wong Kar Waï. Langoureusement. Sa caméra nous emporte dans son ailleurs où les nuits sont poétiquement bleu myrtille, où les ralentis suspendent notre souffle un trop court et jubilatoire instant.
Pitch : « Après une séparation douloureuse, Elizabeth (Norah Jones) se lance dans un périple à travers l’Amérique, laissant derrière elle une vie de souvenirs, un rêve et un nouvel ami - un émouvant patron de bar, Jeremy (Jude Law) - tout en cherchant de quoi panser son coeur brisé. Occupant sur sa route des emplois de serveuse, Elizabeth se lie d’amitié avec des clients dont les désirs sont plus grands que les siens : un policier tourmenté et sa femme qui l’a quitté, une joueuse dans la déveine qui a une affaire à régler. A travers ces destins individuels, Elizabeth assiste au spectacle du véritable abîme de la solitude et du vide, et commence à comprendre que son propre voyage est le commencement d’une plus profonde exploration d’elle-même. »
Pour son premier film en langue anglaise, Wong Kar Waï a réalisé un road movie mélancolique, un voyage initiatique qui nous emmène de New York au Nevada, et sur la célèbre route 66. Les kilomètres et le temps qui séparent les deux protagonistes les rapprochent, d’eux-mêmes, puis l’un de l’autre, aussi par les mots qu’ils s’envoient comme des bouteilles à la mer.
Comme ses précédents films, « My blueberry nights » est un poème envoûtant, une peinture captivante dans laquelle on se retrouve immergés, fascinés, hypnotisés, transportés dans un univers sombre et lumineux traversé par une galerie de portraits de personnages touchants fracassés par l’existence. Le temps n’existe plus ou plutôt s’y substitue celui recréé par Wong Kar Waï, véritable démiurge d’un univers qui nous enrobe, nous enveloppe, nous ensorcelle insidieusement. Lorsque nous sommes dans un univers où les nuits sont bleu myrtille, tout est possible même que le temps suspende son vol. Wong Kar Waï, mieux que quiconque, y exprime tout ce que recèle l’expression « la magie du cinéma ». La magie d’un voyage vers l’espérance, la magie de ces images qui nous entraînent dans leur danse sensuelle, qui nous font croire que la vie peut marcher au ralenti, qu’un voyage peut nous redonner le sourire comme ce film dont on ressort avec une sensation d’apaisement, comme après un voyage qui nous aurait procuré des émotions indicibles. Des nuits bleu myrtilles à savourer sans modération même (et parce que) nous y retrouvons ce qui caractérise le cinéma de Wong Kar Wai : les ralentis langoureux donc, une bande originale particulièrement réussie (me trompé-je ou la musique –notamment celle qui précède le générique- ressemble à s’y méprendre à celle d’In the mood for love ?), une photographie sublime aux teintes bleutées et rougeoyantes, des gros plans sur les visages (parfois il nous semble voir Maggie Cheung à tel point la caméra de Wong Kar Wai étreint ses actrices de la même façon que dans « In the mood for love »).
Des prix pour « My blueberry nights » ? La prestation tout en retenue de Norah Jones pourrait mériter un prix d’interprétation, ce qui est peu probable, le jury préférant généralement le vrais rôles de composition. La mise en scène de Wong Kar Waï, est évidemment remarquable, mais un prix dans cette catégorie est néanmoins aussi peu probable Wong Kar Waï l’ayant déjà reçu en 1997 et ne bénéficiant plus de l’effet de surprise pour un style et un univers désormais connus.
A noter : -Wong Kar Waï sera de nouveau à l’honneur dimanche soir puisqu’il figure parmi les réalisateurs ayant réalisé un des courts métrages du film du 60ème.
-Vous pouvez également retrouver ma critique de « In the mood for love » sur ce blog.
Tout autre style avec le second film de la compétition : « Zodiac » de l’américain David Fincher, ma première projection de 19H au Grand Théâtre Lumière pour cette édition 2007.
