Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

HORS COMPETITION - Page 3

  • "You will meet a tall dark stranger" de Woody Allen : hors compétition

    allen3.jpg

    Jusqu'à l'ouverture du festival et avant de vous livrer mes critiques en direct de Cannes, je vous parlerai régulièrement plus en détails de certains film. Je commence avec l'incontournable Woody Allen, de nouveau présent à Cannes et comme d'habitude hors compétition pour un film singulièrement intitulé "You will meet a tall dark stranger" dont le synopsis est le suivant: L'histoire d'une femme célibataire (Naomi Watts) bouleversée par les propos d'une diseuse de bonne aventure... La voyante lui a prédit une rencontre qui va changer sa vie : elle va croiser le chemin de son âme soeur. Egalement au casting: Josh Brolin, Anthony Hopkins, Antonio Banderas, Freida Pinto, Anupam Kher,  Lucy Punch...

    EXTRAIT DU FILM:

    Films déjà présentés à Cannes par Woody Allen:

    allen4.jpg

    2008 - VICKY CRISTINA BARCELONA - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues

    2005 - MATCH POINT - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues

    2002 - HOLLYWOOD ENDING - Hors Compétition Interprète, Réalisation, Scénario & Dialogues

    1989 - NEW YORK STORIES - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Interprète

    1987 - RADIO DAYS - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues

    1986 - HANNAH AND HER SISTERS (HANNAH ET SES SOEURS) - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Interprète

    1985 - THE PURPLE ROSE OF CAIRO (LA ROSE POURPRE DU CAIRE) - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues

    1984 - BROADWAY DANNY ROSE - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Interprète

    1982 - BONJOUR MONSIEUR LEWIS - Hors Compétition Interprète

    1979 - MANHATTAN - Hors Compétition Réalisation, Scénario & Dialogues, Interprète

     Récompenses:

    1985 - Prix de la Critique Internationale - F.I.P.R.E.S.C.I. - THE PURPLE ROSE OF CAIRO (LA ROSE POURPRE DU CAIRE) - Long métrage

     En bonus, deux critiques de films présentés à Cannes par Woody Allen:

    CRITIQUE DE MATCH POINT:

    Un film de Woody Allen comme le sont ceux de la plupart des grands cinéastes est habituellement immédiatement reconnaissable, notamment par le ton, un humour noir corrosif, par la façon dont il (se) met en scène, par la musique jazz, par le lieu (en général New York).

    Cette fois il ne s'agit pas d'un Juif New Yorkais en proie à des questions existentielles mais d'un jeune irlandais d'origine modeste, Chris  Wilton   (Jonathan Rhys-Meyer), qui se fait employer comme professeur de tennis dans un club huppé londonien. C'est là qu'il sympathise avec Tom Hewett (Matthew Goode), jeune homme de la haute société britannique avec qui il partage une passion pour l'opéra. Chris fréquente alors régulièrement les Hewett et fait la connaissance de Chloe (Emily Mortimer), la sœur de Tom, qui tombe immédiatement sous son charme. Alors qu'il s'apprête à l'épouser et donc à gravir l'échelle sociale, il rencontre Nola Rice (Scarlett Johansson), la pulpeuse fiancée de Tom venue tenter sa chance comme comédienne en Angleterre et, comme lui, d'origine modeste. Il éprouve pour elle une attirance immédiate, réciproque. Va alors commencer entre eux une relation torride...

    match6.jpg

    Je mets au défi quiconque n'ayant pas vu le nom du réalisateur au préalable de deviner qu'il s'agit là d'un film de Woody Allen, si ce n'est qu'il y prouve  son génie, dans la mise en scène, le choix et la direction d'acteurs, dans les dialogues et dans le scénario, « Match point » atteignant d'ailleurs pour moi la perfection scénaristique.

    Woody Allen réussit ainsi à nous surprendre, en s'affranchissant des quelques « règles » qui le distinguent habituellement : d'abord en ne se mettant pas en scène, ou en ne mettant pas en scène un acteur mimétique de ses tergiversations existentielles, ensuite en quittant New York qu'il a tant sublimée. Cette fois, il a en effet quitté Manhattan pour Londres, Londres d'une luminosité obscure ou d'une obscurité lumineuse, en tout cas ambiguë,  à l'image du personnage principal, indéfinissable.

    Dès la métaphore initiale, Woody Allen nous prévient (en annonçant le thème de la chance) et nous manipule (pour une raison que je vous laisse découvrir), cette métaphore faisant écho à un rebondissement (dans les deux sens du terme) clé du film. Une métaphore sportive qu'il ne cessera ensuite de filer : Chris et Nola Rice se rencontrent ainsi autour d'une table de ping pong et cette dernière qualifie son jeu de « très agressif »...

    « Match point » contrairement à ce que son synopsis pourrait laisser entendre n'est pas une histoire de passion parmi d'autres (passion dont il filme d'ailleurs et néanmoins brillamment l'irrationalité et  la frénésie suffocante que sa caméra épouse) et encore moins une comédie romantique (rien à voir avec « Tout le monde dit I love you » pour lequel Woody Allen avait également quitté les Etats-Unis) ; ainsi dès le début s'immisce une fausse note presque imperceptible, sous la forme d'une récurrente thématique pécuniaire, symbole du mépris insidieux, souvent inconscient, que la situation sociale inférieure du jeune professeur de tennis suscite chez sa nouvelle famille,  du sentiment d'infériorité que cela suscite chez lui mais aussi de sa rageuse ambition que cela accentue ; fausse note qui va aller crescendo jusqu'à la dissonance paroxystique, dénouement empruntant autant à l'opéra qu'à la tragédie grecque. La musique, notamment de Verdi et de Bizet, exacerbe ainsi encore cette beauté lyrique et tragique.

    match5.jpg



    C'est aussi le film des choix cornéliens, d'une balle qui hésite entre deux camps : celui de la passion d'un côté, et de l'amour, voire du devoir, de l'autre croit-on d'abord ; celui de la passion amoureuse d'un côté et d'un autre désir, celui  de réussite sociale, de l'autre (Chris dit vouloir  « apporter sa contribution à la société ») réalise-t-on progressivement. C'est aussi donc le match de la raison et de la certitude sociale contre la déraison et l'incertitude amoureuse.

