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  • Critique - LES ETERNELS de Jia Zhang-Ke (compétition officielle)

     

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    Deuxième coup de cœur de cette édition 2018 après "Cold war".  Comme dans "Cold War" (les titres des deux films pourraient d'ailleurs s'intervertir) l'histoire ( d'amour et de trahison) s'étend sur plusieurs années matérialisées par de judicieuses ellipses.

    La construction dichotomique du film -monde rural et monde industrialisé, homme et femme (dont les rôles s'inversent), univers lumineux et grisâtre sublimés par la photo d'Eric Gautier- permet de dresser le portrait d'une Chine en pleine mutation et qui a connu une croissance fulgurante broyant parfois les lieux et les êtres. Comme ce pistolet qui tombe de la poche et interrompt une danse endiablée comme pour signifier que cette insouciance n'est qu'un leurre, que la menace plane.

    On retrouve les thèmes chers à Jia Zhang-Ke et le fameux barrage des 3 gorges, fil conducteur de son cinéma.  C’est aussi, comme "Still Life", un film sur le temps qui passe (qui ici, malgré les 2h30, s'écoule invisiblement). Là aussi, c'est un film sur deux mondes. Celui de la Chine d’hier et celui de la Chine d’aujourd’hui. Ce n’est pas pour rien que Jia Zhang Ke a étudié les Beaux-Arts et la peinture classique. Il dit lui-même avoir choisi le cinéma « parce qu’il permet de saisir et de montrer le temps qui passe ».

    Ce film captivant qui mêle polar et amour inconditionnel -ou fou diront certains esprits  prosaïques -et  condamné par ce destin inexorable et désenchanté, ce magnifique portrait de femme combattante dans ce film d'une noirceur poétique, pourrait valoir à son interprète féminine Zhao Tao un Prix d'interprétation voire au film une palme d'or tant tout (de la mise en scène au scénario) y est parfaitement maîtrisé.

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  • Critique de COLD WAR de Pawel Pawlikowski (compétition officielle)

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    En attendant de retourner le voir pour vous en parler plus longuement, je ne pouvais pas ne pas évoquer ici d'ores et déjà mon premier coup de cœur du Festival de Cannes 2018. Un film  à voir absolument.

    Cold war, c'est l'amour impossible d'un musicien et d'une jeune chanteuse entre la Pologne Stalinienne et le Paris bohème des années 50. La distance que pourraient induire les judicieuses (et nombreuses) ellipses, au contraire, laissent place à l'imaginaire du spectateur (que ça fait du bien parfois de ne pas être infantilisé ! ) et nous font ressentir avec une force accrue et magistrale le vide de l'existence des deux amants lorsqu'ils sont séparés. Les années écoulées importent peu, seuls comptent les instants qu'ils partagent. Le reste n'est que temps vain et perdu (éclipse-s-, du nom du bar parisien où joue le musicien, bel hommage au film éponyme d'Antonioni aussi), et la musique (vibrante, poignante) n'a vraiment de sens qu'en présence de l'autre ou en pensant à l'autre. Le temps passé se comble de cette attente. Entre la Pologne et le Paris jazzy de Saint-Germain-des-Prés, ce sont deux univers qui se confrontent, un mur qui sépare ces deux êtres différents mais que réunit un amour irrépressible et tortueux dès les premières notes voué à un dénouement tragique. Si pour lui la vie est "plus belle de l'autre côté" (citation extraite du film, je ne vous en dis pas plus tant cette phrase y est tragiquement belle), pour elle cette vie les arrache à eux-mêmes. En toile de fond la guerre froide dont la violence insidieuse imprègne tout le film et appose le sceau de la fatalité sur la destinée des deux amoureux. Ajoutez à cela une photographie hypnotique, une dernière phrase à double sens, absolument bouleversante et vous obtiendrez un très grand film romanesque dont la fausse simplicité est avant tout la marque d'un travail d'une perfection admirable. Avec cette histoire inspirée de celle de ses parents Pavel Pawlikowski pourrait prétendre à tous les Prix à commencer par celui de l'interprétation féminine pour Joanna Kulig. Ce film est aussi une réflexion sur le temps qui passe et dévore tout sauf peut-être les sentiments essentiels ou "éternels", thème commun aux films de cette compétition de ce Festival de Cannes 2018.

