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COMPETITION OFFICIELLE - Page 17

  • Compétition officielle 2009- "Etreintes brisées" de Pedro Almodovar

    Quelques semaines après le Festival de Cannes, je suis retournée voir "Etreintes brisées" de Pedro Almodovar, dans un contexte dépassionné. En voici ma deuxième critique:

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    Lorsque vous voyez un film dans l’effervescence du Grand Théâtre Lumière, dans l’euphorie cannoise, de surcroît à côté de l’équipe du film, votre avis est forcément vicié et imprégné de cette atmosphère excessive, c’est pourquoi j’ai tenu à retourner voir « Les Etreintes brisées » quelques jours après l’avoir vu sur la Croisette. Inutile de spécifier à quel point c’est étrange de voir un film dans une salle quasiment vide, qui ne réagit donc pas,  après l’avoir vu quelques jours auparavant en présence de l’équipe du film avec un public particulièrement réactif. Alors ? Alors, même loin de l’agitation cannoise, certes « Les Etreintes brisées » n’est pas le film le plus fou, le plus extravagant, le plus délirant de Pedro Almodovar mais il n’en demeure pas moins remarquable à de nombreux points de vue… et l’un de ses meilleurs films, peut-être même le plus maîtrisé. En tout cas, l’un de mes favoris de cette compétition cannoise 2009 avec, notamment « Inglourious Basterds » de Quentin Tarantino (que Pedro Almodovar, en cinéphile, est d’ailleurs allé voir en séance du lendemain).

     

    Synopsis : Il y a 14 ans, dans un violent accident de voiture dans l’île de Lanzarote, un homme (Lluis Homar) a perdu la vue mais aussi la femme de sa vie, Lena (Penelope Cruz). Sa vie se partage alors en deux parties à l’image de ses deux noms : Harry Caine, pseudonyme ludique sous lequel il signe ses travaux littéraires, ses récits et scénarios ; et Mateo Blanco, qui est son nom de baptême sous lequel il vit et signe les films qu’il réalise. Après l’accident, il n’est alors plus que son pseudonyme : Harry Caine. Dans la mesure où il ne peut plus faire de films, il s’impose de survivre avec l’idée que Mateo Blanco est mort à Lanzarote aux côtés de Lena.

     

    Pedro Almodovar, habitué de la Croisette et de la compétition cannoise (juré en 1992, en compétition pour « Tout sur ma mère » en 1999- prix de la mise en scène -, pour « La mauvaise éducation » en 2004 –présenté hors compétition- ; pour « Volver » en 2006 –prix du scénario et d’interprétation collectif-) est, cette année reparti bredouille pour un film dont la mise en scène d’une impressionnante beauté et maîtrise,  le scénario impeccable et l’interprétation remarquable de Penelope Cruz auraient pourtant pu lui permettre de figurer au palmarès, à ces différents titres.

     

    Aussi invraisemblable que cela puisse paraître certains cinéastes ne sont pas des cinéphiles (j’aurais bien des exemples mais je m’abstiendrai) mais au même titre que Picasso maîtrisait parfaitement l’histoire de la peinture, condition sine qua non au renouvellement de son art, il me semble qu’un cinéaste se doit de connaître et d’être imprégné de l’histoire du cinéma, comme Pedro Almodovar qui, dans ce film, en plus de témoigner de sa cinéphilie livre une véritable déclaration d’amour au cinéma (il rend notamment hommage à Hitchcock, Antonioni, Malle, Rossellini… ).  Et à Penelope Cruz qu’il sublime comme jamais, en femme fatale, brisée et forte, à la fois Marylin Monroe, lumineuse et mélancolique, et Audrey Hepburn, gracile et déterminée.

     

    « Les Etreintes brisées » est un film labyrinthique d’une grande richesse : un film sur l’amour fou, le cinéma, la fatalité, la jalousie, la trahison, la passion, l’art. Un film dans lequel,  à l’image du festival de Cannes, cinéma et réalité se répondent, s’imbriquent, se confondent.

     

    La mise en abyme, à l’image de tout ce film, est double : il y a d’une part le film que réalise Harry Caine mais aussi le making of de son film.  Harry Caine est lui-même double puisque c’est le pseudonyme de Mateo Blanco. Il meurt doublement : il perd la vue, la cécité étant la mort pour un cinéaste ; il perd la femme qu’il aime, une étreinte brisée qui représente la mort pour l’homme amoureux qu’il est aussi. Un film morcelé à l’image de ces photos en mille morceaux de Lena, d’une beauté tragique.

     

    Et puis que dire de la réalisation… Flamboyante comme ce rouge immédiatement reconnaissable comme celui d’un film de Pedro Almodovar.  D’un graphique époustouflant comme ce film que Mateo Blanco réalise. Sensuelle comme ces mains qui caressent langoureusement une image à jamais évanouie. Son scénario joue avec les temporalités et les genres (film noir, comédie, thriller, drame) avec une apparente facilité admirable.

     

    Peut-être la gravité mélancolique a-t-elle désarçonnée les aficionados du cinéaste qui n’en oublie pourtant pas pour autant sa folie jubilatoire comme dans ce film dans le film « Filles et valises », hommage irrésistible à « Femmes au bord de la crise de nerfs ».

     

    Un film gigogne d’une narration à la fois complexe et limpide, romantique et cruel, qui porte la poésie langoureuse, la beauté mélancolique et fragile de son titre, un film qui nous emporte dans ses méandres passionnées, un film pour les amoureux, du cinéma. Un film qui a la beauté, fatale et languissante, d’un amour brisé en plein vol… Un film qui a la gravité sensuelle de la voix de Jeanne Moreau, la beauté incandescente d’une étreinte éternelle comme  dans « Voyage en Italie » de Rossellini, la tristesse lancinante de Romy Schneider auxquels il se réfère.

     

    Penelope Cruz, d’une mélancolie resplendissante, pour cette quatrième collaboration,  aurait de nouveau mérité le prix d’interprétation et sa prestation (mais aussi celles de tous ses acteurs et surtout actrices auxquels il rend ici hommage, parfois juste le temps d’une scène comme pour Rossy de Palma)  prouve à nouveau quel directeur d’acteurs est Pedro Almodovar qui sait aussi, en un plan, nous embraser et embrasser dans son univers, immédiatement identifiable, la marque, rare, des grands cinéastes.

     

    Un film empreint de dualité sur l’amour fou par un (et pour les) amoureux fous du cinéma… le cinéma qui survit à la mort, à l’aveuglement, qui sublime l’existence et la mort, le cinéma qui reconstitue les étreintes brisées, le cinéma paré de toutes les vertus. Même celle de l’immortalité… Un film par lequel je vous recommande vivement de vous laisser charmer et enlacer…

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  • Compétition officielle 2009- "A l'origine" de Xavier Gianoli

    En attendant le Festival de Cannes 2010, voici quelques critiques de films présentés lors du Festival de Cannes 2009 et que j'ai eu l'occasion de voir ou revoir après celui-ci.

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     A l’origine, il y avait un film beaucoup trop long que j’avais vu à Cannes où il figurait en compétition officielle, mais malgré cela très séduisant. Depuis, le film a été amputé de 25 minutes, c’est la raison pour laquelle je souhaitais le revoir, en espérant que ces 25 minutes en moins lui feraient gagner en rythme.

     

    L’histoire est toujours la même que celle du film projeté à Cannes. Celle de Philippe Miller (François Cluzet), un escroc solitaire  qui découvre un chantier d’autoroute abandonné depuis des années, tout cela à cause d’un scarabée ! De l’arrêt des travaux avait découlé une véritable catastrophe  économique pour les habitants de la région. Si pour Philippe il s’agit d’une chance de réaliser une escroquerie aussi improbable qu’inédite en reprenant les travaux, pour les habitants de la région, il est le messie (c’est d’ailleurs ce qui lui dira le maire de la ville à son arrivée), celui qui va leur redonner espoir.  Les choses se compliquent quand Philippe prend conscience de l’importance considérable que prend son escroquerie dans la vie de ces gens surtout que dans le même temps, son passé va le rattraper.