     A travers le regard de l'étranger à ce monde, Woody Allen dresse le portrait acide de la « bonne » société londonienne avec un cynisme chabrolien auquel il emprunte d'ailleurs une certaine noirceur et une critique de la bourgeoisie digne de  La cérémonie que le dénouement rappelle d'ailleurs.

    Le talent du metteur en scène réside également dans l'identification du spectateur au (anti)héros et à son malaise croissant qui trouve finalement la résolution du choix cornélien inéluctable, aussi odieuse soit-elle. En ne le condamnant pas, en mettant la chance de son côté, la balle dans son camp, c'est finalement notre propre aveuglement ou celui d'une société éblouie par l'arrivisme que Woody Allen stigmatise. Parce-que s'il aime (et d'ailleurs surtout désire) la jeune actrice, Chris aime plus encore l'image de lui-même que lui renvoie son épouse : celle de son ascension.

    Il y a aussi du Renoir dans ce Woody Allen là qui y dissèque les règles d'un jeu social, d'un match fatalement cruel ou même du Balzac car rarement le ballet de la comédie humaine aura été aussi bien orchestré.

     Woody Allen signe un film d'une férocité jubilatoire, un film cynique sur l'ironie du destin, l'implication du hasard et  de la chance. Un thème que l'on pouvait notamment trouver dans « La Fille sur le pont » de Patrice Leconte. Le fossé qui sépare le traitement de ce thème dans les deux films est néanmoins immense : le hiatus est ici celui de la morale puisque dans le film de Leconte cette chance était en quelque sorte juste alors qu'elle est ici amorale, voire immorale, ...pour notre plus grand plaisir. C'est donc l'histoire d'un crime sans châtiment dont le héros, sorte de double de Raskolnikov, est d'ailleurs un lecteur assidu de Dostoïevski (mais aussi d'un livre sur Dostoïevski, raison pour laquelle il épatera son futur beau-père sur le sujet), tout comme Woody Allen à en croire une partie la trame du récit qu'il lui « emprunte ».

    Quel soin du détail pour caractériser ses personnages, aussi bien dans la tenue de Nola Rice la première fois que Chris la voit que dans la manière de Chloé de jeter négligemment un disque que Chris vient de lui offrir, sans même le remercier . Les dialogues sont tantôt le reflet du thème récurrent de la chance, tantôt d'une savoureuse noirceur (« Celui qui a dit je préfère la chance au talent avait un regard pénétrant sur la vie », ou citant Sophocle : « n'être jamais venu au monde est peut-être le plus grand bienfait »...). Il y montre aussi on génie de l'ellipse (en quelques détails il nous montre l'évolution de la situation de Chris...).

    match3.jpg

    Cette réussite doit aussi beaucoup au choix des interprètes principaux : Jonathan Rhys-Meyer qui interprète  Chris, par la profondeur et la nuance de son jeu, nous donnant l'impression de jouer un rôle différent avec chacun de ses interlocuteurs et d'être constamment en proie à un conflit intérieur ; Scarlett Johansson d'une sensualité à fleur de peau qui laisse affleurer une certaine fragilité (celle d'une actrice en apparence sûre d'elle mais en proie aux doutes quant à son avenir de comédienne)  pour le rôle de Nola Rice qui devait être pourtant initialement dévolu à Kate Winslet ; Emily Mortimer absolument parfaite en jeune fille de la bourgeoisie londonienne, naïve, désinvolte et snob qui prononce avec la plus grande candeur des répliques inconsciemment cruelles(« je veux mes propres enfants » quand Chris lui parle d'adoption ...). Le couple que forment Chris et Nola s'enrichit ainsi de la fougue, du charme électrique, lascif et sensuel de ses deux interprètes principaux.

    match2.jpg



    La réalisation de Woody Allen a ici l'élégance perfide de son personnage principal, et la photographie une blancheur glaciale semble le reflet de son permanent conflit intérieur.

     Le film, d'une noirceur, d'un cynisme, d'une amoralité inhabituels chez le cinéaste, s'achève par une balle de match grandiose au dénouement d'un rebondissement magistral qui par tout autre serait apparu téléphoné mais qui, par le talent de Woody Allen et de son scénario ciselé, apparaît comme une issue d'une implacable et sinistre logique  et qui montre avec quelle habileté le cinéaste a manipulé le spectateur (donc à l'image de Chris qui manipule son entourage, dans une sorte de mise en abyme). Un match palpitant, incontournable, inoubliable.  Un film audacieux, sombre et sensuel qui mêle et transcende les genres et ne dévoile réellement son jeu qu'à la dernière minute, après une intensité et un suspense rares allant crescendo. Le témoignage d'un regard désabusé et d'une grande acuité sur les travers et les blessures de notre époque. Un chef d'œuvre à voir et à revoir !

    « Match point » est le premier film de la trilogie londonienne de Woody Allen avant « Scoop » et « Le rêve de Cassandre ».

    CRITIQUE DE VICKY CRISTINA BARCELONA

    vicky2.jpg

     Quoiqu’il advienne, quel que soit le sujet, je ne manque JAMAIS un film de Woody Allen et ils sont peu nombreux ces réalisateurs dont chaque film recèle une trouvaille, dont chaque film est une réussite (même si certains évidemment sont meilleurs que d’autres, ou plus légers que d’autres), une véritable gageure quand on connaît la productivité de Woody Allen qui sort quasiment un film par an.