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  • Critiques - VISAGES VILLAGES et LES FANTÔMES D'ISMAEL à voir ce soir sur Canal plus

    Critique de VISAGES VILLAGES d'Agnès Varda et JR

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    Que de poésie dans ce film, révélateur de la profondeur, la noblesse, la beauté et la vérité des êtres ! Présenté hors-compétition du dernier Festival de Cannes où il a reçu le prix L’œil d’or du meilleur documentaire, il est coréalisé par Agnès Varda et JR.

    Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant des différences.

    Dès le générique, le spectateur est saisi par la délicatesse et la poésie. Poésie ludique des images. Et des mots, aussi : « tu sais bien que j’ai mal aux escaliers » dit Agnès Varda lorsqu’elle peine à rejoindre JR, « Les poissons sont contents, maintenant ils mènent la vie de château» à propos de photos de poissons que l'équipe de JR a collées sur un château d’eau.

    « Le hasard a toujours été le meilleur de mes assistants », a ainsi déclaré Agnès Varda et en effet, de chacune de ces rencontres surgissent des instants magiques, de profonde humanité. Sur chacun des clichés, dans chacun de leurs échanges avec ces « visages » affleurent les regrets et la noblesse de leurs détenteurs.

    En parallèle de ces explorations des visages et des villages, se développe l’amitié entre ces deux humanistes qui tous deux ont à cœur de montrer la grandeur d’âme de ceux que certains appellent avec condescendance les petites gens (terme qui m’horripile), de la révéler (au sens photographique et pas seulement).

    En les immortalisant, en reflétant la vérité des visages que ce soit celui de la dernière habitante de sa rue, dans un coron du Nord voué à la destruction en collant sa photo sur sa maison, à ces employés d'un site chimique,  ils en révèlent la beauté simple et fulgurante. Et nous bouleversent. Comme cet homme à la veille de sa retraite  qui leur dit avoir « l’impression d’arriver au bout d’une falaise et que ce soir je vais sauter dans le vide ». Et dans cette phrase et dans son regard un avenir effrayant et vertigineux semble passer.

    Le photographe de 33 ans et la réalisatrice de « 88 printemps » forment un duo singulier, attachant, complice et attendrissant. Le grand trentenaire aux lunettes noires (qu’Agnès Varda s’évertuera pendant tout le film à lui faire enlever) et la petite octogénaire au casque gris et roux. Deux silhouettes de dessin animé. Les mettre l’un avec l’autre est déjà un moment de cinéma. Tous deux se dévoilent aussi au fil des minutes et des kilomètres de ce road movie inclassable. Et ces visages dont les portraits se dessinent sont aussi, bien sûr, les leur. Ce voyage est aussi leur parcours initiatique. Celui d’un JR gentiment taquin, empathique, et d’une Agnès Varda tout aussi à l’écoute des autres, tantôt malicieuse et légère (impayable notamment quand elle chante avec la radio) tantôt grave et nous serrant le cœur lorsqu’elle dit « la mort j’ai envie d’y être parce que ce sera fini ».

    Ce récit plein de vie et fantaisie est aussi jalonné par l’évocation tout en pudeur de ceux qui ne sont plus, du temps qui efface tout (parce que photographier les visages c’est faire en sorte qu’ils « ne tombent pas dans les trous de la mémoire ») comme la mer qui engloutit ce portrait de cet ami d’Agnès Varda qui avait pourtant été soigneusement choisi pour être collé sur un bunker en bord de mer. Et la nostalgie et la mélancolie gagnent peu à peu du terrain jusqu’à la fin. Jusqu’à cette « rencontre » avec le « redoutable » Jean-Luc Godard qui donne lieu à un grand moment de cinéma poignant et terriblement cruel. Jusqu’au lac où la vérité et le regard sont, enfin, à nu. Et le nôtre embué de larmes.

    Ajoutez à cela la musique de M. Et vous obtiendrez une ode au « pouvoir de l’imagination », un petit bijou de délicatesse et de bienveillance. Un pied de nez au cynisme. Passionnant. Poétique. Surprenant. Ensorcelant. Emouvant. Rare. A voir absolument.

    Critique "Les Fantômes d'Ismaël" (et conférence de presse du Festival de Cannes)

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    Longtemps le festival a choisi pour film d’ouverture des grosses productions, souvent américaines, s’accompagnant de génériques et montées des marches prestigieux. Après Woody Allen et son « Café Society » l’an passé –au passage retrouvez ma critique du film actuellement à l’honneur sur le site de Canal plus- ( un cinéaste qui, lui aussi, d’ailleurs, a souvent recouru à la mise en abyme) c’était au tour du français Arnaud Desplechin d’ouvrir le bal avec « Les fantômes d’Ismaël », hors compétition, après cinq sélections en compétition. « J'ai appris avec une grande émotion que le film faisait l'ouverture. C'est un honneur. J'étais très touché », a ainsi déclaré Arnaud Desplechin lors de la conférence de presse du film.