Pitch : « L'histoire vraie de l'énigmatique serial killer qui terrorisa San Francisco à la fin des années soixante. Prenant un malin plaisir à annoncer ou commenter ses macabres exploits dans des messages codés, l'insaisissable Zodiac continua à défier la police et le FBI durant plusieurs décennies. La traque de ce tueur hors normes devint une tragique obsession pour deux journalistes et quatre policiers, qui lui sacrifièrent leur vie privée, leur santé et leur avenir. On ne connaîtra sans doute jamais le nombre exact des victimes de ce Jack l'Éventreur américain, qui varie selon ses propres estimations de 13 à 40. Une chose est sûre : les survivants font partie du lot, car Zodiac les marqua à jamais... »
« Zodiac » a réussi l’exploit de recevoir...un des accueils les plus froids délivré à un film en compétition officielle lors de sa projection officielle, en l’occurrence hier soir à 19H. A peine quelques timides applaudissements. L’indifférence, pire que tout, que les sifflets même, signe à Cannes de controverse, de passion donc. L’équipe du film, David Fincher en tête est repartie, visiblement déçue, voire blessée par cet accueil. Cannes l’impitoyable. Etait-ce mérité ?
La mise en scène est certes réussie mais demeure, à l’image de l’ensemble de ce film, particulièrement classique. Nous ne voyons pas le temps passer, fait notable pour un film de 2H36, en grande partie grâce au rôle et la prestation de Jake Gyllenhaal, personnage le plus intéressant, voire fascinant, celui d’un caricaturiste qui consacre sa vie et son temps à reprendre l’enquête, aux frontières de la folie, une quête obsessionnelle au détriment de ceux qui l’entourent. Un film dont on se demande les raisons de sa sélection : une adaptation (celle de deux romans de Robert Graysmith, le caricaturiste), une mise en scène classique, une histoire vraie, tout cela n’annonçant pas une originalité remarquable. Probablement le nom du réalisateur y est-il pour beaucoup…malheureusement ce « Zodiac » n’est pas à la hauteur de ses précédents films.
Un film réaliste sur une quête obsessionnelle (celle de tous ceux qui menèrent cette enquête), qui ne laisse néanmoins pas l’ennui s’installer, brillamment interprété mais certainement trop classique et dénué d’originalité (une caractéristique probablement aussi liée au désir du réalisateur de recourir à une réalisation sobre plutôt qu’à une démonstration ostentatoire de virtuosité, comme cela lui fut parfois reproché par le passé) pour figurer en compétition officielle. Reste que la comparaison avec Hitchcock entendue ici ou là serait une insulte pour le maître du suspense, l’intérêt et la réussite de ce film n’étant nullement là , plutôt dans un scénario assez bien mené (qui révèle néanmoins ses lacunes au dénouement car après 2H37 de film il se termine par un laïus interminable pour nous expliquer le devenir des protagonistes ) mais dans celle du personnage particulièrement bien joué et « dessiné » du caricaturiste dont les livres ont inspiré ce film.
Des prix ? Jake Gyllenhaal mériterait un prix d’interprétation, néanmoins bien difficile à prédire après seulement une journée de compétition. Pourquoi pas un prix pour le scénario ? A suivre. J’y reviendrai.
Aujourd’hui à mon programme : « Les chansons d’amour » de Christophe Honoré et « L’avocat de la terreur » de Barbet Schroeder.
Toutes mes excuses aux lecteurs « in the mood » pour cet article retardataire et un peu expéditif, et pour les éventuelles répétitions n’ayant pas le temps de relire. (Ah, la rude existence surchargée du festivalier…)Bientôt de nouveaux articles sur la compétition officielle et sur tout ce qui se passe sur la Croisette. Je dois m’arrêter là, le grand Théâtre Lumière m’attend…
Sandra.M
Commentaires
J'ai hâte de découvrir le film de Msieur Wong...
Pour "Zodiac"... Je suis stupéfaite de ce frileux accueil. Je trouve que c'est ce que Fincher a fait de mieux depuis Seven même si le SEUL point commun est un seril killer. Je trouve que c'est une leçon de cinéma et d'interprétation... Jake Gyllenhal oui, bien sûr... mais Robert Downey aussi, non ??? Même si je comprends que ses... "excès" puissent agacer.
Je ne vois effectivement pas le rapport avec Hitchcock... Franchement y'en a qui ferait mieux de la fermer avant le l'ouvrir non ??? Mais quel rapport ??
Par contre, les scènes de "salle de rédaction" tout en énergie m'ont évoqué "Les hommes du président"... ainsi que l'obsession (traitée à merveille) des enquêteurs !!!