     

    Imaginez donc mon désarroi d’avoir manqué celui-ci au dernier Festival de Cannes (non, vous ne pouvez pas : c’est insoutenable surtout sachant que mes acolytes festivaliers en sortaient tous le sourire aux lèvres, réjouis et un brin narquois envers ma malchance…) et mon impatience de le voir dès sa sortie en salles. Je me demande comment j’ai pu attendre trois jours après sa sortie surtout sachant que, dans mon impatience, je pensais qu’il sortait la semaine dernière… Bref,  alors ce dernier Woody Allen était-il à la hauteur de l’attente ?

     

    Evidemment, il serait malvenu de le comparer à la trilogie londonienne, véritable bijou d’écriture scénaristique et de noirceur jubilatoire. Ce dernier est plus léger (quoique…), et pourtant..., et pourtant c’est encore une véritable réussite, qui ne manque ni de sel (pour faire référence à une réplique du film), ni d’ailleurs d’aucun ingrédient qui fait d’un film un moment unique et réjouissant.

     

    Pitch : Vicky (Rebecca Hall) et Cristina (Scarlett Johanson) sont d'excellentes amies, avec des visions diamétralement opposées de l'amour : la première est plutôt raisonnable, fiancée à un jeune homme « respectable » ; la seconde est plutôt instinctive, dénuée d'inhibitions et perpétuellement à la recherche de nouvelles expériences passionnelles. Vicky et Cristina sont hébergées chez Judy et Mark, deux lointains parents de Vicky,  Vicky pour y consacrer les derniers mois avant son mariage  et y terminer son mémoire sur l’identité catalane; Cristina pour goûter un changement de décor. Un soir, dans une galerie d'art, Cristina remarque le ténébreux peintre Juan Antonio (Javier Bardem). Son intérêt redouble lorsque Judy lui murmure que Juan Antonio entretient une relation si orageuse avec son ex-femme, Maria Elena (Pénélope Cruz), qu'ils ont failli s'entre-tuer. Plus tard, au restaurant, Juan Antonio aborde Vicky et Cristina avec une « proposition indécente ». Vicky est horrifiée ; Cristina, ravie, la persuade de tenter l'aventure...

     

    Les jeux de l’amour et du hasard. Un marivaudage de plus. Woody Allen fait son Truffaut et son « Jules et Jim » pourrait-on se dire à la lecture de ce pitch. Oui mais non. Surtout non. Non parce que derrière un sujet apparemment léger d’un chassé-croisé amoureux, le film est aussi empreint de mélancolie et même parfois de gravité. Non parce qu’il ne se contente pas de faire claquer des portes mais d’ouvrir celles sur les âmes, toujours tourmentées, du moins alambiquées, de ses protagonistes, et même de ses personnages secondaires toujours croqués avec talent, psychologie, une psychologie d’une douce cruauté ou tendresse, c’est selon. Non parce que le style de Woody Allen ne ressemble à aucun autre : mélange ici de dérision (souvent, d’habitude chez lui d’auto-dérision), de sensualité, de passion, de mélancolie, de gravité, de drôlerie, de cruauté, de romantisme, d’ironie...

     

    Woody Allen est dit-on le plus européen des cinéastes américains, alors certes on a quitté Londres et sa grisaille pour Barcelone dont des couleurs chaudes l’habillent et la déshabillent mais ce qu’il a perdu en noirceur par rapport à la trilogie londonienne, il l’a gagné en sensualité, et légèreté, non pour autant dénuées de profondeur. Il suffit de voir comment il traduit le trouble et le tiraillement sentimental de Vicky lors d’une scène de repas où apparait tout l’ennui de la vie qui l’attend pour en être persuadé. Ou encore simplement de voir comment dans une simple scène la beauté d’une guitare espagnole cristallise les émotions et avec quelle simplicité et quel talent il nous les fait ressentir. (Eh oui Woody Allen a aussi délaissé le jazz pour la variété et la guitare espagnoles…)

     

     Javier Bardem, ténébreux et troublant, Penelope Cruz, volcanique et passionnelle, Scarlett Johanson (dont c’est ici la troisième collaboration avec Woody Allen après « Match point » et « Scoop »…et certainement pas la dernière), sensuelle et libre, Rebecca Hall, sensible et hésitante : chacun dans leurs rôles ils sont tous parfaits, et cette dernière arrive à imposer son personnage, tout en douceur, face à ces trois acteurs reconnus et imposants. (Dommage d'ailleurs que son personnage n'apparaisse même pas sur l'affiche, c'est finalement le plus intéressant mais certes aussi peut-être le plus effacé...dans tous les sens du terme.)

     

     A la fois hymne à la beauté (notamment de Barcelone, ville impétueuse, bouillonnante, insaisissable, véritable personnage avec ses bâtiments conçus par Gaudi , le film ne s’intitulant pas « Vicky Cristina Barcelona » pour rien) et à l’art, réflexion sur l’amoralité amoureuse et les errements et les atermoiements du corps et du cœur, Woody Allen signe une comédie (on rit autant que l’on est ému) romantiquement sulfureuse et mélancoliquement légère, alliant avec toute sa virtuosité ces paradoxes et s’éloignant des clichés ou  de la vulgarité qui auraient été si faciles pour signer un film aussi élégant que sensuel.  Cet exil barcelonais pourra en déconcerter certains, mais c’est aussi ce qui imprègne ce film de cette atmosphère aussi fougueuse que cette ville et ces personnages.