     

    Mettons tout de suite fin au suspense : ce nouveau montage est une incontestable réussite…même si pour cela il a fallu sacrifier certains personnages (et dans le même temps certains comédiens qui ont vu leurs rôles réduits ou supprimés comme l’ex-femme de « Philippe Miller », en réalité son pseudonyme). Ce que le film perd en minutes, le personnage interprété par François Cluzet le gagne en mystère,  en densité, en intérêt, en épaisseur, en charme ; et le film également. Ce montage radicalisé fait revenir à l’essentiel,  à l’être, à ce que l’homme était « à l’origine », à cette vérité humaine que la caméra de Xavier Giannoli, une nouvelle fois, capte avec une grande sensibilité, en filmant au plus près des visages, au plus près de l’émotion, au plus près du malaise. Et même quand il filme ces machines, véritables personnages d’acier, il les fait tourner comme des danseurs dans un ballet, avec une force visuelle saisissante et captivante. Image étrangement terrienne et aérienne, envoûtante. La musique de Cliff Martinez achève de rendre poétique ce qui aurait pu être prosaïque. Une poésie aussi inattendue que la tournure que prend cette histoire pour Philippe Miller qui va finalement vivre les choses plutôt que les prévoir.

     

     A l’origine il y avait aussi ce besoin de ne pas être seul, et surtout d’être considéré. Philippe devient quelqu’un et dans le regard des autres, il prend toute la mesure de sa soudaine importance. A l’origine il y avait un scarabée. Un homme qui aurait pu aussi être ce scarabée. Là pour détruire puis, par la force des choses et des rencontres, pour aider.

     

    Il faut voir avec quel brio François Cluzet interprète cet être mal à l’aise, introverti, peu bavard, qui peu à peu va gagner en confiance. Le malaise de son imposture le dépasse, et les traits de son visage, ses gestes, tout semble témoigner de son tiraillement intérieur. Et dans cette scène où il se retrouve face au conseil municipal, son malaise est tellement palpable, crédible, que je l’ai ressenti comme si j’étais moi aussi dans cette pièce, prise dans un étau de mensonges. Et puis, il faut voir son visage s’illuminer éclairé par un soleil braqué sur lui comme un projecteur braqué sur celui dont le pouvoir est devenu quasiment démiurgique ; il faut le voir aussi patauger dans la boue en frappant dans ses mains, exalté, le voir tomber, se relever, aller au bout de lui-même pour les autres. Ce mensonge va l’étouffer, puis, le porter, puis l’enchaîner, pourtant il aura conquis un territoire, planté son drapeau.

     

    Face à lui, le maire de la ville interprété avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Devos qui dissimule sa solitude et ses blessures derrière une belle assurance.   Tous deux, comme tous les habitants du village, vont avoir une seconde chance, tout reprendre du départ, de l’origine.

     

    Cette route qui va nulle part va les mener quelque part, à vivre une aventure humaine à se créer une famille (formidable Vincent Rottiers dans le rôle du « fils de substitution »).

     C’est aussi une belle métaphore du cinéma et du métier de comédien qui est finalement aussi une imposture, qui fait devenir quelqu’un d ‘autre, fabriquer un chemin, un univers qui ne mène pas forcément quelque part mais reste, là aussi, une belle aventure humaine.

     

    Ce film est avant tout un portrait d’homme touchant, énigmatique et dense qui porté par un acteur au sommet de son art nous emporte totalement  dans son aventure aussi improbable soit-elle (et pourtant inspirée d’une histoire vraie s’étant déroulée en 1997 dans la Sarthe), dans ses mensonges, dans ses contradictions, dans sa conquête. Un césar du meilleur acteur sinon rien.

     

     Et ce nouveau montage a su faire d’un bon film un très beau film qui nous faire revenir à l’essentiel. A l’origine. Nous fait croire à l’impossible. A une seconde chance. Aux routes qui ne mènent nulle part.  A ce que le cinéma lui aussi était à l’origine : un mensonge exaltant qui peut nous faire croire que tout est possible. Même si la réalité, un jour ou l’autre, finira par reprendre ses droits.

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  • Grand Prix du Festival de Cannes 2009- "Un Prophète" de Jacques Audiard

    Quelques mois après sa mémorable projection cannoise, je suis retournée voir ce Grand Prix  du Festival de Cannes 2009 à l'occasion d'une rencontre organisée par le cinéma Saint Germain des Prés avec l'acteur principal Tahar Rahim et l'un des scénaristes, Thomas Bidegain. Critique du film et résumé du débat.

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    Hier soir, mon cinéma fétiche,  le cinéma Saint Germain des Prés, organisait une rencontre avec Tahar Rahim, le comédien principal du film « Un Prophète » de Jacques Audiard  et avec Thomas Bidegain, le co-scénariste du film. D' « Un Prophète », je gardais le souvenir à la fois vif et imprécis d'un film percutant magistralement interprété et mis en scène vu en pleine euphorie cannoise, si loin de cette réalité carcérale, mais finalement aussi dans un univers cloisonné qui souvent altère la perception des évènements et des films. J'avais donc très envie de le revoir d'autant plus dans le cadre intimiste et chaleureux du Saint Germain des Prés, et alors qu' « Un Prophète », Grand Prix du dernier Festival de Cannes a été présélectionné pour représenter la France aux Oscars.

    J'ai d'ailleurs eu la sensation de le voir pour la première fois, d'éprouver pour la première fois cette exaltation fébrile lorsqu'on a le sentiment de découvrir un très grand film pour lequel on brûle de partager son enthousiasme tout en craignant de ne savoir trouver les mots justes à la hauteur de l'émotion et de la forte impression suscitées.

    A nouveau ces 2H35 m'ont presque parues trop courtes tant la caméra d'Audiard est d'une rigueur, d'un génie poétique, d'une acuité (j'avais ainsi oublié ces plans furtifs ou ces bruits qui évoquent magistralement ce désir insaisissable et inaccessible de liberté, d'ailleurs ), d'une force uniques et remarquables et tant le jeu de ses comédiens est saisissant (Tahar Rahim évidemment dont on se demande bien qui pourrait lui ravir le César et qui, hier soir, a été ovationné à plusieurs reprises mais aussi Niels Arestrup dont je n'avais pas perçu -lors de la mémorable projection cannoise- toute l'épaisseur redoutable qui dévore  l'écran comme son personnage souhaite asservir et dévorer les autres) nous tiennent en haleine.

    Voici quelques phrases extraites des échanges passionnants entre le public, Tahar Rahim et Thomas Bidegain dont l'enthousiasme, la passion, l'humilité, l'humour pour défendre ce grand film n'ont fait que renforcer mon admiration pour ce « Prophète ». Thomas Bidegain est d'abord revenu sur le titre « Un Prophète » qui selon lui signifie ici (faisant aussi ainsi référence au dernier plan du film)  « celui qui est devant », le héros mais aussi le héraut qui dit ce qui va se passer. La question de l'immoralité est aussi souvent revenue dans le débat. Pour Thomas Bidegain, l'histoire de Malik a une moralité à travers l'immoralité. Il est aussi revenu sur la genèse du projet qui a nécessité trois années d'écriture et sur les règles qu'ils se sont fixées en écrivant concernant le personnage de Malik qui « n'aime ni la violence ni les voyous ». Pour eux l'important était qu'au début il ne soit rien et qu'il acquiert le savoir, qu'il soit un SDF analphabète qui trouve un foyer, qui n'a pas d'histoire et qui va progressivement écrire son histoire. Ses objectifs évoluent, son objectif premier étant ainsi la survie. La maturité qu'il acquiert n'est ainsi pas forcément parallèle à la moralité. Thomas Bidegain est aussi revenu sur la complexité du personnage de Malik, « cet enfant sauvage qui arrive en enfer et cherche d'abord uniquement à fuir ». Pour lui, l'étincelle, le moment où il devient son personnage c'est cet instant assourdissant. Un travailleur social comme il s'est défini lui-même ayant, selon ses propres, termes « passer 40 ans en prison » (ce qui n'a pas manqué de jeter un froid glacial dans l'assistance) avant de préciser que c'était pour son travail a tenu à dire que ce film ressemblait à la réalité, aussi consternant cela puisse-t-il sembler. Pour Thomas Bidegain, les choses existent que lorsqu'elles sont représentées, la représentation fait exister les choses, « le cinéma certifie le réel » pour reprendre les termes d'Audiard dans une interview récente. Thomas Bidegain a précisé qu'aucune vraie prison n'avait servi de cadre au tournage mais qu'il s'agissait uniquement d'un décor, en revanche les figurants étaient pour la plupart d'anciens prisonniers, et Tahar Rahim a raconté à quel point cela les avait aidés mais aussi forcés à se montrer à la hauteur. Une spectatrice citant Primo Levi a dit que finalement Malik cherchait à « sauver sa peau » et que « son intelligence lui permettait de survivre en milieu hostile ». Une autre a comparé le scénario à une tragédie antique, rappelant que « Malik » signifie le roi... un scénario qui a l'intelligence, la complexité et la densité de son personnage principal et dont j'espère qu'il sera lui aussi récompensé.