    À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste, Ismaël (Mathieu Amalric) est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu, Carlotta disparue 20 ans auparavant, plus exactement 21 ans, 8 mois et 6 jours… Ce personnage irréel à la présence troublante et fantomatique est incarné par Marion Cotillard. La manière dont elle est filmée, comme une apparition, instille constamment le doute dans notre esprit notamment lorsqu’elle est filmée dans l’embrasure d’une porte, ses vêtements flottant autour d’elle. Quand elle danse pourtant (magnifique scène d’une grâce infinie sur «It Ain't Me Babe», de Bob Dylan), elle semble incroyablement vivante et envoûtante. Présente. « La scène de la danse est à 95% une invention de Marion » a ainsi précisé Arnaud Desplechin.

    Desplechin jongle avec les codes du cinéma pour mieux les tordre et nous perdre. Les dialogues sont magistralement écrits et interprétés  « Je voulais déchirer ma vie » dit Carlotta.  Ismaël répond : « C'est ma vie que tu as déchirée. » Qu’importe si certains les trouvent trop littéraires. C'est ce qui rend ce film poétique, évanescent.

    A la frontière du réel, à la frontière des genres (drame, espionnage, fantastique, comédie, histoire d’amour), à la frontière des influences (truffaldiennes, hitchcockiennes –Carlotta est bien sûr ici une référence à Carlotta Valdes dans « Vertigo » d’Hitchcock-) ce nouveau film d’Arnaud Desplechin est savoureusement inclassable, et à l’image du personnage de Marion Cotillard : insaisissable et nous laissant une forte empreinte. Comme le ferait un rêve ou un cauchemar.

    Le film est porté par des acteurs remarquables au premier rang desquels Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg (ses échanges avec Ismaël sont souvent exquis). « Charlotte Gainsbourg fait partie des gens qui m'ont donné envie de faire ce métier » a ainsi déclaré Marion Cotillard en conférence de presse. « J'ai le sentiment d'avoir trouvé un personnage quand j'ai trouvé sa manière de respirer » a-t-elle également ajouté. « Depuis "L'Effrontée" j'avais envie de tourner avec Charlotte Gainsbourg et cette fois-ci fut la bonne » a déclaré Desplechin.

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    La fin du film était elle aussi une ouverture. Un espoir. Un film plein de vie, un dédale dans lequel on s’égare avec délice porté par deux personnages énigmatiques, deux actrices magistrales. « Tout le film est résumé dans la réplique suivante : la vie m'est arrivée », a ainsi déclaré Arnaud Desplechin en conférence de presse. La vie avec ses vicissitudes imprévisibles que la poésie du cinéma enchante et adoucit. Le cinéma de Desplechin indéniablement.

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  • Cérémonie d'ouverture, film d'ouverture et conférence de presse du film d'ouverture du 71ème Festival de Cannes

     

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    Un bon festival, c’est souvent comme un grand film, il vous laisse heureux et exténué, joyeusement nostalgique et doucement mélancolique, riche d’émotions et de réflexions, parfois contradictoires. «Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse dans le sublime film Amour de Michael Haneke, inoubliable palme d’or.

    De ce Festival de Cannes 2018, je me souviendrai, je l’espère, des films (tant s’annoncent déjà marquants, voire remarquables ! ) et aussi des sentiments, espérant qu’ils ne se perdront pas dans ce tourbillon enivrant d’images, cette multiplicité de fenêtres ouvertes sur le monde. 

    Quel bonheur encore cette année de vivre au centre de cette « bulle au milieu du monde » qui en est parfois aussi le reflet fracassant. Une fois de plus, l’irréalité cannoise va tisser sa toile et hisser les voiles pour un ailleurs cinématographique, modifier l’apparence de la ville pour qu’elle ne respire bientôt plus qu’au rythme haletant de 24 images par seconde, pour m’envelopper dans ses voiles et m’embarquer pour un vol de 12 jours.  Quelques perturbations ne sont pas à exclure et si l’ailleurs vers lequel m’embarque cette irréalité sera peut-être aussi déroutant, à n’en pas douter, il sera surtout réjouissant. Parce que, oui, j’ose le clamer et l’affirmer et le revendiquer : cet enthousiasme qu’il est de bon ton ici de taire pour se vanter d’être blasé et las. Cet enthousiasme et cette passion, folle et dévorante, pour le cinéma que le festival, chaque année, exacerbe un peu plus encore.