J'ai trouvé que le manque d'effets et de chichi (contrepied évident au calamiteux "Miami vice" de qui on sait), et la musique seventies étaient admirables.
Mais au fond, c'est agaçant de comparer... ce film est un film unique à part entière. Classique oui... et ça fait un bien fou.
Ah la la "Les chansons d'amour"... Louis Garrel, Christophe Honoré... poulala même, tiens, n'ayons pas peur des mots !
Le film "Zodiac" est superbe. Je n'ai pas compris l'accueil froid qu'il a reçu. J'etais moi même à la projection et j'ai ressenti un certain malaise.Il y a un coté indecent à applaudir le moins possible alors que l'equipe presente a fait un travail extra. C'est tot à fait regretable. Vous dites que vous ne vous etes pas ennuyée pdt 2h30, eh bien pr moi c'est dejà un exploit qd le realisateur arrive à captiver son spectacteur aussi lgt. En vous ecoutant, on dirait qu'il a des sous-genre, non le triller americain n'en est pas un. Et même s'il reste de facture classique, il n'en n'est pas moins passionnant. Décidement, il y a des difficiles et bcp de blasés(ne le prenez pas pr vous, je parle de ce à quoi j'ai assisté pdt la projection)! En tt cas, je peux vous dire une chose, vous avez bcp de chances alors profitez-en, certains ne savent pas le faire.
Sandra,
Ravie de suivre cannes à travers vous.
Le meilleur festival pour Vous.
Benoit Gautier
http://cinegotier.blogspot.com/
@ Pascale: Ce film a des qualités indéniables. D'après ce que j'ai pu entendre, certains l'ont trouvé trop long (au contraire, je trouve qu'on ne voit pas le temps passer). Mais je dois avouer que je l'ai déjà oublié... Peut-être aurait-il davantage eu sa place en ouverture, hors compétition.
@ Julie: C'est vrai que moi aussi j'ai ressenti ce malaise et que j'en ai été gênée. Cela fait néanmoins partie du "jeu" cannois, j'en conviens parfois très cruel. Le visage de David Fincher s'est littéralement décomposé...Je n'ai jamais dit qu'il y avait des sous-genres! Et je ne le pense d'ailleurs pas. Je prenais ainsi l'exemple d'Hitchcock dont les thrillers sont de vrais chefs d'oeuvre. Ce film est intéressant mais dénué de l'originalité qui caractérise en général la compétition cannoise, mais je ne dis pas que c'est forcément un défaut, simplement que sa sélection est étonnante. Je suis tout sauf blasée (je pense m'être suffisamment moquée des blasés sur mes comptes rendus des éditions précèdentes de ce festival) et j'espère que ce blog le reflète, je suis avant tout passionnée et avide de découvertes cinéphiliques, quel que soit le genre des films! Je suis parfaitement (et cette année plus que jamais) consciente de ma chance d'être accréditée et de profiter de tout le festival et je vous rassure, j'en profite pleinement c'est pourquoi je vais d'ailleurs arrêter là ces commentaires pour pouvoir partir en quête de nouvelles découvertes cinématographiques.
@ Benoit Gautier: Je vous lis avec plaisir de temps à autre. Ravie, moi aussi, de vous permettre de suivre le festival même si le temps me manque pour écrire autant et aussi bien que je le souhaiterais. la rude vie des festivaliers...:-)
Sandra.M
Lire des commentaires, certes inspirés, sur des films qu'on n'a pas vus, mais dont tout le monde parle, et ce pendant 15 jours, c'est frustrant. Donc, j'ai bien l'intention d'exprimer mon avis sur certains films, notamment pour calmer l'enthousiasme probablement fortement alcoolisé des festivaliers.
Par exemple, ce film de Wong Kar Wai est une arnaque. Des chansons envoûtantes -l'une des plus belles de 2006, signée Cat Power - balancées sur des images au ralenti, tout ça pour raconter une histoire d'une banalité affligeante - le mélange entre voyage géographique et voyage intérieur -, c'est nul. Ce film est vraiment un navet, il ne méritait pas d'être sélectionné et Norah Jones ferait mieux de retourner faire des disques.
L'avoir projeté à Cannes est déjà une grossière erreur, j'espère qu'il ne sortira jamais en France. Comme ça, je ne le verrai pas et je ne risque pas de changer d'avis.