     Je vous rappelle mes 10 bonnes raisons d'aller voir « Un Prophète » :

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    Synopsis : Malik (Tahar Rahim), condamné à 6 ans de prison, ne sachant ni lire ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul à monde, il paraît ainsi plus jeune et plus fragile que les autres détenus. Il n'a que 19 ans. D'emblée, il tombe sous la coupe d'un groupe de prisonniers corses qui fait régner la loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des « missions » il s'endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer son propre réseau.

    1. Parce que Jacques Audiard réussit à captiver le spectateur en l'immergeant dans un univers a priori particulièrement rugueux. Et il y parvient,  magistralement, sans pour autant tomber dans la facilité, et notamment pas dans l'écueil du manichéisme dans lequel il aurait été si facile de tomber dans l'évocation du milieu carcéral, nous faisant suivre pas à pas, le souffle coupé, le cœur de battre presque arrêté, le parcours sinueux de ce jeune détenu.

    2. Pour l'interprétation magistrale  de Tahar Rahim dont c'est ici le premier grand rôle , une véritable révélation qui aurait mérité un prix d'interprétation à Cannes, qui campe ici un personnage à la fois fragile, énigmatique, égaré,  malin,  angélique et (puis) diabolique dont le regard et la présence, le jeu nuancé magnétisent l'écran, et qui est pour beaucoup dans le caractère attachant de ce personnage tout en ambivalence et mystère.

    3. Parce que Jacques Audiard est un des grands cinéastes français actuels. Que son univers, son style ( et ses thèmes récurrents: filiation, rédemption, violence  sociale...) ne ressemblent à aucun autre. Pour sa mise en scène sobre, nerveuse, efficace, inspiré.

    4. Parce que de son cinéma émane une poésie violente, singulière, saisissante, captivante.

    5. Pour la portée politique de son film qui n'en cesse pas pour autant d'être divertissant. Un divertissement intelligent.   A l'heure où les conditions de vie dans les prisons font objet de débat, tout en étant indéniablement divertissant, le film d'Audiard a une incontestable portée politique, chaque seconde du film démontrant à quel point la prison est devenue une microsociété où les trafics semblent se pérenniser, voire se développer. Les gardiens sont d'ailleurs très peu présents dans le film (ou alors pour que soit stigmatisée leur implication dans les trafics ) et les prisonniers semblent presque circuler à leur guise, à l'abri des regards extérieurs, là où la violence semble pourtant encore plus palpable. Audiard pointe le doigt sur une réalité tout en n'oubliant jamais le spectateur, tout en n'étant jamais dans le didactisme, la morale, non, il montre une réalité (la difficulté de vie dans les prisons où se développent les trafics plus qu'elles ne réinsèrent) en pleine actualité à l'image de ce qu'était l'école, sujet principal de la palme d'or 2008 « Entre les murs », raison pour laquelle, aussi, le film d'Audiard qui nous montre lui aussi une « métaphore de la société » (racisme etc... se retrouve, aussi, entre ces murs)  « entre les murs », entre d'autres murs,  avait été fortement pressenti pour la palme d'or de ce Festival de Cannes 2009.

    6. Pour la richesse de ses personnages et évidemment de son personnage principal. Audiard montre une nouvelle fois son attachement à ses personnages et l'empathie dont il sait faire preuve à leur égard et nous faire passer, aussi abîmés par la vie soient-ils, des personnages que les difficultés de l'existence transforment radicalement. Malik réalise ainsi un véritable parcours initiatique  Ainsi,   orphelin, illettré, fragile, influençable,  il va réussir à s'en sortir grâce à son intelligence. Malik va aussi user de la violence tout en étant rongé par la  culpabilité, une culpabilité que les séquences oniriques rappellent, avec originalité et subtilité.  Le titre "Un prophète" est, selon Jaques Audiard,  à prendre "dans un sens ironique". C'est l'arrivée d'"un nouveau type de criminel, qui n'est pas un psychopathe, il est même un peu angélique". De victime, Malik devient ainsi héros, même  si c'est sa survie qui l'exige : un héros meurtrier

    7. Pour le scénario (idée originale d' Abdel Raouf Dafri, scénariste du dyptique Mesrine, et co-écrit par Thomas Bidegain et Jacques Audiard) de ce  grand film qui mêle avec brio fantasmagorie et réalisme, violence et poésie noire, meurtre et rédemption, divertissement et sujet de société.  L'excellent « Un héros très discret » avait d'ailleurs reçu le prix du scénario en 1996.

    8. Parce que l'exigence et la rigueur (scénaristique, de mise en scène, d'interprétation) ne se font pas au détriment du public, bien au contraire.

    9. Parce que c'est un film de genre qui en même temps n'appartient à aucun et le renouvèle. Fable initiatique. Film social et politique. Faux documentaire onirique. Film d'action. Il concilie les paradoxes et transcende les genres.

    10. Parce que s'il n'a pas obtenu la consécration cannoise escomptée et méritée, il ne dépend que de vous qu'il la connaisse en salles.

    ...11. Parce que vous ne verrez pas  passer ces 2H20 bien qu'emprisonnés (je vous le garantis) et parce que ça fait déjà beaucoup plus de 10 raisons d'y aller et que c'est suffisamment rare pour être souligné et récompensé par un grand succès en salles.

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  • Critique de la palme d’or 2009, « Le ruban blanc » de Michael Haneke

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    pariscinema.jpgAvant-hier, dans le cadre de Paris Cinéma, était projetée la palme d’or du Festival de Cannes 2009 : « Le ruban blanc » de Michael Haneke. N’ayant pas pu le voir sur la Croisette, j’étais impatiente de voir ce film que le jury avait préféré au magistral « Un Prophète » de Jacques Audiard (cliquez ici pour lire mes commentaires) et surtout à « Inglourious  Basterds » de Quentin Tarantino (cliquez ici pour lire ma critique), mon coup de cœur de ce Festival de Cannes 2009.

     

    En raison de l’inimitié ou de la potentielle rancœur subsistant entre Isabelle Huppert et Quentin Tarantino suite à leurs dissensions lors du casting d’ « Inglourious Basterds » et du lien particulier qui unit cette dernière à Haneke  ( « La Pianiste » du même Haneke lui a valu un prix d’interprétation cannois), je supposais  que « Le ruban blanc » devait être un chef d’œuvre tel que ce prix mettait la présidente du jury 2009 hors du moindre soupçon d’avoir favorisé le réalisateur autrichien, pour des raisons autres que cinématographiques.

     

    Alors, « un ruban blanc » est-il ce chef d’œuvre irréfutable faisant de cette palme d’or une évidence ?

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    Haneke est aussi outrancier dans l’austérité que Tarantino l’est dans la flamboyance. Leurs cinémas sont à leurs images, extrêmes. Alors difficile de comparer deux films aussi diamétralement opposés même si pour moi l’audace, l’inventivité, la cinéphilie de Tarantino le plaçaient au-dessus du reste de cette sélection 2009. Audace, inventivité, cinéphilie : des termes qui peuvent néanmoins tout autant s’appliquer à Haneke même si pour moi « Caché » (pour lequel il avait reçu un prix de la mise en scène en 2005) méritait davantage cette palme d’or (et celui-ci un Grand Prix) qui, à défaut d’être une évidence, se justifie et se comprend aisément.
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    Synopsis : Un village de l’Allemagne du Nord à la veille de la Première Guerre Mondiale. Un instituteur raconte l’histoire d’étranges incidents qui surviennent dans la petite communauté protestante formée par les élèves et leurs familles. Peu à peu, d’autres accidents surviennent et prennent l’allure d’un rituel primitif.

     

    Quel qu’en soit l’enjeu  et aussi âpre soit-elle, Haneke a le don de créer une atmosphère quasi hypnotique, et de vous y plonger. L’admiration pour la perfection formelle  l’emporte toujours sur le rejet de l’âpreté, sur cette froideur qui devrait pourtant nous tenir à distance, mais qui aiguise notre intérêt, notre curiosité. La somptuosité glaciale  et glaçante de la réalisation, la perfection du cadre et des longs plans fixes où rien n’est laissé au hasard sont aussi paralysants que l’inhumanité qui émane des personnages qui y évoluent.