    La cérémonie d’ouverture a débuté cette année par un extrait de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Toute la magie, la force, la beauté, la mélancolie, la joie, bref les paradoxes du cinéma, résumés en un seul extrait. Peut-être parce que  « Il y a des idées dans les sentiments ». De cette cérémonie d’ouverture, nous retiendrons le mot de Thierry Frémaux pour « Les Enfants du Paradis » qu’il a eu la délicatesse de saluer, le discours bref et non moins fort de Cate Blanchett (après des extraits qui prouvaient, pour ceux qui en auraient encore douté, à quel point elle méritait de présider le jury, elle qui a si bien su choisir les films de sa carrière, et quels films, que de grands cinéaste à son palmarès, déjà, que d'engagements !).

    « Aborder chaque film avec l’esprit et le cœur ouverts,  mettre de côté nos préoccupations, nos idées reçues et nos attentes pour s’ouvrir aux récits qui vont défiler sous nos yeux. » Voilà ce à quoi nous enjoignait ce soir la présidente du jury. Quel meilleur programme que celui-ci. Comme chaque année, les extraits des films que nous allons découvrir pendant le festival me donnaient la chair de poule tant ils contenaient de promesse de cinéma. De grand cinéma. Et puis il y a eu la musique des « Moulins de mon cœur », poignante, toujours. Le petit mot de Pierre Lescure pour les « 1500 jeunes gens venant de partout ». Le clin d’œil à la Quinzaine des Réalisateurs. Et l’immense Scorsese qui, avec Cate Blanchett, a déclaré ouverte cette 71ème édition en nous rappelant au préalable que, à Cannes, tous nous partageons la « même passion » et que nous sommes « tous réunis pour célébrer le septième art. » Et bien sûr, nous retiendrons le lyrisme et l’élégance faussement nonchalante du maître de cérémonie.

    En ouverture, cette année le cinéaste Asghar Farhadi avec Everybody knows (également en compétition officielle) et un casting de rêve, l’alliance parfaite pour l’ouverture, une alliance de cinéma exigeant et de casting glamour.

    Synopsis :  A l’occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au coeur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui.

    Je vous reparlerai bien sûr plus longuement de ce thriller psychologique remarquablement intérprété, de sa structure labyrinthique parfaite grâce à laquelle l’émotion s’insinue progressivement. Ce petit village espagnol magnifiquement filmé constitue le cadre idéal pour ce drame poignant.

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    Passionnante fut aussi la conférence de presse au cours de laquelle le cinéaste a notamment déclaré :

    "Je voulais dire que cette année est très particulière car il y a 2 films iraniens en compétition. Il y a aussi un film de mon confrère Jafar Panahi. Je lui ai parlé hier. Je continue d'espérer qu'il puisse venir et je peux, là où je suis, émettre ce message : que ceux qui peuvent prennent la décision pour le faire venir. Ce qui compte, c'est qu'il puisse voir dans les yeux des spectateurs comment son film est reçu. Je garde l'espoir qu'il puisse venir. C'est une sensation très étrange d'avoir la possibilité d'être ici et lui non. J'ai beaucoup de respect pour son courage." Asghar Farhadi.

    La mise en scène maligne exacerbe l’aspect hitchcockien, indéniable, de cette histoire troublante et captivante empreinte de secrets enfouis et de mystères insondables. Ajoutez à cela un casting impeccable et vous obtiendrez un film d’ouverture idéal qui nous plonge d’emblée dans l’ambiance. Je vous en parlerai bien sûr ultérieurement plus longuement mais, demain, une journée de cinéma m’attend…

    A demain pour la suite « in the mood for Cannes » après cette ouverture qui annonce déjà une compétition de haute volée.

    Catégories : OUVERTURE (cérémonies/films) Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • En direct du Festival de Cannes 2018

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    Pour la 18ème année consécutive, retrouvez-moi en direct du 71ème Festival de Cannes du 7 au 20 Mai :

    - sur mon blog http://inthemoodforcinema.com,

    - sur ce blog http://inthemoodforcannes.com (sur lequel figurent d'ores et déjà de nombreux articles consacrés au 71ème Festival de Cannes),

    - sur mon compte twitter principal @Sandra_Meziere et sur mon compte twitter consacré au Festival de Cannes @moodforcannes,

    - sur Instagram @sandra_meziere,

    - sur Facebook Facebook.com/inthemoodforcannes et Facebook.com/inthemoodforcinema.