     

    Malgré les 72 ans du cinéaste, le cinéma de Woody Allen n’a pas pris une ride : il fait preuve d’une acuité, d’une jeunesse, d’une insolence, d’une inventivité toujours étonnantes,  remarquables et inégalées. Un voyage barcelonais et initiatique décidément réjouissant. Vivement le prochain ! En attendant je vous laisse réfléchir à l’idée défendue dans le film selon laquelle l’amour romantique serait celui qui n’est jamais satisfait… A méditer !

    vicky3.jpg

    Autre critique de films (à voir également) de Woody Allen à lire sur inthemoodforcinema.com :   « Whatever works » .

    Catégories : HORS COMPETITION Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • "Carlos" d'Olivier Assayas finalement sélectionné hors compétition

    assayas.jpgAlors qu'il avait été annoncé il y a encore quelques jours que "Carlos" d'Olivier Assayas ne serait pas programmé, nous venons d'apprendre qu'il sera finalement projeté hors compétition. Il s'agit d'un biopic sur la vie du terroriste d'extrême gauche Carlos.

    Créé à l'origine  pour la télévision  Carlos était d'une durée initile  de 5h30. Cette durée étant trop longue  pour le festival, Olivier Assayas l'a réduit à 2h20.

    L'acteur vénézuélien, Edgar Ramirez  tiendra le rôle d' Ilich ramirez Sanchez ( Carlos) .

    Le film entier (5h30 en trois parties) sera diffusé le même jour que sa projection cannoise sur Canal + et distribué ensuite exclusivement à l'étranger.

    Catégories : HORS COMPETITION Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Hors compétition- "Agora" d'Alejandro Amenabar

    amenabar2.jpg
    Alejandro Amenabar- Ce matin

    Jeudi dernier, on me proposait de voir « Agora » ce lundi en avant-première à l'UGC de Bercy puis d'interviewer son réalisateur Alejandro Amenabar, le lendemain (aujourd'hui donc). J'étais évidemment aussi agréablement surprise qu'enthousiaste à cette idée même s'il m'a fallu pour cela renoncer à la Master class Jean-Laurent Cochet réservée de longue date (et ceux qui suivent ce blog depuis un moment savent à quel point j'en suis inconditionnelle) et même si je prends à cœur mais surtout avec humilité ce tout nouveau rôle d'intervieweuse (formation accélérée puisque c'était ma deuxième expérience en une semaine, après l'interview du cinéaste coréen Bong Joon-ho la semaine dernière). Et si je ne devais retenir qu'une chose de tous les beaux moments et les belles opportunités que ce blog a suscités (ou à l'inverse que j'ai suscités avant d'en parler sur ce blog) ce serait évidemment les rencontres qu'elles soient sur l'écran ou de l'autre côté mais pouvoir échanger ainsi avec des cinéastes dont on apprécie le travail est  encore un plaisir supplémentaire et un immense privilège dont j'ai entièrement conscience et pour lequel je remercie vivement Cinefriends et Mars Distribution à l'origine de cette rencontre. Mais avant d'en venir au récit de cette rencontre et au compte rendu de l'interview, d'abord la critique du film. L'avant-première a eu lieu hier soir en présence du réalisateur.

    agora1.jpg
    Critique d' « Agora » d'Alejandro Amenabar
    agora2.jpg

    Agora nous ramène 1600 ans en arrière, au IVème siècle après Jésus-Christ alors que l'Egypte est sous domination romaine. A Alexandrie, la révolte des Chrétiens gronde alors. C'est là que vit la brillante astronome Hypatie (Rachel Weisz), réfugiée dans La Grande Bibliothèque, menacée par la colère des insurgés. Avec ses disciples elle tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles. Parmi ceux-ci, deux hommes qui se disputent son amour : Oreste et le jeune esclave Davus (Max Minghella), déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens de plus en plus puissants...

     « Agora » est avant tout un film qui ne cède à aucune mode, à aucune facilité didactique, à aucune banalité démagogique. Et c'est d'abord ce qui m'a séduite, cette exigence que certains ont analysée comme de la froideur. Cette rigueur presque scientifique comme si la personnalité d'Hypatie se reflétait dans la forme du film qui, comme elle, possède aussi une noblesse, une force, une grandeur admirables. Cette volonté de ne pas tout simplifier pour rendre le film plus accessible ou sympathique. Et avec raison puisque le film a cette année connu un énorme succès en Espagne où il pourrait même devenir le plus gros succès de tous les temps, ce qui est d'ailleurs rassurant sur les goûts du public que l'on tend trop souvent à infantiliser ou mépriser, même si une partie du public a aussi été attirée par la polémique (le film ayant révolté certains conservateurs, en raison de l'image du christianisme qui y est donnée).

     Mais n'allez pas croire qu'il s'agit d'un film hermétique et dénué de tout sentiment. Au contraire, la rareté des scènes où les sentiments s'expriment en renforce encore la majesté qui culmine dans le dénouement d'une beauté tragique et sublime, cruelle et sacrificielle, crue et poétique. Alliance et opposition des paradoxes comme l'est ce film tout entier. Entre science et religion. Savoir et intolérance. Réflexion et sentiment. Raison et passion. Liberté et enfermement.

    agora3.jpg

     Amenabar a aussi eu l'excellente idée d'appliquer à la forme le thème du cycle, symbole des travaux d'astronomie d'Hypatie mais aussi du cycle historique et des meurtrières intolérances qui se répètent inlassablement. Sa caméra prend aussi du recul sur les évènements comme un journal télévisé, ou comme si des extraterrestres ou un mystérieux démiurge (sous le fallacieux prétexte duquel toutes ces Hommes se battent, usent et abusent de leur violence) les observait.

     « Agora » est ainsi aussi une condamnation des extrémismes et en nous parlant de l'Egypte il évoque évidemment notre société avec d'ailleurs un remarquable souci d'équité (entre Païens, Juifs et Chrétiens) et avec la volonté de dénoncer avec la même force l'absurdité des extrémismes religieux, les opprimés d'hier devenant les oppresseurs d'aujourd'hui. L'Agora c'est le lieu où les Hommes devraient s'écouter, se comprendre mais où ils s'enferment dans leurs croyances et leurs intolérances obstinées.

     Grâce à un habile contraste de couleurs dans les tenues vestimentaires des défenseurs des différentes religions, Amenabar rend limpide un récit qui aurait rapidement pu être opaque et ennuyeux. Il n'en est rien, je n'ai pas vu passer les 2H que dure le film (une durée raccourcie après la projection cannoise.) La mise en scène y est évidemment pour beaucoup.

     Avec ce film sur la nécessité des Hommes (parfois meurtrière) de croire, Amenabar nous donne envie de croire encore davantage en la force inépuisable de conviction du cinéma.

     Et puis il y a Alexandrie, majestueusement reconstituée, ville monumentale et décadente mais surtout fascinante dans laquelle déambule une foule réelle et non créée par ordinateur, ce qui accroît l'impression de réalisme et d'actualité malgré les siècles qui nous séparent de l'époque de cette histoire.

     C'est enfin un magnifique portrait de femme, celui d'une femme libre et fière qui voulait vivre comme un homme, qui risqua se vie pour des idéaux et dans ce rôle Rachel Weisz est absolument impeccable.

     Cette fois Amenabar n'a pas signé lui-même la musique qu'il a laissée aux soins de Dario Marianelli.

     « Agora » est donc un prodigieux mélange de rigueur scientifique et de souffle épique, d'auscultation de douleurs intimes dans un décor spectaculaire, une fresque ambitieuse qui nous fait voyager dans le temps et dans l'espace, qui apporte de la contemporanéité au péplum.

     Amenabar (à partir d'un scénario coécrit avec Mateo Gil), avec ce cinquième long métrage, explore ainsi encore une nouvelle facette de son talent avec un film qui a la beauté intense du visage de Rachel Weisz et celle, ténébreuse et hantée de contradictions, de Max Minghella. Un film qui est aussi une irréfutable démonstration de l'absurdité des extrémismes religieux, du prosélytisme et de l'interprétation extrémiste des textes, quelle que soit la religion qu'ils sous-tendent.

     Un film brillant et éclairant. Rigoureux et intense. Un miroir implacable d'une société qui, dans ce domaine de l'intolérance religieuse, n'a finalement pas su évoluer en...1600 ans, ni tirer les leçons des cruautés et violences du passé !

     Un film dont que je vous recommande et dont je vous reparlerai, au moment de sa sortie, le 6 janvier 2010

    agora4.jpg

    Interview- Rencontre avec Alejandro Amenabar

    amenabar3.jpg

     Il y a des jours où  m(l)a vie ressemble vraiment à du cinéma et je crois que si j'accumulais les troublants hasards et coïncidences -que Lelouch même n'oserait inventer- rien que de cette année, et les moments surréalistes et irréels, je pourrais en faire un film (même comique parfois, souvent). J'étais donc en train de penser à une très récente étrange coïncidence, tandis que  dehors Paris était pétrifiée par l'air glacial sous un ciel mensongèrement bleutée, lorsque mon adorable chauffeuse de taxi qui, pendant tout le trajet, s'était déhanchée sur la musique à tue-tête de son autoradio (notamment un Guantanamera insolemment ensoleillé) -qui coïncidait avec mon humeur joviale-, tenant son volant par intermittence quand elle se souvenait que c'était quand même plus pratique pour conduire -ce qui coïncidait avec mon humeur inconsciente- quand la musique de Yann Tiersen pour le film « Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain » retentit dans le taxi et que, au même moment, ma chauffeuse me laissa, à Montmartre dans la rue même où avait eu lieu le tournage du film( encore une petite coïncidence donc) ,  à deux pas de l'hôtel particulier où avait lieu l'interview. Enfin un hôtel particulier...disons un endroit auquel on accède après un dédale, tamisé et presque inquiétant (un décor pour le film d'horreur qu'Amenabar projetterait de tourner ?). Amenabar, justement, revenons-y.  Malgré le froid et l'heure matinale mes neurones parvinrent tout de même à décompter -seulement- 4 personnes (2 blogueurs, enfin-euses- et 2 journalistes) au lieu des 10 initialement prévues, de quoi accentuer le caractère, intime, privilégiée de cette belle rencontre dont voici un résumé . Après que cette immense assemblée se soit présentée, et qu'Alejandro Amenabar nous ait poliment salués puis tout aussi poliment et stoïquement écoutés, le jeu des questions réponses pouvait débuter.

     Sur la genèse du projet, Alejandro Amenabar a d'abord évoqué son intérêt pour l'astronomie. Il a d'abord pensé à réaliser un film qui aurait retracé 20 siècles d'Histoire de l'astronomie. Quand il s'est aperçu que le projet aurait une envergure énorme, il s'est ensuite concentré sur le personnage d'Hypatie sans laisser de côté la cosmologie. Il a donc choisi ce lieu où régnait une ambiance d'hystérie collective où chacun essayait d'imposer ses idées par la force. Mais dans cette planète il devait bien exister un lieu où la diversité serait possible, ce lieu s'appelant l'Agora. Les changements dans le film concernent ainsi autant l'espace que le temps.