     

    Derrière ce noir et blanc, ces images d’une pureté étrangement parfaite,  à l’image de ces chérubins blonds symboles d’innocence et de pureté (que symbolise aussi le ruban blanc qu’on leur force à porter) se dissimulent la brutalité et la cruauté.

     

    L’image se fige à l’exemple de cet ordre social archaïquement hiérarchisé, et de cette éducation rigoriste et puritaine dont les moyens sont plus cruels que les maux qu’elle est destinée prévenir et qui va provoquer des maux plus brutaux encore que ceux qu’elle voulait éviter. La violence, au lieu d’être réprimé, s’immisce insidieusement pour finalement imposer son impitoyable loi. Cette violence, thème cher à Haneke, est toujours hors champ, « cachée », et encore plus effrayante et retentissante.

     

    Ce ruban blanc c’est le symbole d’une innocence ostensible qui dissimule la violence la plus insidieuse et perverse. Ce ruban blanc c’est le signe ostentatoire d’un passé et de racines peu glorieuses qui voulaient se donner le visage de l’innocence. Ce ruban blanc, c’est le voile symbolique de l’innocence qu’on veut imposer pour nier la barbarie, et ces racines du mal qu’Haneke nous  fait appréhender avec effroi par l’élégance moribonde du noir et blanc.

     

    Ces châtiments que la société inflige à ses enfants en évoquent d’autres que la société infligera à plus grande échelle, qu’elle institutionnalisera même pour donner lieu à l’horreur suprême, la barbarie du XXème siècle. Cette éducation rigide va enfanter les bourreaux du XXème siècle dans le calme, la blancheur immaculée de la neige d’un petit village a priori comme les autres.

     

    La forme démontre alors toute son intelligence, elle nous séduit d’abord pour nous montrer toute l’horreur qu’elle porte en elle et dissimule à l’image de ceux qui portent ce ruban blanc.

     

    Que dire de l’interprétation ? Elle est aussi irréprochable. Les enfants jouent avec une innocence qui semble tellement naturelle que l’horreur qu’ils recèlent en devient plus terrifiante encore.

     

    Avec une froideur et un ascétisme inflexibles, avec une précision quasi clinique, avec une cruauté tranchante et des dialogues cinglants, avec une maîtrise formelle fascinante,  Haneke poursuit son examen de la violence en décortiquant ici les racines du nazisme, par une démonstration implacable et saisissante. Une œuvre inclassable malgré ses accents bergmaniens.

     

    Un film à voir absolument. L'oeuvre austère, cruelle, dérangeante, convaincante, impressionnante d'un grand metteur en scène.

     

    Sortie en salles: le 21 octobre 2009

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  • « Les Etreintes brisées » de Pedro Almodovar : critique du film, photos et vidéos de la projection cannoise en présence de l’équipe du film

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    2009_0520almodovar0031.JPGLorsque vous voyez un film dans l’effervescence du Grand Théâtre Lumière, dans l’euphorie cannoise, de surcroît à côté de l’équipe du film, votre avis est forcément vicié et imprégné de cette atmosphère excessive, c’est pourquoi j’ai tenu à retourner voir « Les Etreintes brisées » quelques jours après l’avoir vu sur la Croisette. Inutile de spécifier à quel point c’est étrange de voir un film dans une salle quasiment vide, qui ne réagit donc pas,  après l’avoir vu quelques jours auparavant en présence de l’équipe du film avec un public particulièrement réactif. Alors ? Alors, même loin de l’agitation cannoise, certes « Les Etreintes brisées » n’est pas le film le plus fou, le plus extravagant, le plus délirant de Pedro Almodovar mais il n’en demeure pas moins remarquable à de nombreux points de vue… et l’un de ses meilleurs films, peut-être même le plus maîtrisé. En tout cas, l’un de mes favoris de cette compétition cannoise 2009 avec, notamment « Inglourious Basterds » de Quentin Tarantino (que Pedro Almodovar, en cinéphile, est d’ailleurs allé voir en séance du lendemain).

     

    Synopsis : Il y a 14 ans, dans un violent accident de voiture dans l’île de Lanzarote, un homme (Lluis Homar) a perdu la vue mais aussi la femme de sa vie, Lena (Penelope Cruz). Sa vie se partage alors en deux parties à l’image de ses deux noms : Harry Caine, pseudonyme ludique sous lequel il signe ses travaux littéraires, ses récits et scénarios ; et Mateo Blanco, qui est son 2009_0520almodovar0032.JPGnom de baptême sous lequel il vit et signe les films qu’il réalise. Après l’accident, il n’est alors plus que son pseudonyme : Harry Caine. Dans la mesure où il ne peut plus faire de films, il s’impose de survivre avec l’idée que Mateo Blanco est mort à Lanzarote aux côtés de Lena.

     

    Pedro Almodovar, habitué de la Croisette et de la compétition cannoise (juré en 1992, en compétition pour « Tout sur ma mère » en 1999- prix de la mise en scène -, pour « La mauvaise éducation » en 2004 –présenté hors compétition- ; pour « Volver » en 2006 –prix du scénario et d’interprétation collectif-) est, cette année reparti bredouille pour un film dont la mise en scène d’une impressionnante beauté et maîtrise,  le scénario impeccable et l’interprétation remarquable de Penelope Cruz auraient pourtant pu lui permettre de figurer au palmarès, à ces différents titres.

     

    2009_0520almodovar0034.JPGAussi invraisemblable que cela puisse paraître certains cinéastes ne sont pas des cinéphiles (j’aurais bien des exemples mais je m’abstiendrai) mais au même titre que Picasso maîtrisait parfaitement l’histoire de la peinture, condition sine qua non au renouvellement de son art, il me semble qu’un cinéaste se doit de connaître et d’être imprégné de l’histoire du cinéma, comme Pedro Almodovar qui, dans ce film, en plus de témoigner de sa cinéphilie livre une véritable déclaration d’amour au cinéma (il rend notamment hommage à Hitchcock, Antonioni, Malle, Rossellini… ).  Et à Penelope Cruz qu’il sublime comme jamais, en femme fatale, brisée et forte, à la fois Marylin Monroe, lumineuse et mélancolique, et Audrey Hepburn, gracile et déterminée.

     

    « Les Etreintes brisées » est un film labyrinthique d’une grande richesse : un film sur l’amour fou, le cinéma, la fatalité, la jalousie, la trahison, la passion, l’art. Un film dans lequel,  à l’image du festival de Cannes, cinéma et réalité se répondent, s’imbriquent, se confondent.

     

    La mise en abyme, à l’image de tout ce film, est double : il y a d’une part le film que réalise Harry Caine mais aussi le making of de son film.  Harry Caine est lui-même double puisque c’est le pseudonyme de Mateo Blanco. Il meurt doublement : il perd la vue, la cécité étant la mort pour un cinéaste ; il perd la femme qu’il aime, une étreinte brisée qui représente la mort pour l’homme amoureux qu’il est aussi. Un film morcelé à l’image de ces photos en mille morceaux de Lena, d’une beauté tragique.

     

    Et puis que dire de la réalisation… Flamboyante comme ce rouge immédiatement reconnaissable comme celui d’un film de Pedro Almodovar.  D’un graphique époustouflant comme ce film que Mateo Blanco réalise. Sensuelle comme ces mains qui caressent langoureusement une image à jamais évanouie. Son scénario joue avec les temporalités et les genres (film noir, comédie, thriller, drame) avec une apparente facilité admirable.

     

    Peut-être la gravité mélancolique a-t-elle désarçonnée les aficionados du cinéaste qui n’en oublie pourtant pas pour autant sa folie jubilatoire comme dans ce film dans le film « Filles et valises », hommage irrésistible à « Femmes au bord de la crise de nerfs ».

     

    Un film gigogne d’une narration à la fois complexe et limpide, romantique et cruel, qui porte la poésie langoureuse, la beauté mélancolique et fragile de son titre, un film qui nous emporte dans ses méandres passionnées, un film pour les amoureux, du cinéma. Un film qui a la beauté, fatale et languissante, d’un amour brisé en plein vol… Un film qui a la gravité sensuelle de la voix de Jeanne Moreau, la beauté incandescente d’une étreinte éternelle comme  dans « Voyage en Italie » de Rossellini, la tristesse lancinante de Romy Schneider auxquels il se réfère.