    Et pour une version romanesque du festival, retrouvez mon roman L'amor dans l'âme (Editions du 38).

    Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Critique de CAFE SOCIETY de Woody Allen à 20H45 sur Ciné + Emotion (film d'ouverture du 69ème Festival de Cannes)

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    Quelle judicieuse idée du Festival de Cannes l’an 2016 que d’avoir à nouveau sélectionné comme film d’ouverture un long-métrage de Woody Allen (après « Hollywood ending » en 2002 et « Minuit à Paris » en 2011), promesse toujours de tendre ironie, de causticité mélancolique mais aussi en l’occurrence de villes baignées de lumière. Comme un écho à l’affiche de la 69ème édition du festival, incandescente, solaire, ouvrant sur de nouveaux horizons (image tirée du « Mépris » de Godard) et sur cette ascension solitaire, teintée de langueur et de mélancolie comme une parabole de celle des 24 marches les plus célèbres au monde. Un film d’ouverture comme une mise en abyme puisque le plus grand festival de cinéma au monde s’ouvrait sur un film qui mettait en scène le monde du cinéma…

    Ce nouveau film de Woody Allen nous emmène ainsi à New York, dans les années 30. Entre des parents conflictuels et un frère gangster (qualifié de « colérique » alors qu’il a une fâcheuse tendance à régler les problèmes par le meurtre ou l’art de l’euphémisme acerbe signé Woody Allen), Bobby Dorfman (Jesse Eisenberg) a le sentiment d'étouffer.  Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil (Steve Carell), puissant agent de stars, après l’avoir fait patienter trois semaines, trouve finalement le temps de le recevoir et de l'engager comme coursier. À Hollywood, Bobby tombe immédiatement sous le charme de la secrétaire de Phil, Vonnie, (Kristen Stewart) à qui ce dernier à donner pour mission de lui faire découvrir la ville. Malheureusement, Vonnie n'est pas libre et lui dit être éprise d’un mystérieux journaliste. Il doit alors se contenter de son amitié et de promenades dans la ville.  Jusqu'au jour où elle lui annonce que son petit ami vient de rompre. Soudain, l'horizon semble s'éclaircir pour Bobby mais nous sommes dans un film de Woody Allen et l’ironie tragique de l’existence finit toujours par s’en mêler…

    Un film de Woody Allen comporte des incontournables, ce qui rend ses films singuliers et jubilatoires. La virtuosité de ses scènes d’ouverture qui vous embarquent en quelques mots, notes et images, vous immergent d’emblée dans un univers et brossent des personnages avec une habileté époustouflante : ici les années 30 dans une somptueuse villa et dans le faste tonitruant d’Hollywood, le tout porté par une musique jazzy et la voix off de Woody Allen.  Des dialogues cinglants et réjouissants qui suscitent un rire teinté de désenchantement : il excelle ici à nouveau dans l’exercice. Des personnages qui sont comme les doubles du cinéaste : Jesse Eisenberg en l’occurrence qui emprunte son phrasé, sa démarche, sa gestuelle sans le singer, avec une maestria indéniable.  Des personnages brillamment dessinés : quelle belle galerie de portraits à nouveau avec parfois des personnages caractérisés d’une réplique. Le jazz dont la tristesse sous-jacente à ses notes joyeuses fait écho à la joie trompeuse des personnages. Des pensées sur la vie, l’amour, la mort. Une mise en scène élégante sublimée ici par la photographie du chef opérateur triplement oscarisé Vittorio Storaro (pour « Apocalypse now », « Reds », « Le dernier empereur ») qui travaille pour la première fois avec Woody Allen, et pour la première fois en numérique.

    Ajoutez à cela la grâce et l’intelligence de jeu de Kristen Stewart, éblouissante, dont le regard un instant s’évade et se voile de mélancolie, des seconds rôles excellents et excellemment écrits, la voix de Woody Allen narrateur, une écriture d’une précision redoutable et vous obtiendrez un film au charme nostalgique et ravageur.

