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Bilan et palmarès du Festival de Cannes 2013 : une édition riche et éclectique
2013 marquait donc ma 13ème année à Cannes…et non des moindres ! Un bon festival, c’est souvent comme un grand film, il vous laisse heureux et exténué, joyeusement nostalgique et doucement mélancolique, riche d’émotions et de réflexions, parfois contradictoires.
«Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse dans le sublime film « Amour » de Michael Haneke qui reçut la palme d’or l’an passé. De ce Festival de Cannes 2013, je me souviendrai je l’espère des films (il y en a tant que je ne souhaiterais pas oublier) et aussi des sentiments, espérant qu’ils ne se perdront pas dans ce tourbillon enivrant d’images, cette multiplicité de fenêtres ouvertes sur le monde. Quel bonheur encore cette année de vivre au centre de cette « bulle au milieu du monde » qui en est parfois aussi le reflet fracassant.
Joanne Woodward et Paul Newman à l’honneur sur l’affiche de cette 66ème édition, avec une photo, d’une beauté étourdissante, prise sur le tournage de « A New Kind of Love » de Melville Shavelson, nous invitaient déjà à un tourbillon de cinéma, à un désir infini de pellicule, le désir infini…comme celui (de cinéma) que suscite Cannes. Une affiche moderne et intemporelle, d’un noir et blanc joyeusement nostalgique, paradoxale à l’image de tous ces cinémas qui se côtoient à Cannes. Une affiche à l’image de laquelle fut cette édition 2013 : un tourbillon de (la) vie, d’envies, de cinéma, d’envies de cinéma, un vertig(o)e (presque hitchcockien) troublant et envoûtant qu’est le Festival de Cannes (le tout dans un tendre et parfait équilibre).
L’an passé, le festival a primé un film sur l’Amour absolu, un cri d’amour ultime. C’est à nouveau une histoire d’amour qui a cette année récompensée, un film fleuve jalonné de scènes et d'instants de vérité d'une beauté, et parfois d'une cruauté, déchirantes, notamment sur le hiatus social comme cette scène du dîner, une des plus vibrantes de vérité qu'ils m'ait été donné de voir au cinéma. Un prix qui ne pouvait bien sûr pas être dissocié de ses actrice que le jury de Steven Spielberg a eu l'extrême intelligence et délicatesse d'y associer.
Le grand prix couronne "Inside Lllewyn Davis" faisant à nouveau figurer les frères Coen au palmarès cannois, un film qui pouvait difficilement ne pas figurer au palmarès tant il est avant tout un magnifique hommage aux artistes, à ceux qui ne vivent et vibrent que pour leur art, au-delà de celui rendu à la musique folk. Un film porté par des comédiens magnifiques, une musique ensorcelante, un scénario habile, une mise en scène brillante. Bref, un des meilleurs films des frères Coen qui justifie entièrement sa présence au palmarès. Un enchantement mélancolique assaisonné d’une note de burlesque. Un film qui transpire de l’amour des deux frères pour les artistes et l’art et qui leur permet de porter le leur à son paroxysme.
Je vous avais dit en voyant "Le Passé" d'Asghar Farhadi (un de mes coups de cœur de cette édition) à quel point Bérénice Béjo très loin ici de la lumineuse Peppy Miller, est constamment crédible dans le rôle de cette mère écartelée entre son passé et l’avenir qu’elle tente de construire. Ironie du destin qui lui fait recevoir le prix d'interprétation deux ans après celui reçu par son partenaire Jean Dujardin dans "The Artist". Emmanuelle Seigner l'aurait également mérité pour "La Vénus à la fourrure" et Marion Cotillard pour le film qui restera mon coup de cœur de cette édition 2013 "The Immigrant" dont le dernier plan savamment dichotomique aurait a lui seul mérité une palme d'or.
« Le Passé » est aussi un film remarquable parce qu’il traite du doute et nous laisse aussi dans le doute quand tant de films nous prennent par la main, cherchant à nous dicter jusqu’à nos émotions. Faut-il privilégier la loyauté au passé ou y renoncer pour s’élancer vers l’avenir ? Pour échapper au passé, il faut continuer à avancer, mais le passé ne freine-t-il et ne condamne-t-il pas ce dessein ? Asghar Farhadi a la bonne idée de ne pas apporter de réponse et de nous laisser, comme ses personnages, avec ces questionnements. Le scénario, pour son extrême sensibilité et sa précision rare et parce qu’il donne au spectateur un vrai rôle (finalement comme dans le film de Folman) et qui reflète si bien l’absurdité et la complexité de l’existence mériterait sans aucun doute un prix. C’est là toute la force du « Passé », d’une justesse fascinante et rare, dont le dernier plan nous laisse astucieusement interrogatifs, et émus, enfin.