     

    Penelope Cruz, d’une mélancolie resplendissante, pour cette quatrième collaboration,  aurait de nouveau mérité le prix d’interprétation et sa prestation (mais aussi celles de tous ses acteurs et surtout actrices auxquels il rend ici hommage, parfois juste le temps d’une scène comme pour Rossy de Palma)  prouve à nouveau quel directeur d’acteurs est Pedro Almodovar qui sait aussi, en un plan, nous embraser et embrasser dans son univers, immédiatement identifiable, la marque, rare, des grands cinéastes.

     

    Un film empreint de dualité sur l’amour fou par un (et pour les) amoureux fous du cinéma… le cinéma qui survit à la mort, à l’aveuglement, qui sublime l’existence et la mort, le cinéma qui reconstitue les étreintes brisées, le cinéma paré de toutes les vertus. Même celle de l’immortalité… Un film par lequel je vous recommande vivement de vous laisser charmer et enlacer…

     

     

     

     

     

     

     

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    Sandra.M

     

     

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  • La critique d’« Inglourious Basterds » de Quentin Tarantino : palme d’or du Festival de Cannes 2009 ?

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    Photos ci-dessus: Quentin Tarantino, Brad Pitt, Mélanie Laurent (photos inthemoodforcannes.com ).
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    Bien sûr, j’ai été envoûtée par la poésie et la mélancolie sensuelles des « Etreintes brisées » de Pedro Almodovar ( sur lequel je reviendrai et avec lequel le film de Tarantino présente d’ailleurs quelques similitudes), bien sûr j’ai été enthousiasmée par la précision remarquable de la réalisation de Jacques Audiard mais le film de Quentin Tarantino est le premier de ce festival et peut-être même le premier film depuis un moment à m’avoir ainsi hypnotisée, captivée, étonnée de la première à la dernière seconde. Le premier film depuis longtemps que j’avais envie de revoir à peine le générique achevé.

     

    Pitch : Dans la France occupée de 1940, Shosanna Dreyfus assiste à l’exécution de sa famille tombée entre les mains du colonel nazi Hans Landa ( Christoph Waltz). Shosanna (Mélanie Laurent) s’échappe de justesse et s’enfuit à Paris où elle se construit une nouvelle identité en devenant exploitante d’une salle de cinéma. Quelque part, ailleurs en Europe, le lieutenant Aldo Raine (Brad Pitt) forme un groupe de soldats juifs américains pour mener des actions punitives particulièrement  sanglantes contre les nazis. « Les bâtards », nom sous lequel leurs ennemis vont apprendre à les connaître, se joignent à l’actrice allemande et agent secret Bridget von Hammersmark (Diane Krüger) pour tenter d’éliminer les dignitaires du troisième Reich. Leurs destins vont se jouer à l’entrer du cinéma où Shosanna est décidée à mettre à exécution une vengeance très personnelle.

     

    De ce film, très attendu et seul film américain de cette compétition officielle 2009, je n’avais pas lu le pitch, tout juste vu la bande-annonce qui me faisait craindre une grandiloquence maladroite, un humour douteux, voire indécent sur un sujet délicat. Je redoutais, je pensais même détester ce film et ne m’attendais donc pas à ce que la première séquence (le film est divisé en 5 chapitres qui correspondent aux parcours de 5 personnages) me scotche littéralement à l’écran dès la première seconde, à ne plus pouvoir m’en détacher jusqu’à la dernière ligne du générique.

     

    L’un des premiers plans nous montre une hache dans un univers bucolique que la caméra de Tarantino caresse, effleure, esquisse et esquive : finalement ce simple plan pourrait résumer le ton de ce film, où la menace plane constamment, où le décalage est permanent, où toujours le spectateur est sur le qui-vive, la hache pouvant à chaque instant venir briser la sérénité. Cette première séquence dont nous ne savons jamais si nous devons en rire, ou en frissonner  de plaisir (parce qu’elle est jubilatoire à l’image de tout ce film, une première séquence au sujet de laquelle je ne vous en dirai pas plus pour maintenir le suspense et la tension incroyables qui y règne) ou de peur, est sans nul doute une des plus réussies qu’il m’ait été donné de voir au cinéma.

     

     Chaque séquence au premier rang desquelles la première donc recèle d’ailleurs cette même ironie tragique et ce suspense hitchcockien, le tout avec des plans d’une beauté, d’une inventivité sidérantes, des plans qui sont ceux d’un grand cinéaste mais aussi d’un vrai cinéphile (je vous laisse notamment découvrir ce plan magnifique qui est un hommage à « La Prisonnière du désert » de John Ford )  et d’un amoureux transi du cinéma. Rien que la multitude  de références cinématographiques mériterait une deuxième vision tant l’admiration et la surprise lors de la première empêchent de toutes les distinguer.

     

     Oui, parce que « Inglourious Basterds » est aussi un western. « Inglourious Basterds » appartient en réalité à plusieurs genres… et à aucun : western, film de guerre, tragédie antique, fable, farce, comédie, film spaghetti aussi. En fait un film de Quentin Tarantino .  (« Inglourious Basterds » est inspiré d’un film italien réalisé par Enzo G.Castellari). Un genre, un univers qui n’appartiennent qu’à lui seul et auxquels il parvient à nous faire adhérer, quels qu’en soient les excès, même celui de réécrire l’Histoire, même celui de se proclamer chef d’œuvre avec une audace et une effronterie  incroyables. Cela commence ainsi comme un conte  (« il était une fois »), se termine comme une farce.

     

    Avec quelle facilité il semble passer d’un ton à l’autre, nous faire passer d’une émotion à une autre, comme dans cette scène entre Mélanie Laurent et Daniel Brühl, dans la cabine de projection, une scène  qui, en quelques secondes, impose un souffle tragique poignant, époustouflant, d’un rouge éblouissant. Une scène digne d’une tragédie antique.

     

    Il y a du Hitchcock dans ce film mais aussi du Chaplin pour le côté burlesque et poétique et du Sergio Leone pour la magnificence des plans, et pour cet humour ravageur, voire du Melville aussi pour la réalisation, Meville à qui un autre cinéaste (Johnnie To) de cette compétition se référait d’ailleurs. Voilà, en un endroit tenu secret, Tarantino, après les avoir fait kidnapper et fait croire à leurs disparitions au monde entier, a réuni Chaplin,  Leone, et Hitchcock et même Melville et Ford, que l’on croyait morts depuis si longtemps et leur a fait réaliser ce film qui mêle avec brio poésie et sauvagerie, humour et tragédie.

     

    Et puis, il y a en effet le cinéma. Le cinéma auquel ce film est un hommage permanent, une déclaration d’amour passionnée, un hymne vibrant à tel point que c’est le cinéma qui, ici, va sauver le monde, réécrire la page la plus tragique de l’Histoire, mais Tarantino peut bien se permettre : on pardonne tout au talent lorsqu’il est aussi flagrant. Plus qu’un hommage au cinéma c’est même une leçon de cinéma, même dans les dialogues : « J’ai toujours préféré Linder à Chaplin. Si ce n’est que Linder n’a jamais fait un film aussi bon que « Le Kid ».  Le grand moment de la poursuite du « Kid ». Superbe . »  Le cinéma qui ravage, qui submerge, qui éblouit, qui enflamme (au propre comme au figuré, ici). Comment ne pas aimer un film dont l’art sort vainqueur, dans lequel l’art vainc la guerre, dans lequel le cinéma sauve le monde ?

     

     

    Comment ne pas non plus évoquer les acteurs : Mélanie Laurent, Brad Pitt, Diane Krüger, Christoph Waltz, Daniel Brühl y sont magistraux, leur jeu trouble et troublant procure à toutes les scènes et à tous les dialogues (particulièrement réussis) un double sens, jouant en permanence avec le spectateur et son attente. Mélanie Laurent qui a ici le rôle principal excelle dans ce genre, de même que Daniel Brühl et Brad Pitt qui, depuis « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », le chef d’œuvre d’Andrew Dominik ne cesse de prendre de l’épaisseur et nous surprendre.