    La caméra virtuose de Woody Allen tournoie à l’image de cette société virevoltante dont les excès et les lumières étourdissent et masquent la vérité et les désillusions.  Tous ces noms célèbres cités et égrenés le sont comme un masque sur la vanité de l’existence.  Woody Allen fait dire à un de ses personnages «  Il sait donner au drame une touche de légèreté » alors pour le paraphraser disons qu’ici Woody Allen sait donner à la légèreté une touche de drame. Si drame et comédie s’enlacent et se confondent, le film est par ailleurs construit comme une brillante dichotomie (que symbolise très bien une scène de conversation entre Bobby et Phil, chacun assis sous une colonne, l’espace scindé en deux) : la vérité et le cinéma, New York et Hollywood etc.  Quelle vitalité, lucidité, modernité dans le 47ème film de cet octogénaire !

    Plus qu’une chronique acide sur Hollywood que le film aurait seulement et simplement pu être (Hollywood qualifiée ici tout de même de « milieu barbant, hostile, féroce » et dont Woody Allen n’épargne pas le vain orgueil et la superficialité), c’est surtout un nouvel hommage à la beauté incendiaire de New York empreint d'une féroce nostalgie mais aussi  un hymne aux amours impossibles qui auréolent l’existence d’une lumineuse mélancolie. « L’amour est une émotion et les émotions ne sont pas rationnelles. On tombe amoureux et on perd le contrôle ».  « Le côté poignant de la vie : accepter qu’elle n’ait pas de sens et même se réjouir qu’elle n’ait pas de sens. » Le film se passe dans les années 30. 1939, qui sait ? Et ce réveillon de la nouvelle année par lequel il s’achève est peut-être annonciateur d’un autre crépuscule, celui d’une autre paix bien fragile que cette Café Society qui se noie dans une joie partiellement factice essaie peut-être d’occulter.

    Une scène vaudevillesque digne de Lubitsch et une autre romantique à Central Park valent  à elles seules le voyage. Mais aussi tant de quelques réjouissantes citations parmi lesquelles :

    «  La vie est une comédie écrite par un auteur sadique. »

    « Vis chaque jour comme le dernier, un jour ça le sera. »

     « Tu es trop idiot pour comprendre ce que la mort implique .»

    « C’est bête que les Juifs ne proposent pas de vie après la mort, ils auraient plus de clients. »

    « L’amour sans retour fait plus de victimes que la tuberculose. »

    Le film précédent de Woody Allen qui avait ouvert le festival de Cannes, « Minuit à Paris » était une déclaration d’amour à Paris, au pouvoir de l’illusion, de l’imagination,  à la magie de la ville lumière et surtout à celle du cinéma qui nous permet de croire à tout, même qu’il est possible au passé et au présent de se rencontrer et de s’étreindre, le cinéma  évasion salutaire  «  dans une époque bruyante et compliquée ». Ce film-ci est plus empreint de pessimisme, de renoncement mais c’est notre cœur qu’il étreint, une fois de plus… Le film idéal pour une ouverture du Festival de Cannes avec New York et Hollywood nimbées de lueurs crépusculaires d’une beauté hypnotique, élégamment cruelles.  A l’image des projecteurs et des flashs aveuglants sur les marches du Festival de Cannes.

    « Dreams are dreams » entend-on dans « Café Society » comme une rengaine aux accents de regret. A l’image de ce plan de Bobby dos à la « scène », d’une mélancolie et d’une lucidité bouleversantes et redoutables. Comme un homme face à l’écran. Celui du cinéma qu’est devenue sa vie. Une « Rose pourpre du Caire » dans laquelle rêve et réalité seraient condamnés à rester à leur place. Comme un écho à la sublime affiche du film « Café Society » sur laquelle une larme dorée coule sur un visage excessivement maquillé tel un masque. Celui de la société que ce café d’apparats et d’apparences métaphorise.  Un « café society » qui vous laissera longtemps avec le souvenir de deux âmes seules au milieu de tous, d’un regard lointain et d’un regard songeur qui, par-delà l’espace, se rejoignent. Deux regards douloureusement beaux. Bouleversants. Comme un amour impossible, aux accents d’éternité. Un inestimable et furtif instant qui, derrière la légèreté feinte, laisse apparaître ce qu’est ce film savoureux : un petit bijou de subtilité dont la force et l’émotion vous saisissent à l’ultime seconde. Lorsque le masque, enfin, tombe.

    Retrouvez également ma critique du dernier film de Woody Allen, Wonder Wheel, en cliquant ici.

    Catégories : A LA TELEVISION Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer