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"Like someone in love" de Abbas Kiarostami et critique de "Copie conforme" de Abbas Kiarostami
Jusqu'à l'ouverture du festival, le 16 mai, je vous présenterai régulièrement des films au programme de cette édition 2012 du Festival de Cannes et en particulier les que j'attends tout particulièrement. Je commence avec "Like someone in love" de l'Iranien Abbas Kiarostami, peut-être celui que j'attends le plus (avec trois autres films dont je vous parlerai les jours prochains), une envie de découvrir ce film accrue par cette bande-annonce.
En bonus, à la fin de cette note, vous retrouverez ma critique de "Copie conforme", film en compétition à Cannes, en 2010 , et pour lequel Juliette Binoche avait reçu le prix d'interprétation (amplement mérité!).
Kiarostami est parti tourner "Like someone in love" au Japon. Ce sera la 5ème sélection du cinéaste en compétition, à Cannes. Il avait même obtenu la palme d'or en 1997 pour "Le goût de la cerise" (Nanni Moretti faisait partie du jury cette année-là!).
Synopsis: De nos jours dans une grande ville du Japon. Un vieil universitaire très érudit, garant des traditions ; une jeune et séduisante étudiante, qui doit vendre ses charmes pour payer ses études ; un jeune homme jaloux, dont la violence ne demande qu’à exploser : entre ces trois-là, se nouent en une journée des relations inattendues, qui changeront leurs vies à jamais.
Avec, Ryo Kase, Denden, Rin Takanashi, Tadashi Okuno
Films présentés à Cannes
- 2010 - COPIE CONFORME- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2007 - CHACUN SON CINÉMA- Hors Compétition Réalisation
- 2007 - MAN OF CINEMA: PIERRE RISSIENT (HOMME DE CINEMA : PIERRE RISSIENT)- Cannes Classics Images, Interprète
- 2004 - 10 ON TEN- Un Certain Regard Réalisation
- 2004 - FIVE- Hors Compétition Réalisation
- 2003 - TALAYE SORGH (SANG ET OR)- Un Certain Regard Scénario & Dialogues
- 2002 - TEN- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues
- 2001 - A.B.C AFRICA- Hors Compétition Réalisation, Montage
- 1997 - TA'M E GUILASS (LE GOÛT DE LA CERISE)- En Compétition Réalisation, Montage
- 1994 - ZIRE DARAKHTAN ZEYTON (AU TRAVERS DES OLIVIERS)- En Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Montage
- 1992 - ZENDEGI EDAME DARAD (ET LA VIE CONTINUE)- Un Certain Regard Réalisation, Scénario & Dialogues, Montage
Le Palmarès
- 1997 - Palme d'Or - TA'M E GUILASS (LE GOÛT DE LA CERISE) - Long métrage
Membre du Jury
- 2005 - Caméra d’Or - Président
- 2002 - Courts métrages Cinéfondation - Membre
- 1993 - Sélection officielle - Membre
Critique de "Copie conforme" de Abbas Kiarostami
La sélection de ce film a suscité quelques remous avant même son annonce officielle en raison de la présence de Juliette Binoche au casting également sur l'affiche officielle du 63ème Festival de Cannes parce que ce serait susceptible sans doute d'influer sur le vote du jury. Vaine polémique (mais Cannes aime, aussi, les polémiques surtout quand elles sont vaines) à laquelle son jeu magistral est une cinglante réponse.
« Copie conforme » est le premier film du cinéaste iranien tourné hors de ses frontières, un film qu'il a écrit pour Juliette Binoche.
Face à James (William Shimell), un écrivain quinquagénaire anglo-saxon qui donne en Italie, à l'occasion de la sortie de son dernier livre, une conférence ayant pour thème les relations étroites entre l'original et la copie dans l'art elle est une jeune femme d'origine française, galeriste qu'il rencontre. Ils partent ensemble pour quelques heures à San Gimignano, petit village près de Florence. Comment distinguer l'original de la copie, la réalité de la fiction ? Ils nous donnent ainsi d'abord l'impression de se rencontrer puis d'être en couple depuis 15 ans.
Selon James, lors de sa conférence, une bonne copie peut valoir un original et tout le film semble en être une illustration. James et la jeune femme semblent jouer à « copier » un couple même si la réponse ne nous est jamais donnée clairement. Peut-être est-elle folle ? Peut-être entre-t-elle dans son jeu ? Peut-être se connaissent-ils réellement depuis 15 ans ? Ce doute constitue un plaisir constant pour le spectateur qui devient alors une sorte d'enquêteur cherchant dans une phrase, une expression une explication. Il n'y en aura pas réellement et c'est finalement tant mieux.
Ainsi Kiarostami responsabilise le spectateur. A lui de construire son propre film. Les personnages regardent souvent face caméra en guise de miroir, comme s'ils se miraient dans les yeux du spectateur pour connaître leur réelle identité. « Copie conforme » est donc un film de questionnements plus que de réponses et c'est justement ce qui le rend si ludique, unique, jubilatoire. Le jeu si riche et habité de Juliette Binoche, lumineuse et sensuelle, peut ainsi se prêter à plusieurs interprétations.
Un film qui nous déroute, un film de contrastes et contradictions, un film complexe derrière une apparente simplicité. A l'image de l'art évoqué dans le film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, le film est l'illustration pratique de la théorie énoncée par le personnage de James. De magnifiques et longs plans-séquences, des dialogues brillants, une mise en scène d'une redoutable précision achèvent de faire de ce film en apparence si simple une riche réflexion sur l'art et sur l'amour.
William Shimell (chanteur d'opéra dont c'est le premier rôle) et Juliette Binoche excellent et sont aussi pour beaucoup dans cette réussite. Un film sur la réflexivité de l'art qui donne à réfléchir. Un dernier plan délicieusement énigmatique et polysémique qui signe le début ou le renouveau ou la fin d'une histoire plurielle. Un très grand film à voir absolument. Un vrai coup de cœur.
« Copie conforme » est le 9ème film présenté à Cannes par Kiarostami qui a par ailleurs été membre du jury longs métrages en 1993, du jury de la Cinéfondation en 2002 et Président du jury de la Caméra d'Or en 2005. Enfin, il a remporté la Palme d'Or en 1997 pour "Le goût de la cerise."
Juliette Binoche raconte ainsi sa rencontre avec Kiatostami: "Je suis partie en Iran rencontrer Abbas (je l'avais croisé à Cannes, à l'Unesco, chez Jean-Claude Carrière). Il m'a dit "Viens à Téhéran !". Je l'ai cru, j'y suis allée, deux fois. Un soir il m'a raconté l'histoire que nous avons tourné ensemble cet été, il m'a raconté chaque détail, le soutien-gorge, le restaurant, l'hôtel, bref, il m'a dit que c'était une histoire qui lui était arrivée. A la fin, après avoir parlé pendant 45 minutes dans un anglais impeccable, il m'a demandé : "Tu me crois ?". Je lui ai dit : "Oui". Il m'a dit : "Ce n'est pas vrai !". Je suis partie d'un éclat de rire qui lui a donné envie de faire ce film, je crois !", explique-t-elle.