     

    Que dire de la BO (signée Ennio Morricone) incroyable qui, comme toujours chez Tarantino, apporte un supplément de folie, d’âme, de poésie, de lyrisme et nous achève…

     

    Si Quentin Tarantino a déjà remporté la palme d’or en 1994 (et a notamment présidé le jury en 2004, remettant la palme d’or à Michael Moore pour « Fahrenheit 9/11 », il a également donné une leçon de cinéma l’an passé), il pourrait bien renouveler l’exploit. A défaut, il mériterait le prix de la mise en scène auquel pourraient également prétendre Jacques Audiard et Pedro Almodovar, deux films de ce point vue également parfaits... Il est en tout cas impossible qu’il ne figure pas au palmarès, même si les dissensions avec Isabelle Huppert qui avait effectué le casting pour « Inglourious Basterds » pourraient compliquer encore la tâche.

     

    Quentin Tarantino avec ce septième long-métrage a signé un film audacieux, brillant, insolent, tragique, comique, lyrique, exaltant, décalé, fascinant, irrésistible, cynique, ludique, jubilatoire, dantesque, magistral. Une leçon et une déclaration d’amour fou et d’un fou magnifique, au cinéma.  Ce n’est pas que du cinéma d’ailleurs : c’est un opéra baroque et rock. C’est une chevauchée fantastique. C’est un ouragan d’émotions. C’est une explosion visuelle et un ravissement permanent et qui font passer ces 2H40 pour une seconde !

     

     Bref, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un chef d’œuvre… Je vous laisse en juger par vous-mêmes lors de sa sortie en salles le 21 août et lors de la proclamation du palmarès de ce festival de Cannes 2009 dont il est impossible qu’il ne l’honore pas… A contrario de ses « bâtards sans gloire », Tarantino mérite indéniablement d’en être auréolé ! « Inglourious Basters » était le film le plus attendu de ce festival 2009. A juste titre.

     

    Qu’a pensé Pedro Almodovar, également présent  à la séance à laquelle j’ai vu ce film ? Sans doute que tous deux aiment passionnément le cinéma, et lui rendent un vibrant hommage  (la dernière réplique du film de Tarantino fait ainsi écho à celle d’Almodovar).

     

    Cette critique est un peu courte eu égard à la richesse de ce film, j’y reviendrai donc. Pour l’heure, je me dirige vers la projection de « A l’origine » de Xavier Giannoli. Sur la Croisette il se murmure que François Cluzet pourrait bien remporter un prix d’interprétation grâce à ce film...

     

     A suivre : la critique des « Etreintes brisées » de Pedro Almodovar, la critique du décevant et déconcertant « Les herbes folles » d’Alain Resnais, les vidéos et le résumé de la leçon de cinéma des frères Dardenne, la critique de « A l’origine » de Xavier Giannoli.

     

    Sandra.M 

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  • La beauté de l'éphémère (épisode 3): "Vengeance" de Johnnie To etc

    Je vous avais laissé à la sortie du film de Jacques Audiard, « Un prophète » à l’issue duquel ma course effrénée a repris, cette fois pour rejoindre le groupe des blogueurs invités par Allociné et Philips à l’hôtel 3 :14, d’abord dans une sublime suite louée par Philips pour une démonstration du nouvel écran aux proportions 21/9, puis au Baron pour le dîner. Là, les étages ne portent pas de numéros mais des noms de continents auxquels s’adapte la décoration, exotique, son atmosphère ouatée nous embarquant pour un ailleurs savoureux . Après un joyeux et délicieux diner, notamment agrémenté par l’agitation permanente de notre exubérante voisine, présentatrice de télévision à ses heures… nous prenons la direction de l’extérieur de l’hôtel pour rejoindre notre voiture. Je comprends mieux pourquoi mes collègues venus de Nice avec ce même véhicule en parlaient sans cesse. Nous voilà plongés en plein film de Scorsese, ou en tout cas dans une autre (ir)réalité cannoise.

     

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    Après avoir fait déplacer quelques véhicules et CRS qui nous barraient le passage, nous voilà partis pour la villa Murano, haut lieu des soirées cannoises, dans notre véhicule improbable qui attire et attise les regards. Malgré la lenteur de notre carrosse, le trajet paraît trop court. Après avoir montré nos invitations, nous traversons la voie ferrée puis arrivons dans la fameuse villa Murano qui surplombe la somptueuse baie de Cannes. Nous y passons une petite heure à observer cette foule si éclectique et le dj qui semble avoir allègrement avoir dépassé les 70 ans mais à Cannes , je vous le disais, le temps n'existe pas ... Puis, je repars pour Cannes, cette fois en navette de la villa Murano. Malgré l’heure tardive, la foule est toujours aussi nombreuse à déambuler sur la Croisette, toujours aussi bigarrée. Et le cinéma dans tout ça me direz-vous ? C’est vrai que pour l’heure j’ai vu moins de films que les années précédentes, mais je me délecte à observer cette autre et nouvelle facette de la vie cannoise, qui fait son propre cinéma.

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    La journée du lendemain fut tout aussi chargée avec notamment un passage sur le marché du film pour un rendez-vous à Studio Canal et un visionnage d’un extrait d'un film d'animation puis nous voilà repartis pour notre quartier général pour une master class avec le co-réalisateur de « Vilaine », Jean-Patrick Benès.

     

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    Je passe sur cette journée (mais je reviendrai sur ce sujet ultérieurement) pour en venir à la surprise réservée par les équipes d’Allociné et Philips qui nous avaient donné rendez-vous à 18H pour une soirée mystère « en dehors de Cannes ». Je supposai que cette surprise pourrait être une montée des marches pour « Vengeance » et ne m’en réjouissais pas moins tant j’avais envie de voir ce film, et tant ce serait un plaisir de partager ces instants avec les autres blogueurs pour lesquels cette séance dans le Grand Théâtre Lumière serait une première. Notre groupe se disperse et tandis que certains se retrouvent non loin de Quentin Tarantino (et quelque chose me dit qu’ils ne s’en sont pas encore remis) ou même lui parlent ou lui serrent la main, je me plonge dans la violence lyrique du cinéma de Johnnie To.

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    La foule est particulièrement dense aux abords du palais, pour voir Johnny Hallyday sans doute, dont c’est le retour au cinéma après « Jean-Philippe » et « L’homme du train ». Je brûle d’impatience de voir ce film pour son influence melvillienne, étant une inconditionnelle du réalisateur du « Samouraï » et de « L’armée des ombres ». Là aussi il s’agit d’ailleurs d’une sorte de samouraï  qui porte le nom de Costello comme le personnage interprété par Alain Delon dans le film éponyme. Ici le samouraï c’est donc toujours Costello c’est fois interprété par Johnny Hallyday qui vient à Hong Kong pour venger sa fille (Sylvie Testud) victime de tueurs à gages. Sur son passeport est écrit « cuisinier ». 20 ans plus tôt il était en réalité tueur professionnel. Alain Delon, initialement prévu pour reprendre le rôle de ce nouveau Costello s’est finalement retiré du projet trouvant le scénario décevant, en réalité aussi inexistant qu’abracadabrantesque et résumé dans le titre. Johnny y est hiératique, n’esquissant pas l’ombre d’un sourire (si ce n’est au dénouement). La bonne idée scénaristique était sans doute sa perte de mémoire, la vengeance devenant alors un instinct mécanique et abstrait. Certains plans d’une beauté lyrique sidérante, le mélange d’autodérision et de film noir, l’intrusion du fantastique, la non performance (à juste titre) de Johnny Hallyday amnésique procurent à ce film une singularité et un charme certains sans, évidemment, jamais atteindre le niveau du maître du polar auquel Johnnie To se réfère. Le seul  prix auquel pourrait prétendre Johnnie To serait pour sa mise en scène mais de ce point de vue également le film de Jacques Audiard et évidemment celui de Pedro Almodovar (dont je vous parle demain et vous laisse une de mes vidéos de l’issue de la projection ci-dessous) le dominent largement.

     

     

     

     

    A suivre : la leçon de cinéma des frères Dardenne (mon résumé et mes vidéos), « Les étreintes brisées de Pedro Almodovar », les vidéos de Pedro Almodovar et Penelope Cruz à l’issue de la projection et ma critique du film, "la beauté de l’éphémère, épisode 4 " et dernier épisode de mes pérégrinations en compagnie des autres blogueurs (vous comprendrez enfin le pourquoi de ce titre)…et de nombreux autres évènements cinématographiques et de la vie cannoise !

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  • La beauté de l'éphémère (2): de battre mon coeur s'est arrêté...

    Ces cinq premiers jours cannois ont ressemblé à un film. Un film aussi vertigineux que la salle du Théâtre Lumière.  Aussi palpitant qu’un film de Jacques Audiard. Aussi inventif qu’un film d’Alain Resnais.   Aussi poétique qu’un film de Fellini. Aussi onirique qu’un film de Burton. Et pourtant ... et pourtant ces 5 jours étaient bien réels.

