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"Des hommes et des dieux " de Xavier Beauvois - compétition officielle 2010
Je poursuis aujourd'hui ma présentation des films français en compétition du Festival de Cannes 2010 avec, après "La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier, " Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois.
Synopsis: Un monastère au milieu des montagnes dans un pays du Maghreb, dans les années 90… Huit moines cisterciens français vivent en harmonie avec la population musulmane. Ils sont proches des villageois et partagent avec eux fêtes et labeur, leur dispensant au quotidien les soins médicaux dont ils ont besoin. Un jour, dans cette région, des ouvriers étrangers sont massacrés par une trentaine d’hommes armés. La panique s’empare des habitants. L’armée tente d’imposer aux moines une protection renforcée mais ces derniers refusent. Peu de temps après, les moines reçoivent la visite des intégristes qui revendiquent le massacre. Christian, le frère prieur de la communauté, s’oppose à Ali Fayattia, le chef des hommes armés. Par son sang-froid et ses paroles, Christian parvient à les faire partir. Mais le doute s’installe chez les moines. Certains veulent quitter le monastère ; d’autres insistent pour rester. Christian propose à tous un temps de réflexion avant de prendre une décision collective. Les moines tentent de continuer à vivre comme avant, mais l’atmosphère devient chaque jour plus lourde. Eux-mêmes sont amenés à soigner certains terroristes, ce qui provoque la colère des autorités. Ces dernières tentent alors de faire pression pour forcer les religieux à rentrer en France. Christian décide d’organiser un nouveau vote à main levée : cette fois, les moines décident à l’unisson de rester coûte que coûte…
C'est Lambert Wilson qui interprètera le leader de ces moines.
Le film évoque donc en réalité l'enlèvement, en 1996, pendant la guerre civile algérienne, de sept moines trappistes de Tibbhirine. Ceux-ci furent retrouvés assassinés deux mois plus tard. Ce massacre fut longtemps attribué au Groupe Islamiste Armé avant qu'un général français à la retraite n'évoque une bavure de l'armée algérienne. En effet, depuis un hélicoptère, l'armée algérienne aurait mitraillé un camp en pensant qu'il s'agissait d'un repère du GIA avant de décapiter les cadavres pour qu'on croit cet assassinat commis par des terroristes.
Casting: Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Sabrina Ouazani, Olivier Rabourdin, Philippe Laudenbach, Roschdy Zem...
Un sujet donc difficile et courageux. Ainsi, pour des raisons de sécurité, le tournage n'a pas eu lieu en Algérie mais au Maroc.
C'est le décorateur césarisé d'Un prophète, Michel Barthélémy qui a ainsi reconstitué le monastère.
C'est 15 ans après avoir obtenu le prix du jury pour "N'oublie pas que tu vas mourir" que Xavier Beauvois revient sur la Croisette. Un sujet dont l'exigence pourrait lui valoir les faveurs du jury qui, depuis quelques années, affectionne ce type de sujet.
Films déjà présentés à Cannes par Xavier Beauvois
- 1995 - N'OUBLIE PAS QUE TU VAS MOURIR - En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Interprète
Le Palmarès cannois de Xavier Beauvois
- 1995 - Prix du Jury - N'OUBLIE PAS QUE TU VAS MOURIR - Long métrage
Filmographie de Xavier Beauvois
1991 : Nord
1995 : N'oublie pas que tu vas mourir
2000 : Selon Matthieu
2005 : Le Petit Lieutenant
2010 : Des hommes et des dieux
Bonus: la critique du "Petit Lieutenant" de Xavier Beauvois
A l’image de ce petit lieutenant (Jalil Lespert) lorsqu’il entre à la 2ème division de police judiciaire et dont Xavier Beauvois trace le portrait, c’est avec enthousiasme que je suis entrée dans la salle de cinéma. C’est donc avec la même stupeur que lui que je me suis retrouvée plongée dans cet univers âpre, filmé sans démagogie ni complaisance. Le contraste n’en était que plus saisissant. Quelques minutes à peine après le début du film, après la parade en uniforme, impeccable, rectiligne, mécanique, institutionnelle, la réalité reprend ses droits, imparfaite, chaotique car humaine et donc faillible, aussi.
Les failles sont d’abord celles de Caroline Vaudieu, (Nathalie Baye) qui revient dans ce service qu’elle avait abandonné trois ans auparavant, pour cause d’alcoolisme. Peu à peu des liens vont se tisser entre cette femme qui a perdu son enfant et ce jeune homme à l’enthousiasme juvénile.
Xavier Beauvois aime et connaît le cinéma et cela se voit, se montre même, un peu trop. A dessein nous l’avons compris. Son petit lieutenant et ses collègues sont en effet imprégnés par le cinéma comme nous le (dé)montrent les affiches qui décorent les murs du commissariat , une affiche différente à chaque fois ou presque : le convoyeur, Seven, Il était une fois en Amérique, les 400 coups, Podium. A croire que les policiers de la PJ ont raté leur vocation d’exploitants. Derrière le petit lieutenant, on reconnaît même une photo du Clan des Siciliens. Tout cela pour insister sur ce que le Petit Lieutenant dira lui-même, c’est à cause des films qu’il a voulu faire ce métier, pour conduire avec un gyrophare et se sentir invulnérable aussi apparemment. Seulement voilà, la réalité, c’est tout sauf du cinéma aseptisé et manichéen, c’est tout sauf cet idéal magnifié par le prisme d’un grand écran qui mythifie ceux qu’ils immortalisent. La réalité (la mortalité même) ne se divise pas en deux, non, elle se dissèque comme ce corps entre les mains du médecin légiste dont un son déchirant nous fait comprendre le terrible labeur, et nous poursuivra longtemps. Le bruit déchirant de la confrontation à la réalité.
Réalité, réalisme : leitmotiv de ce film qui semble même emprunter à Depardon l’effroyable réalité de Faits divers. Beauvois fait même tourner un vrai SDF et s’est longuement documenté avant de réaliser son film, ce qui contribue à lui donner cet aspect documentaire. Ici les (anti) héros meurent, pleurent, faillissent. Depardon beaucoup plus que 36, quai des Orfèvres donc, dont ce film est presque le contraire, dans son recours à la musique notamment, celle-ci étant aussi omniprésente, voire omnisciente dans l’un, qu’elle est absente dans l’autre. L’alcool aussi, est aussi omniscient que l’était la musique dans le film précédemment évoquée. Peut-être trop. Pour nous faire comprendre les fêlures, les failles, encore, la réalité avec laquelle il faut composer.
Malgré cet aspect didactique quelque peu agaçant, Le petit Lieutenant n’en reste pas moins un constat, une radiographie d’une implacable lucidité dans laquelle Nathalie Baye excelle, son regard ou l’inflexion de sa voix laissant entrevoir en une fraction de seconde les brisures de son existence derrière cette force de façade. D’ailleurs, encore une fois, c’est surtout à ces fêlures que s’est intéressé Beauvois , bien loin des films policiers initiateurs de la vocation du petit Lieutenant. Ce petit Lieutenant c’est Jalil Laspert qui n’a pas fini de nous démontrer l’infinitude des nuances de ses ressources humaines depuis le film éponyme. Bref, un film d’une poignante âpreté, parfois un peu trop didactique, un didactisme que la composition incroyable de ses interprètes principaux (N.Baye, J.Lespert mais également R.Zem) nous fait finalement occulter.
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