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Edito : Festival de Cannes 2011, j-3 : un enthousiasme lucide et revendiqué
Dans trois jours débutera le 64ème Festival de Cannes. Pour moi, ce sera le 11ème. Déjà. Enfin. Je l’aborde avec le même enthousiasme que l’année où le prix de la jeunesse m’avait permis d’être accréditée au Festival de Cannes pour la première fois (un concours qui existe toujours et que je vous recommande si vous rêvez de partir au festival, si vous avez l’âge requis et si écrire des lettres et critiques passionnées sur le 7ème art vous motive) n’imaginant pas alors que j’y retournerais accréditée chaque année et y vivrais tant de moments intenses, et que la vie y passerait chaque fois « comme un rêve », pour paraphraser le titre du livre de Gilles Jacob (que je vous recommande d’ailleurs).
Un enthousiasme lucide et revendiqué. Lucide parce que, de ce festival, je connais les travers, les excès, les parures d’orgueil que revêtissent ainsi ceux qui s’y donnent l’illusion d’exister, les semblants d’amitiés piétinés sans vergogne pour grimper dans l’échelle de la vanité, les personnalités qui se révèlent, tristement parfois dans ce théâtre des apparences. Lucide, parce que je sais que la hiérarchie festivalière, sans doute parfois inique, exacerbe les rancœurs de ceux qui sont en bas et la vanité de ceux qui sont en haut qui croient y déceler là un signe de leur supériorité, et qui oublient que, au bout de dix jours, l’égalité et la réalité reprendront leurs droits. Lucide parce que je les connais les Dorian Gray, Georges Duroy, Rastignac, Lucien de Rubempré (de pacotille). Lucide parce que je connais la célérité avec laquelle Cannes passe de l’adoration à la haine. Lucide parce que je connais le pathétique acharnement de certains pour paraître cyniques, désabusés, blasés, désinvoltes, las. Lucide parce que je sais que Cannes peut se révéler un véritable terrain de guerre où chacun ne lutte que pour son intérêt, et qui révèle les veuleries de certains. Lucide parce que je connais la violente versatilité de la Croisette, sa capacité à déifier puis piétiner, avec la même pseudo-conviction et force.
Revendiqué parce que Cannes reste un bonheur inégalé de cinéphile, la plus belle et fascinante fenêtre ouverte sur le cinéma. Et sur le monde. Un monde dont ce festival met en lumière les ombres et les blessures alors que, n’étant pas à un paradoxe près, il nous en tient tellement éloignés. Cannes, cet ailleurs proche qui abolit les frontières entre fiction et réalité. Qui vous fait tout oublier, même que cela ne dure qu’un temps. Un tourbillon de vie et de 24 images par seconde. Une danse enivrante qui vous grise de soleil, d’émotions, de cinéma, pour ceux qui comme moi, s’en contentent. Et parfois d’illusions. Une bulle d'irréalité où les émotions, les joies réelles et cinématographiques, si disproportionnées, procurent un sentiment d'éternité fugace et déroutant.
Revendiqué parce qu’il y a là celui qui, de toute façon, sortira vainqueur et qui vous fait oublier tout le reste: le cinéma presque dissimulé derrière tous ceux qui font le leur, le cinéma si multiple, si surprenant, si audacieux, si magique, là plus qu'ailleurs. D'ailleurs, à Cannes, tout est plus qu'ailleurs. Les émotions, donc. Le soleil. Les solitudes qui se grisent et s'égarent et se noient dans la multitude. Les soirées sans fin, sans faim à force d'être enchaînées pour certains. La foule impérieuse du festival qui, mieux que nulle autre, sait être passionnément exaltée et aussi impitoyable avec la même incoercible exaltation.
Revendiqué parce que j’y ai accumulé tant de souvenirs, parfois inénarrables, parce que c’est un rendez-vous de cinéma et d’amitiés cinéphiles auquel certains sont fidèles, comme moi, depuis 11 ans.
Revendiqué parce que je serai toujours plus une « éblouie » du cinéma qu’une « critique » (je ne me considère d’ailleurs pas comme telle). J’emploie les termes à dessein. Ceux des titres de deux documentaires signés des mêmes auteurs. J’aurais dû être dans le premier, je suis finalement dans le second, diffusé la veille de la clôture du festival (puis à de nombreuses reprises, je vous donnerai les dates). Ce documentaire s’intitule « Tous critiques ? »*(voir détails sur la diffusion en bas de cet article), le point d’interrogation me convient parfaitement. J’entends déjà les reproches de ceux pour qui c’est une fin en soi mais peut-on vraiment rêver et avoir pour ambition d’être critique, de vivre d’un travail qui consiste à critiquer celui des autres ? De défendre une passion viscérale, d’analyser, d’expliquer, voire de vulgariser, de vivre au rythme de cette passion en revanche oui. C’est mon parti pris, assumé et revendiqué. J’aurai d’ailleurs toujours plus d’admiration pour le plus mauvais des réalisateurs (qui, forcément s’expose et prend des « risques », relatifs certes) que pour le meilleur (pour moi synonyme de passionné, heureusement il y en a encore quelques uns) des critiques. Il se peut aussi que vous me voyiez dans un autre documentaire diffusé le lendemain, sur une autre chaine, mais je vous en dirai plus le moment venu.
Alors, oui, j’y vais avec enthousiasme, le même que cette première fois où je découvrais, fascinée, intimidée, le vertigineux et mythique théâtre Lumière, ses rituels dérisoires et sublimes, cette première fois où je gravissais les tout aussi mythiques marches tant de fois arpentées depuis. Un festival qui présente la particularité d’être un film en soi. Un film à rebondissements. Passionnant. Palpitant même, comme un film d'Hitchcock (mais je n'irai pas jusqu'à dire que la palme n'est un MacGuffin, sa portée qu'elle soit politique, symbolique, cinématographique et parfois commerciale, est réelle ). Souvent aussi fantaisiste qu’un film de Fellini. Un spectacle tantôt admirable, tantôt pathétique, tantôt réjouissant, tantôt consternant, parfois tout en même temps.
C’est le cœur battant que j’attends le rendez-vous de cette 64ème édition dont le programme s’annonce exceptionnel ! Une compétition qui aura rarement été aussi éclectique et prometteuse de suspense : premiers films et films d’auteurs confirmés ou d’habitués, (cela sonne comme un reproche pour certains, mais comment refuser un film d’Almodovar ou des Dardenne ? Dans la sélection on retrouve ainsi des « habitués » déjà primés par le festival : Lars von Trier avec « Melancholia », les frères Dardenne avec « le Gamin au vélo » - dont la bande-annonce me donne déjà des frissons- ou encore Nanni Moretti pour « Habemus Papam », Pedro Almodovar avec « La Piel que habito »), film d’action, film muet… Cannes s’annonce plus que jamais comme le miroir de la diversité et de la richesse cinématographiques et comme un festival qui « permet aux œuvres non formatées de s’exprimer » comme l’a rappelé Gilles Jacob en conférence de presse de sélection. (Retrouvez mes présentations détaillées de tous les films de la compétition, en cliquant ici, en attendant mes critiques).
Côté films français, on retrouvera en compétition Alain Cavalier avec Pater ; Maïwenn avec Polisse, son troisième film et le premier présenté à Cannes et Bertrand Bonnello avec Apollonide – souvenirs de la maison close sans oublier « The artist » de Michel Hazanavicius, film muet avec Jean Dujardin qui vient de passer de hors compétition à la section compétition. Autre aspect remarquable de cette sélection 4 femmes seront cette année en compétition (aucune l’an passé) : Lynne Ramsay, Naomi Kawase, Maïwenn, Julia Leigh.
Cannes, ce sont aussi les indissociables montées des marches qui cette année promettent d’être prestigieuses avec le film d’ouverture d’abord mais aussi avec « Pirates des caraïbes : la fontaine de Jouvence » qui donnera l’occasion à Penelope Cruz et à Johnny Depp de monter les marches, ou encore avec « The Tree of life » pour lequel Brad Pitt montera les marches, ainsi que vraisemblablement Angelina Jolie et Sean Penn. Sean Penn, absent l’an passé malgré un film en compétition, devrait ainsi revenir cette année avec deux films en sélection (celui de Terrence Malick et celui de Paolo Sorrentino).
Un programme encore une fois diversifié et de qualité également dans la section Un certain regard qui accueillera cette année Gus Van Sant, Robert Guédiguian, Bruno Dumont, Hong Sangsoo, Kim Ki-Duk…
Un festival qui est aussi et plus que jamais un diplomate (il suffit de regarder les dernières palmes d’or pour s’en convaincre), un acteur politique, l’ambassadeur des drames et des injustices, des cris de douleur ou d’aspiration à la liberté comme le prouve cette innovation de mettre un pays à l’honneur, cette année l’Egypte, comme le prouve la sélection (hier) de Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof . Si la palme d’or continue à être en phase avec l’actualité alors le film de Naomi Kawase pourrait avoir toutes ses chances comme un signe de solidarité envers le Japon meurtri …à moins qu’un film comme « The Artist » ne crée la surprise. Quel suspense ! Pedro Almodovar aura-t-il enfin cette palme d’or qu’il convoite tant ? La surprise pourrait-elle venir d’un premier film ? L’actualité sera-t-elle à nouveau à l’honneur dans la lancée des précédentes palmes d’or, procurant encore une fois un écho politique à ce prix prestigieux ? Le grand favori « The Tree of life » pourrait-il repartir bredouille ? Sean Penn pourrait-il avoir de nouveau le prix d’interprétation ? Ou un acteur des frères Dardenne ? Un film français trois ans après « Entre les murs » de Laurent Cantet, pourrait-il se voir décerner la palme d’or ? Nuri Bilge Ceylan nous épatera-t-il encore avec sa mise en scène et sera-t-il à nouveau au palmarès ? La « Melancholia » de Lars von Trier sera-t-il le choc de cette édition à l’image de son « Antechrist », il y a deux ans ? Thierry Frémaux a, en tout cas, annoncé une « sélection d’une tonalité moins sombre cette année » après une sélection 2010 en-deçà de celle des années précédentes et, il est vrai, particulièrement sombre.
Pour moi, si j’arrive à l’heure, cela pourrait commencer ce mercredi soir avec Woody Allen et son « Minuit à Paris », et la remise de la palme d’or d’honneur (nouvelle innovation de cette édition qui n’en est décidément pas avare) à Bertolucci… En attendant, vous pouvez toujours retrouver mon dossier spécial consacré à Woody Allen, ici.
Une édition qui s’annonce aussi à l’image de son affiche : glamour, élégante, mystérieuse. Une édition que je me réjouis de vous faire vivre et rêver. Comme chaque année, je privilégierai la compétition, mais je ne manquerai pas non plus certains évènements comme la projection de « La Conquête » de Xavier Durringer, l’hommage à Jean-Paul Belmondo (le 17 mai, avec la première du documentaire de Vincent Perrot et Jeff Domenech « Belmondo, Itinéraire… » ). Je ne manquerai pas non plus la projection de la copie restaurée des « Enfants du Paradis » de Marcel Carné, émotion garantie, sans doute à l’image de la projection de la copie restaurée du «Guépard » de Visconti l’année dernière. J’irai également à la projection du «Sauvage » en présence de Catherine Deneuve (à cette occasion, retrouvez le récit de ma rencontre avec cette dernière, ici) et Jean-Paul Rappeneau et à la leçon d’acteur de Malcom McDowell, le 20 mai. J’essaierai aussi de voir quelques films des sections parallèles et notamment le film d’ouverture de la Semaine de la Critique « La guerre est déclarée » de Valérie Donzelli ou encore le film d’André Téchiné à la Quinzaine des Réalisateurs. Je vous ferai vivre aussi quelques soirées (mon programme est déjà bien riche aussi dans ce domaine, je vous promets encore plus d’évènements que les autres années mais il faudra là aussi faire des choix).
Vous pourrez me suivre bien sûr sur http://www.inthemoodforcannes.com , sur http://www.inthemoodforcinema.com , sur twitter (http://twitter.com/moodforcannes ), sur la page Facebook d’Inthemoodforcannes (http://facebook.com/inthemoodforcannes, sur le site évènementiel Orange dont ce blog est partenaire (je vous en reparle et vous donne l’adresse très vite), sur le blog spécial Cannes de 20minutes.fr dont ce blog est également partenaire. (je vous donne bientôt l’adresse exacte).
Alors rendez-vous ce 11 mai (au plus tard, le 12 au matinà pour mon premier compte rendu en direct de Cannes. Et n’oubliez pas tout ce qui compte : plongez « in the mood for cinema » et « for Cannes » sans modération et « Viva il cinema ! ».
*Le documentaire "Tous critiques" réalisé par Julien Sauvadon et Jean-Jacques Bernard sera diffusé le samedi 14 mai à 15h50 sur France 3 Méditerranée et France 3 Côte d'Azur ; le samedi 21 mai à 15h50 sur France 3 Rhône-Alpes ; et sur Ciné Cinéma Club à partir du 21 mai (samedi 21 mai à 21H45 ; dimanche 22 mai à 15H05 ; mercredi 25 mai à 12H35 ; lundi 30 mai à 12H35 ; dimanche 5 juin à 14H30 ; samedi 11 juin à 19H45).
Commentaires
ce que tu es bavarde !!!
Tu l'aimes ou pas ce festival ???