Bruce Dern a reçu là aussi un prix d'interprétation mérité pour son rôle dans cette histoire d’un vieil homme persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, qui cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain parfait dans le rôle de ce vieux bougon sans doute moins sénile qu’il n’y parait. Un film intelligemment mis en scène et qui est, malgré ses défauts, à l’image de ce père: attachant. Un “petit” film, avec une photographie d’une splendide mélancolie, qui met joliment en scène l’amour filial (très belle scène de fin) et donne envie de profiter de ces instants inestimables en famille et d’étreindre ceux qui nous entourent et que nous aimons.
Je me réjouis également du prix Vulcain reçu par le très beau "Grigris" de Mahamat-Saleh HAROUN ou encore du prix de l'avenir reçu par "Fruitvale station", un film qui a la force des films britanniques de Mike Leigh ou Ken Loach et qui n'est pas non plus sans rappeler Spike Lee.
Un beau palmarès qui reflète l'éclectisme et la richesse de cette édition 2013.
PALMARES
PALME D'OR
LA VIE D’ADÈLE - CHAPITRE 1 & 2 (Blue Is The Warmest Colour) réalisé par Abdellatif KECHICHE avec Adèle EXARCHOPOULOS & Léa SEYDOUX
Grand Prix
INSIDE LLEWYN DAVIS réalisé par Ethan COEN, Joel COEN
Prix de la mise en scène
Amat ESCALANTE pour HELI
Prix du Jury
SOSHITE CHICHI NI NARU (Like Father, Like Son / Tel Père, Tel Fils) réalisé par KORE-EDA Hirokazu
Prix du scénario
JIA Zhangke pour TIAN ZHU DING (A Touch Of Sin)
Prix d'interprétation féminine
Bérénice BEJO dans LE PASSÉ (The Past) réalisé par Asghar FARHADI
Prix d'interprétation masculine
Bruce DERN dans NEBRASKA réalisé par Alexander PAYNE
COURTS METRAGES
Palme d'Or
SAFE réalisé par MOON Byoung-gon
Mention Spéciale - Ex-aequo
HVALFJORDUR (Whale Valley / Le Fjord des Baleines) réalisé par Gudmundur Arnar GUDMUNDSSON
37°4 S réalisé par Adriano VALERIO
CAMERA D'OR
ILO ILO réalisé par Anthony CHEN présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs
Le jury de la CST a décidé de décerner le PRIX VULCAIN DE L’ARTISTE-TECHNICIEN à :
Antoine HEBERLÉ, directeur de la photographie du film GRIGRIS réalisé par Mahamat-Saleh HAROUN pour le résultat remarquable de finesse et d’humilité dont le seul but a été de servir le film, dans des conditions que l’on peut imaginer difficiles.
PRIX UN CERTAIN REGARD
L’IMAGE MANQUANTE de Rithy PANH
PRIX DU JURY
OMAR de Hany ABU-ASSAD
PRIX DE LA MISE EN SCENE
Alain GUIRAUDIE pour L'INCONNU DU LAC
PRIX UN CERTAIN TALENT
Pour l’ensemble des acteurs du film LA JAULA DE ORO de Diego QUEMADA-DIEZ
PRIX DE L’AVENIR
FRUITVALE STATION de Ryan COOGLER
PRIX DE LA CINEFONDATION
Premier Prix :
NEEDLE réalisé par Anahita Ghazvinizadeh
The School of the Art Institute of Chicago, États-Unis
Deuxième Prix :
EN ATTENDANT LE DÉGEL réalisé par Sarah Hirtt
INSAS, Belgique
Troisième Prix ex aequo:
ÎN ACVARIU (In the Fishbowl) réalisé par Tudor Cristian JURGIU
UNATC, Roumanie
Troisième Prix ex aequo:
PANDY (Pandas) réalisé par Matúš VIZÁR
FAMU, République Tchèque