     Concernant le budget, et le grand nombre de figurants, il a fait comme avec ses premiers films en « essayant d'optimiser les ressources et de faire le maximum avec les moyens » dont il disposait.  Il s'y est ainsi pris de la même manière que pour son premier film à 700000 euros alors que le budget d' « Agora » était supérieur à 50 millions de dollars. Financer le film n'a ainsi pas été facile et ensuite il a fallu faire coïncider cet énorme budget avec la liberté créatrice absolue qu'il souhaitait avoir. Il fallait aussi concilier ceux qui avaient beaucoup d'expérience avec ceux qui en avaient moins.

     Il aspirait avant tout à montrer une partie de l'Histoire du christianisme jamais montrée mais il a essayé de montrer toutes les religions sur le même plan.

     A ma question sur le point commun entre ses films qui pourrait être le thème de l'enfermement (physique ou moral) il a répondu que pour lui le point commun était de faire en sorte, avant tout, que ses personnages soient confrontés à un dilemme. Dans « Mar Adentro » et dans « Agora » « les héros ne sont ainsi pas ceux qui se servent d'une épée mais qui se servent de leurs têtes. »

     A la question sur le lieu qui selon lui aujourd'hui ressemblerait à l'Agora, Alejandro Amenabar a répondu... internet ajoutant que le film en lui-même était d'ailleurs une agora symbolique avec des Juifs et des Musulmans, et beaucoup de nationalités différentes.

     Concernant la musique, lorsqu'il a fini la musique pour « Mar Adentro », il s'est dit que cela avait été une expérience très gratifiante et qu'il serait bien de laisser ce rôle à d'autres pour les prochains films.

     Concernant le style de films vers lequel il souhaiterait aller, il ne pense pas qu'il fera un drame historique dans l'Empire romain  mais qu'il changera de genre encore une fois. Pour lui l'important est de « se sentir libre. »

     Concernant le choix de Rachel Weisz, il le justifie par son talent, sa beauté, par ses traits méditerranéens qu'il fallait pour le personnage. Par ailleurs elle est diplômée et il s'est dit qu'elle serait touchée par le personnage.

     Pour lui, Agora est clairement un film féministe.

     Concernant ce en quoi lui croit, il a répondu « croire en l'être humain ». Ce qu'il voulait dire avant tout dans ce film : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse » et pour lui cela réside dans le bon sens et non dans les 10 commandements chrétiens.

     Concernant les débuts de sa passion pour le cinéma il croyait qu'elle était venue tardivement mais en fait il  a réalisé que sa passion existait depuis très longtemps. Il aimait ainsi écrire, lire, faire de la musique et réunir tout ça il a réalisé que cela constituait un film.

     Concernant ses coups de cœur cinématographiques de l'année, après un temps de réflexion, il a cité « The reader » et « Doubt».

     Concernant le choix de Michael Lonsdale, il l'a qualifié d' « homme très spécial » avec « un côté intellectuel utile pour incarner le personnage ». Pendant le tournage il a ainsi constaté son « calme très professionnel » ajoutant qu'au début il croyait qu'il ne l'aimait pas mais que la maquilleuse l'a rassurée sur ce point.

    Cliquez ici pour voir la vidéo de présentation du film par Alejandro Amenanar lors de l'avant-première parisienne.
    Catégories : HORS COMPETITION Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Séance du Président: "The third wave" de Alyson Thompson en présence de Sean Penn

    2075150413.jpg
    89048545.JPG
    Photo "In the mood for Cannes": Sean Penn et Thierry Frémaux
    1217521167.JPG
    Photos "In the mood for Cannes": Thierry Frémaux et Sean Penn

     

     Ma journée d’hier a été particulièrement riche et passionnante avec au programme « Les 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan, un habitué de la sélection officielle (« Uzak » en 2003 et « Les climats » en 2006, tous deux déjà présentés en compétition officielle), qui cette année encore n’a pas démérité (mon favori de la compétition pour le moment), ainsi que le premier des 3 films français en compétition "Un conte de noël" d'Arnaud Desplechin, qui entremêle de nouveau famille, religion, amour dans ce conte psychanalytique , mélancolique, myth(olog)ique.

    Les deux films avaient d’ailleurs un point commun puisque dans les deux cas planait l’ombre pesante d’un enfant mort. J’avoue avoir été beaucoup plus sensible au premier, aux plans d’une beauté picturale sidérante, à cette dissection si subtile de l’ambivalence humaine, de la lâcheté, du poids du secret et de la vérité habilement souligné par le poids du silence et des plans contemplatifs dont la beauté somptueuse contraste avec la douleur et les secrets enfouis et latents.

     Mais c’est en toute (il)logique cannoise que je vais commencer par évoquer le troisième évènement de cette journée, à savoir  la Séance du Président, une nouveauté de cette 61ème édition, un film choisi par le Président du jury , en l’occurrence « The third wave », un documentaire de Alison Thompson projeté dans la salle du 60ème dans laquelle régnait hier soir une fébrilité palpable, savoureusement électrique. Thierry Frémaux a d’abord salué la présence de tous les membres du jury, ainsi que de Michael Moore, et de Bono, déjà applaudis à leur arrivée, avant d’appeler sur scène le président du jury Sean Penn, également ovationné.

    Sean Penn, (dont la preuve de l'engagement politique et humanitaire n'est plus à faire d'où la sincérité de la démarche) le visage grave, dont il s’était tout juste départi pour écouter chanter « Freedom » le soir de l’ouverture a évoqué les raisons de son choix : "Ce film m'a énormément marqué émotionnellement. Je n'en dirai pas plus car ce film vous convaincra lui-même par son propos. Vu que les gouvernements nationaux ne semblent pas capables de nous aider, ce film nous indique comment il est possible de nous entraider. Ce film m'a été communiqué par une personne qui a été confrontée directement aux effets du tsunami, Petra Nemcova…"

    2140051073.JPG

     Puis Sean Penn a appelé sur scène la jeune femme en question qui a annoncé avec autant de légèreté apparente qu’elle a été blessée lors du tsunami, que son fiancé y était mort, (« Ce documentaire est très cher à mon cœur, ceci pour deux raisons : parce qu'il s'agit de mon expérience personnelle et parce qu'il est ce en quoi je crois. L'action de ce film se déroule au Sri Lanka juste après le passage du tsunami. J'y ai été confrontée en Thaïlande. Heureusement, je n'ai été que blessée. L'une des choses les plus importantes que j'ai apprises, c'est que dans chaque expérience vécue, il y a du positif et du négatif. Le négatif, c'est que parmi les 100 000 personnes qui ont trouvé la mort dans cette catastrophe, il y avait mon fiancé Simon. Et le positif, c'est que j'ai créé un organisme d'aide à ces populations, le Happy Hearts Fund, auquel bénéficie ce documentaire. Merci beaucoup pour votre générosité.")  et qu’elle était tétanisée à l’idée de venir sur scène mais qu’on l’a rassurée en la disant plus belle que Sean Penn. ( !) C’est cela Cannes : évoquer les pires atrocités du monde, en robe de soirée, parfois une coupe de champagne à la main, en exhibant un air désinvolte astucieusement travaillé, s’en faire l’écho dans un cadre qui en est à l’opposé. Les flashs qui crépitent, l’atmosphère festive, les tenues de soirée paraissent soudain incongrus. Seul le visage toujours grave de Sean Penn  reste en accord avec le thème de la soirée. Puis la lumière s’éteint et nous plonge dans une réalité à des années lumière de Cannes. Cannes reflet d’un monde  dont elle symbolise aussi l’évasion, la négation presque. Cannes et ses éternels paradoxes.

    Pitch : Une histoire de volontarisme : 4 volontaires indépendants avec peu d’argent et inexpérimentés partent pour le Sri Lanka aider le pays ravagé par le tsunami. Le hasard fait qu’ils se rencontrent à l’aéroport de Colombo où ils louent un van, le remplissent avec des provisions et longent la cote pour trouver des gens à aider. Ils arrivent à Peraliya, un village détruit par une vague de 15 mètres, où un train s’est retourné tuant plus de 2500 personnes. Le documentaire suit ces volontaires pendant 19 semaines.

    Après le frisson électrique qui avait parcouru la salle à l’arrivée des invités, c’est peu à peu le malaise qui s’est emparé de moi : malaise devant ces volontaires qui se mettent en scène et qui, au départ, occultent totalement la réalité du drame qu’ils ont sous les yeux pour ne nous montrer que la leur, malaise devant ces images insoutenables de corps mutilés embarqués dans des sacs comme de vulgaires marchandises, malaise devant tous ces drames indicibles dont leur dispensaire se fait le réceptacle, malaise créé par cette réalité du monde qui nous frappe, nous agresse presque, sur cet impitoyable écran, réalité dans laquelle il nous immerge avec violence, encore éblouis par les flashs, encore éblouis et hypnotisés par l’illusion cannoise : celle d’un autre monde, sans heurts, sans drames, sans autres frontières que celles de la Croisette. Cannes, certes miroir éclairant mais aussi aveuglant du monde, au monde.

    Le malaise s’accroît devant l’évocation de « belles journées » par les volontaires, une expression qui résonne comme une tragique ironie après les images insoutenables qui nous sont montrées, jetées à nos regards (dont je constate qu’ils fléchissent si peu dans la salle. Fascination malsaine ? Besoin d’être informés ? Regards blasés et trop habitués, anesthésiés par tant de fictions qui rivalisent d’imagination dans l’horreur et regards devenus insensibles aux horreurs de la réalité qui apparaissent peut-être finalement plus irréelles ?), malaise accru par une musique douce probablement choisie pour atténuer l’horreur ou, effet pervers, pour involontairement la nier.

    Le malaise atteint son paroxysme lorsqu’un enfant dit en souriant qu’il a perdu une bonne partie de sa famille proche, qu’il énumère, et avec fierté (du désespoir, de l’innocence) qu’il est même passé à la radio et la télévision. Images placebo qui donnent une terrifiante illusion de vie. Terrible force des images. L’image interroge soudain son propre rôle comme lorsque le cameraman est pris à parti par une victime. Témoigner, montrer n’est-il pas aussi agir ou simplement s’en persuader, construire une fiction avec la réalité, se définir en héros de sa propre réalité ?

     Mais peu à peu le documentaire prend toute sa dimension. Tournée par une des volontaires, la réalisatrice australienne Alison Thompson, il révèle en effet progressivement toute l’ambigüité de l’aide humanitaire, là aussi toute l’ambivalence humaine.

    Les images de rires des bénévoles, des enfants en apparence joyeux et souriants sont majoritaires dans la première partie comme si une euphorie anesthésiante s’était emparée de chacun, comme si l’horreur était telle que personne ne voulait l’admettre, comme si au contraire cet univers ( de nouveau à sa manière carcéral pour faire un parallèle avec les films évoqués ces jours précédents)  révélait non pas l’inhumanité mais l’humanité en chacun (cette fois à l’inverse des films précédemment évoqués). Et puis, le choc passé, les sentiments matérialistes reprennent leurs droits, la jalousie s’empare des villageois et les bénévoles sont  menacés, victimes de violences exacerbées par la rancœur devant un sentiment d’injustice. Alyson explique ainsi qu’ils reçoivent de l’argent qu’ils donnent, obéissant bien souvent à des choix affectifs : comment faire une échelle dans la douleur ? Devant un membre du village excédé parce qu’ils ont donné de l’argent à des personnes qu’il en estime indigne, Alyson explique alors par le biais d’un schéma, que les « bonnes personnes » et les « mauvaises personnes » sont  à égalité, que les deuxièmes méritent autant l’aide que les premières, sans quoi leur situation sera encore pire qu’elle n’était avant le tsunami.