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     Mais revenons là où je vous avais laissés, attendant mes collègues blogueurs aussi choisis par Allociné et Philips pour vivre un autre Festival de Cannes et le relater sur le blog « Off Cannes » (http://www.offcannes.com ). Après un déjeuner à l’endroit qui deviendra notre quartier général, la « plage des stars », je culpabilisais (juste un peu hein:-)) de quitter mes collègues blogueurs (avec lesquels j’aurai le grand plaisir de passer plus de temps ensuite), mais  j'étais néanmoins ravie car je partais voir le dernier film de Jacques Audiard présenté en compétition officielle « Un prophète ». J’étais d’autant plus ravie que  depuis son prix du meilleur scénario en 1996 pour le très percutant « Un héros très discret »,  ses films m’ont toujours enthousiasmée.

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     Après ma troisième montée des marches de ce Festival 2009, toujours ( plus que jamais) dans des conditions exceptionnelles, vraiment hors du temps, je me plonge dans l’univers, à la fois empreint de noirceur et de poésie, de Jacques Audiard. Il nous fait entrer par le trou de la serrure dans l’univers carcéral, et parvient à nous immerger dans cet univers âpre, pendant 2H30, sans jamais que nous voyions le temps passer.

     prophète.jpgLe temps, nous le passons avec Malik (Tahar Rahim), condamné à 6 ans de prison, ne sachant ni lire ni écrire. A son arrivée en Centrale, seul à monde, il paraît ainsi plus jeune et plus fragile que les autres détenus. Il n’a que 19 ans. D’emblée il tombe sous la coupe d’un groupe de prisonniers corses qui fait régner la loi dans la prison. Le jeune homme apprend vite. Au fil des « missions » il s’endurcit et gagne la confiance des Corses. Mais, très vite, Malik utilise toute son intelligence pour développer son propre réseau.

     Quelle gageure de captiver le spectateur en l’immergeant dans un univers aussi rugueux ! Audiard y parvient pourtant magistralement sans pour autant tomber dans la facilité, et notamment pas dans l’écueil du manichéisme, nous faisant suivre pas à pas le parcours sinueux de ce détenu magistralement interprété par Tahar Rahim (une véritable révélation qui mériterait un prix d’interprétation).

     Du cinéma de Jacques Audiard émane une poésie violente, à l’image de ces instants au cours desquels mon cœur de battre s’est arrêté.  A l’heure où les conditions de vie dans les prisons font objet de débat, tout en étant indéniablement divertissant (De victime, Malik devient héros, même  si c’est sa survie qui l’exige, un héros meurtrier), le film d’Audiard a une incontestable portée politique, chaque seconde du film démontrant à quel point la prison est devenue une micro-société où les trafics semblent se pérenniser, voire se développer. Les gardiens sont d’ailleurs très peu présents dans le film et les prisonniers semblent presque circuler à leur guise, à l’abri des regards extérieurs, là où la violence semble pourtant encore plus palpable.

      Ce nouveau film « entre les murs » pourrait-il aussi avoir la palme d’or après celle, éponyme, de 2008 ? Finalement, outre le fait d’être tous deux français, ils présentent aussi le point commun de pointer le doigt sur une réalité tout en n’oubliant jamais le spectateur, une réalité (la difficulté de vie dans les prisons où se développent les trafics plus qu’elles ne réinsèrent) en pleine actualité à l’image de ce qu’était l’école, sujet principal de la palme d'or 2008 « Entre les murs ».

     Audiard montre une nouvelle fois son attachement à ces personnages et l'empathie dont il sait faire preuve à leur égard et nous faire passer, aussi abîmés par la vie soient-ils, des personnages que les difficultés de l’existence transforment radicalement.

     Le premier grand film de ce festival qui mêle avec brio fantasmagorie et réalisme violence et poésie noire, meurtre et rédemption, divertissement et sujet de société. Un prix du scénario (pour Abdel Raouf Dafri, scénariste du dyptique Mesrine) n’est de nouveau pas à exclure…

    Ces dix minutes étaient décidément trop courtes pour vous parler de ce film et je dois désormais partir pour la leçon de cinéma des frères Dardenne alors je vous reparlerai de ce film ultérieurement et de la suite de cette soirée très « hollywoodienne » (au 3 :14, au Baron et à la villa Murano) en compagnie des autres blogueurs… mais sans nul doute, quelle qu’en soit la suite, restera le souvenir de la beauté de l’éphémère, de l’intensité du silence, de sa polysémie plus que jamais troublante, de l’ironie  du destin, décidément plus imaginatif que la fiction, ou alors au point de lui ressembler. Oui, ce soir-là,  de battre mon cœur s’est arrêté…


     

     A suivre : outre le récit de cette soirée et "la beauté de l'éphémère: épisode 3", la critique de « Vengeance » de Johnnie To, des master class, la leçon de cinéma des frères Dardenne, « Les étreintes brisées », la plage Orange, la plage Majestic 62, Jerry Lewis, Yvan Le Bolloch dans un concert impromptu … et de nombreux autres évènements!

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  • La beauté de l’éphémère (1)… : ma journée avec L’oréal (suite)

    Hier, il a neigé sur la  Croisette… C’est finalement ce que j’ai vu de plus banal ces 5 derniers jours, l’improbable étant devenu la norme.

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     Comment résumer ces 5 jours si riches  en émotions, en évènements, en cinéma, en rencontres, en instants irréels, réellement cinématographiques, à tel point que je n’ai pas eu le temps d’écrire, à tel point que j’ai préféré la vie à son récit, sa fiction, pourtant si indissociablement liés, enchevêtrés, parfois avec une ironie diabolique… oui, j’ai découvert une nouvelle facette de Cannes où tout semble joyeux, passible, irréel, où la vie, réellement « passe comme un rêve ». 5 jours qui équivalent à une seconde ou un an. Le temps n’existe plus, s’est même arrêté un instant, le temps d’un cliché sur tapis rouge, puis a repris sa course effrénée, laissant son illusion d’éternité. Je retrouve aujourd’hui avec plaisir la mélodie du silence et des mots pour vous raconter même si je n’aurai à nouveau pas autant de temps que je l’aurais souhaité, mais en tout cas, désormais, les articles seront de nouveau quotidiens sur Inthemoodforcannes.com, Inthemoodforcinema.com et aussi sur offcannes.com sur lequel je vais également continuer à écrire.

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    Grâce au concours de blogs remporté par Inthemoodforcannes.com l'an passé, je devais donc passer cette journée du 15 mai en compagnie de L'Oréal...

     

    2009_0516loreal20004.JPGTout a commencé par une voiture officielle du Festival qui est venue me chercher pour m’emmener au Martinez. Et puis ensuite les journées, les nuits, le cinéma, la réalité se sont enchaînés et confondus dans un ballet grisant. L’accueil de l’équipe L’Oréal, la présentation aux inénarrables journalistes de la presse féminine avec lesquelles je passerai cette journée l’oréalesque, le déjeuner au Carlton (au lieu du restaurant de plage du Martinez, pour cause de pluie) dans une salle presque vide à la table à côté de celle de Jane Campion (tout de même) à l’image de ses précédents films, d’une étrange grâce intemporelle, Abbie Cormish, Ben Whishaw , un jeune homme dont ma voisine intarissable m’apprend qu’il s’agit de Ryan Philippe, et non loin d’Eva Longoria (contre laquelle mon autre voisine journaliste ne cessera de pester pour avoir vue son interview annulée au dernier moment) et Tony Parker.  Retour au Martinez pour attendre la maquilleuse de L’Oréal et le coiffeur de Jacques Dessange.  L’ambiance est joyeuse et décontractée (merci encore à mes deux amies qui se reconnaîtront, c’était formidable de partager ces instants insolites avec vous). La conversation est tellement joyeuse que nous ne voyons pas l’heure passer. benwishaw.jpg J’apprends justement que Ben Wishaw, l’acteur principal du film de Jane Campion « Bright star » vient d’être coiffé par la même main, juste avant moi, et puis surtout je pose plein de questions sur le festival auxquelles ma coiffeuse répond avec gentillesse, se mêlant à notre 2009_0516loreal20020.JPGjoyeux brouhaha. C’est passionnant et oserais-je dire (oui, oui, j’oserai ) beaucoup plus que la conversation de certaines journalistes avec lesquelles j’ai déjeuné (pas toutes, j’ai été ravie  de faire connaissance avec certaines d’entre elles dont ma voisine qui se reconnaîtra, je pense).

     

    Soudain, une des attachées de presse de l’Oréal entre en trombes dans la chambre. Le ciel semble lui être tombé sur la tête, la catastrophe paraît imminente. Un être mystérieux la presse au téléphone de m’emmener de gré ou de force. Il faut se dépêcher, les autres m’attendent, les voitures sont sur le point de partir et nous devons impérativement partir avec le reste de l’équipe L’Oréal. La coiffeuse remet à la hâte les dernières mèches, je voudrais avoir le temps de la remercier mais déjà on m’entraîne dans les couloirs du Martinez pour une course échevelée (enfin 2009_0516loreal20049.JPGheureusement uniquement au sens figuré). Nous croisons Franc Dubosc qui se fait prendre en photo dans des poses très jamesbondesques mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur cette image plus cocasse que glamour qu’on m’engouffre dans l’ascenseur avant de me refaire prendre ma course dans le hall du Martinez, jusqu’au bar où devait se dérouler le cocktail. Les sept journalistes avec lesquelles j’ai déjeuné m’attendent et devant nous Eva Longoria tente de rentrer dans sa voiture sous une nuée de flashs qui nous éblouissent nous aussi. On nous attribue un numéro de voiture. La mienne se trouve juste derrière celle d’Eva Longoria. Nous montons dans notre voiture à la hâte, et roulons ainsi au pas, jusqu’au bas des marches. C’est étrange de voir la foule, vorace, ainsi se presser contre la vitre, avide d’un regard. L’actrice dont j’ignore le nom qui est aussi dans ma voiture semble aux anges pour sa première montée des marches. Eva Longoria et Tony Parker descendent de la voiture juste devant nous pour signer des autographes puis on nous ouvre la portière et nous attendons puis gravissons les marches juste derrière eux parmi les cris stridents, violents parfois même, des photographes. L’actrice «  de la voiture » dont évidemment j’ignore toujours le nom replace une de mes mèches rebelles, comme si la montée des marches devait créer une complicité, ou du moins en donner l’impression, se disant sans doute que ce geste à la fois faussement nonchalant et sympathique serait très photogénique, ou peut-être tout simplement très heureuse d’être là.

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     brigts.jpgEt puis je retrouve cette salle que je connais si bien, et le cinéma, enfin. La lumière s’éteint. J’apprécie le silence après l’euphorie. Je me plonge dans l’univers, plus doux et policé, de Jane Campion que j’attendais si impatiemment. Le début me déroute. Cette histoire avait tout pour me plaire mais ce récit des amours contrariées du jeune poète anglais John Keats et  de sa voisine Fanny Brawne peine à m’embarquer. Jane Campion vous nous parler de fièvre ( de la passion et de la création) mais son film en est malheureusement dépourvu.  Ce qui aurait pu (et sans doute voulu) être une retenue devient tellement lisse que cela me laisse à distance, pourtant j’aurais aimé me laisser emporter par cette histoire, par leurs élans passionnés et leurs désirs contrariés. Les obstacles à  l’histoire d’amour des deux protagonistes sont finalement assez flous, les personnages secondaires trop esquissés pour être crédibles. Abbie Cormish y met beaucoup de conviction, mériterait un prix d’interprétation, sans nul doute. La caméra, pourtant si sensible, presque caressante,  de Jane Campion est appliquée mais je n’arrive pas à être touchée par ses personnages, à croire à leurs sentiments. Restent les mots de John Keats d’une mélancolie envoûtante, à l’image de ce que j’aurais rêvé que soit ce film, à l’histoire si prometteuse. La photographie est certes empreinte de cette retenue à la fois lumineuse et sombre, et de mélancolie mais pas assez pour que nous éprouvions l’amour douloureux des protagonistes, ni cette passion qui les prive de liberté.

    Contrairement à ses films précédents et bien que les sentiments qui envahissent les deux personnages principaux soient intemporels, le film a aussi un aspect suranné malgré la poésie qui surgit parfois, comme tous ces papillons qui envahissent la chambre de Fanny faisant écho aux vers de John Keats :

    « Je rêve que nous sommes des papillons

    N’ayant à vivre que trois jours d’été.

    Avec vous ils seraient plus plaisants

    Que cinquante années d’une vie ordinaire »

    Je repense à ma voisine de projection qui le midi même avait affirmé, péremptoire, visiblement très fière de partager cette "découverte"(ou du moins ce qui pour elle semblait l’être)  que l’art, selon sa définition devait être intemporel. Ce film ne sera certainement pas pour elle un chef d’œuvre…

     

    Puis revenant dans le prosaïsme du XXIème siècle, quoique… nous reprenons les voitures officielles, direction le Majestic pour le dîner. Tandis qu’une des convives continue d’évoquer son sujet favori, elle-même, ma voisine me parle de son émotion, les yeux encore rougies, que lui a provoqué le film de Jane Campion. Je m’en veux presque de n’être pas émue. Peut-être aussi, parce que je suis là et ailleurs, à penser à la beauté ironique du destin qui fait se rejoindre ma fiction et la réalité, à penser que je n’ai peut-être pas tort de rêver toujours à l’impossible, aussi déraisonnable soit-il. Puis, je me paie le luxe de refuser d’aller à la soirée Canal plus (à la villa Doumergues ou de Mai, je n’ai pas bien compris) pour me retrouver avec le silence de mes pensées enivrantes, après une dernière séance photo dans le hall du Martinez et avant d’y passer la nuit.

     

    La nuit sera courte et après un petit déjeuner au Martinez, une voiture officielle  m’attend pour me ramener à mon hôtel car déjà ces mésaventures à peine terminées d’autres m’attendent puisque 3 heures plus tard mes camarades blogueurs sélectionnés comme moi pour vivre 3 jours à Cannes, avec Allociné et Philips, vont bientôt arriver. Je les attends avec impatience, ayant hâte de faire leur connaissance pour certains, de les retrouver pour d’autres. Je n’imaginais pas alors à quel point ces trois jours, aussi, seraient inoubliables…

     

    Avant de partir vers d’autres aventures, je repense aux signes du destin en redoutant aussi leur cruauté, et je repense à cette journaliste également invitée par L'Oréal qui a demandé à sa collègue, avec le plus grand sérieux du monde si elle parlait autrichien, ce à quoi son interlocutrice a rétorqué qu’en effet elle parlait… allemand.  Je crois qu’à cet instant, au moins, la perplexité lui aura fait oublier le refus d’Eva Longoria…

     

    Je vous parlerai de nouveau de cette journée dans mon compte rendu final du festival. Vous pouvez retrouver les photos et vidéos dans l'article ci-dessous. D'autres viendront les rejoindre...

     

    Catégories : COMPETITION OFFICIELLE, CONCOURS, PARTENARIATS ET SPONSORS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • "A l'origine" de Xavier Giannoli: compétition officielle 2009

    Je poursuis la présentation des films de la compétition officielle 2009, avec l'un des 4 films français: "A l'origine" de Xavier Giannoli.

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    Synopsis: En France, aujourd'hui, un petit escroc sans envergure réussit à se faire passer pour un chef de chantier responsable de la construction d'un tronçon d'autoroute. Il va duper toute une région, engager une dizaine d'ouvriers,  et profiter cyniquement de son escroquerie avant de rencontrer une femme, maire d'une petite ville qui traverse sa route. Elle le trouble, le fragilise, lui révèle un monde qu'il ne connaissait pas: les sentiments. Jusqu'où ira-t-il pour sauver ses victimes, pour se sauver lui-même de son mensonge.

    Sortie en salles: le 14 octobre 2009

    Durée: 2H30

    Casting:  François Cluzet, Gérard Depardieu, Emmanuelle Devos, Vincent Rottier, Stéphanie Sokolinski...

    Complément d'informations: En 1998, Xavier Giannoli avait obtenu la palme d'or du court-métrage avec "L'interview". En 2006 , Xavier Giannoli présentait en compétition "Si j'étais chanteur", son troisième long après "Une aventure" et "Les corps impatients" un film qui avait ravi les festivaliers mais qui était reparti bredouille. "A l'origine" est donc son deuxième film en compétition officielle. Cliquez ici pour lire ma critique de "Si j'étais chanteur", vu à Cannes, en 2006.

    Catégories : COMPETITION OFFICIELLE Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer