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Critique de LA LOI DU MARCHE de Stéphane Brizé (compétition officielle)
« La Loi du marché » de Stéphane Brizé nous fait suivre Thierry incarné (ce mot n’a jamais trouvé aussi bien sa justification) par Vincent Lindon, un homme de 51 ans qui, après 20 mois de chômage commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral.
C’était un des films du Festival de Cannes 2015 que j’attendais le plus et mes attentes n’ont pas été déçues. Je suis ce cinéaste, Stéphane Brizé, depuis la découverte de son film « Le bleu des villes » (qui avait obtenu le prix Michel d’Ornano au Festival du Cinéma Américain de Deauville), il m’avait ensuite bouleversée avec « Je ne suis pas là pour être aimé » et « Mademoiselle Chambon » . Une nouvelle fois et comme dans ce film précité, le mélange de force et de fragilité incarné par Lindon, de certitudes et de doutes, sa façon maladroite et presque animale de marcher, la manière dont son dos même se courbe et s’impose, dont son regard évite ou affronte : tout en lui nous fait oublier l’acteur pour nous mettre face à l’évidence de ce personnage, un homme bien (aucun racolage dans le fait que son fils soit handicapé, mais une manière simple de nous montrer de quel homme il s’agit), un homme qui incarne l’humanité face à la loi du marché qui infantilise, aliène, broie. Criant de vérité.
Dès cette première scène dans laquelle le film nous fait entrer d’emblée, sans générique, face à un conseiller de pôle emploi, il nous fait oublier l’acteur pour devenir cet homme à qui son interprétation donne toute la noblesse, la fragilité, la dignité.
Comme point commun à tous les films de Stéphane Brizé, on retrouve cette tendre cruauté et cette description de la province, glaciale et intemporelle. Ces douloureux silences. Cette révolte contre la lancinance de l’existence. Et ce choix face au destin.
Brizé filme Lindon souvent de dos, rarement de face, et le spectateur peut d’autant mieux projeter ses émotions sur cette révolte silencieuse. On voit mal comment le prix d'interprétation pourrait lui échapper tant sa prestation est remarquable.