    Le documentaire, tandis que défilent les noms au générique, se termine par une sorte de « bêtisier » (j’emploie ce terme inexact, exagéré, à dessein),  qui me dérange de nouveau et qui peut être vu soit  comme la volonté d’atténuer l’horreur, de dédramatiser, ou comme le bêtisier d’un blockbuster qui annihilerait alors toute la force du documentaire et le rendrait terriblement cynique, fictionnel.

    Ce documentaire a en tout cas le mérite de refléter  l’ambiguïté des bonnes intentions comme lorsqu’un bénévole déclare qu’il n’est rien chez lui et un Dieu là-bas, et tous évoquent cette « expérience » comme chargée de bons souvenirs, comme ils évoqueraient des souvenirs de vacances. Leur aide n’est finalement pas si gratuite mais peut-on les en blâmer, comme l’évoquera ce même bénévole, ils sont juste humains, et c’est déjà énorme de savoir faire preuve d’humanité.

     Puis l’équipe de bénévoles est invitée  à monter sur scène pour un débat avec la salle, applaudie (en tenue de soirée, comme toute équipe de film qui se respecte, seulement là, créant une distance, apparentant de nouveau la réalité à une fiction dont ils seraient les héros).

    999469190.JPG

    Un drame en chasse malheureusement un autre et surtout le pouvoir émotionnel des images en chasse d'autres : Alyson annonce qu’elle part pour la Birmanie. On pourrait penser que l’orgueil dicte cette révélation mais son visage angélique qui ne sourcille pas et sa détermination forcent l’admiration.

     Une jeune femme dans l’assistance propose alors de donner une enveloppe et que chacun y fasse un don pour l’association, reflétant ainsi les dangers du sentimentalisme aveugle et aveuglé contre lequel met finalement aussi en garde le documentaire. Si j’étais cynique (non, non) je dirais que chacun courait alors après une nouvelle palme d’or : celle de la preuve irréfutable de son altruisme.  Contre toute (son) attente, les volontaires  refusent son aide pécuniaire, expliquant que s’engager c’est d’abord « balayer devant sa propre porte » et que s’engager humainement est beaucoup plus efficace. La jeune femme range son enveloppe, les trémolos dans sa voix, et ses « bonnes », mélodramatiques,, naïves (peut-être) ou démagogiques (peut-être) intentions.

    Et puis, nous ressortons, la Croisette scintille de mille feux. Le Sri Lanka, la Birmanie, la Chine sont tragiquement irréels, lointains, inaccessibles à nos regards hypnotisés d’irréalité cannoise.

    Le temps me manque pour vous parler d’ « Un conte de noël » et des « 3 singes » mais j’y reviendrai.  Je reviendrai également sur ce documentaire dont je n’ai pu vous parler que brièvement, il m’aurait fallu aussi plus de temps et de recul pour évoquer ce sujet sensible, c’est pourquoi je souhaiterais y revenir. En attendant aujourd’hui Jia Zhangke et Woody Allen sont à mon programme…

    A suivre sur « In the mood for Cannes ».

    Sandra.M

    ps: Pardon d'avance pour les éventuelles imprécisions et fautres dans cet article que je n'ai pas le temps de relire...

    Catégories : HORS COMPETITION, SEANCES SPECIALES Lien permanent 2 commentaires Pin it! Imprimer
  • La sélection officielle (suite): hors compétition, séances spéciales, séances de minuit, séance du président du jury

    Il s'agit du programme de la sélection officielle hors compétition tel que dévoilé ce 23 Avril. Des ajouts pourront y être apportés. Ils seront évidemment reportés sur ce blog. Précisons également qu'il n'a pas encore été question des films d'ouverture (dont nous pensions qu'il s'agirait du film de Spielberg) et de clôture (dont plusieurs sources indiquaient qu'il s'agirait du film de Barry Levinsonn, cette information n'est ni infirmée ni confirmée pour le moment.) Notons une nouveauté avec la séance choisie par le  président du jury, cette année un documentaire sur  un village ravagé par un tsunami. Enfin, je me réjouis de la projection du dernier Woody Allen. 

    Hors compétition :

    Woody ALLEN VICKY CRISTINA BARCELONA 1h30

    795677993.jpg
    Ci-dessus, Penelope Cruz dans "Vicky Cristina Barcelona"

    KIM Jee-woon THE GOOD, THE BAD, THE WEIRD (Le Bon, la Brute, le Cinglé) 2h

    Mark OSBORNE -John STEVENSON -KUNG FU PANDA 1h35

    1581021270.jpg

    Steven SPIELBERG INDIANA JONES AND THE KINGDOM OF THE CRYSTAL SKULL (Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal) 2h05

    1511090818.jpg

    Séances de minuit :

    Emir KUSTURICA MARADONA 1h30

    1152368473.jpg

    Jennifer LYNCH SURVEILLANCE 1h38

    NA Hong-Jin THE CHASER 1er film 2h03

    Séances spéciales :

    Terence DAVIES OF TIME AND CITY 1h10

    Abel FERRARA CHELSEA HOTEL 1h22

    Marco Tullio GIORDANA SANGUEPAZZO 2h28

    Daniel LECONTE C'EST DUR D'ÊTRE AIMÉ PAR DES CONS 1er film 1h57

    WONG Kar Wai ASHES OF TIME REDUX 2h

    Marina ZENOVICH ROMAN POLANSKI: WANTED AND DESIRED 1h39

    La séance du Président du jury

    Alison THOMPSON THE THIRD WAVE 1h46

    Catégories : HORS COMPETITION Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer