Présentation de "Killing them softly" de Andrew Dominik (compétition officielle du Festival de Cannes 2012) (01/05/2012)
Avec "Killing them soflty", le néozélandais (de naissance du moins puisque lui et sa famille se sont installés en Australie alors qu'il n'avait que 2 ans), Andrew Dominik fait son entrée à Cannes, qui plus est en compétition, pour ce qui est seulement son troisième film après "Chopper" et le mémorable "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford". Avant de vous présenter "Killing them softly", je ne peux pas ne pas vous parler en quelques mots de son précèdent film, un de mes plus grands chocs cinématographiques du Festival du Cinéma Américain de Deauville où l'équipe l'avait présenté en avant-première en 2007 ( mes photos ci-dessous).
D’abord il est difficile de définir ce film qui reprend certes les codes du western mais qui les détourne majestueusement. Tout comme le titre nous donne une fausse piste. Evidemment il s’agit bien de l’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Mais au final, peut-on parler d’assassinat ? Ou d’une bête traquée qui, lasse ou provocante, défie la mort ? Peut-on parler de lâcheté à propos de Robert Ford ? Ce titre, finalement très brillant et loin d’être anodin, évacue d’emblée ce que nous savons déjà parce que l’intérêt est ailleurs. Et si ce film renouvelle le genre, c’est parce qu’il instille la psychologie, aux antipodes du manichéisme habituellement érigé en principe du western. Les héros sont aussi vulnérables. Ils ne sont pas invincibles. C’est en effet un duel psychologique palpitant. Une lutte entre deux hommes. Une lutte interne pour chacun d’eux aussi. Robert Ford partagé entre sa vénération pour Jesse James et son désir de gloire de cet homme érigé en héros qu’il vénère autant qu’il désirerait prendre sa place. Entre l’adoration et la haine. Entre l’innocence, l’arrogance et l’ambition. Finalement si proches et peut-être si indissociables. Qui peut mieux haïr que celui qui a le plus adulé? La passion est versatile dans ses excès. Jesse James est en proie à ses démons. Robert Ford idolâtre Jesse James. Jesse James lui demande un jour s’il veut « être lui » ou « être comme lui ». La passion, elle aussi, elle surtout, a des raisons que la raison ne connaît pas.
Quelques plans font songer à « La prisonnière du désert » et pourtant ce film ne ressemble à aucun autre. La course des nuages que le réalisateur filme à l’envie et par lequel débute le film nous fait d’abord craindre un film caricatural. Il annonce simplement la poésie de ce film imprégné d’une lumière crépusculaire. Les interprétations parfaites et même impressionnantes de Brad Pitt et Casey Affleck ajoutent à l’intensité de ce film magistral. Notre respiration est suspendue. Tout peut basculer d’un instant à l’autre. Le doute s’immisce dans les esprits. Le lion peut rugir à tout instant. Un regard qui se brouille. Une agitation inhabituelle. Rien ne lui échappe. C’est d’une intensité hitchcockienne. Voilà, c’est un western hitchcockien, un western d’auteur. Rien n’est superflu.
Ce film est l’histoire d’une légende qu’en interprète une autre. Un film d’une grande modernité qui renouvelle le genre. Un western qui s’appréhende comme un thriller psychologique. Une œuvre sombrement poétique et mélancolique, lyrique. Un voyage dans des âmes tourmentées et complexes. Un grand film d’une rare richesse psychologique et d’une grande beauté formelle. Qui nous parle d’un monde qui a fait d’un criminel un héros. Qui nous parle aussi du nôtre. Qui fabrique des légendes. Des lions en cage, celle de leur âme, celle que leur fabriquent ceux qui les traquent, impitoyablement, inlassablement. Un conte de fée des temps modernes. Un film unique qui donne finalement l’impression d’avoir accompagné la course des nuages dans leur voyage sombrement poétique d’une beauté et d’une profondeur indicibles et tellement magique. (Retrouvez mon article complet et le récit de la conférence de presse deauvillaise en cliquant ici).
Cette fois-ci, il ne s'agira cependant pas d'un western mais d'un film qui se rapproche davantage du premier film du cinéaste "Chopper" (le portrait d'un tueur australien de dealers).
Killing Them Softly est ainsi une adaptation du roman « Cogan's Trade » de George V. Higgins.
Synopsis : Jackie Cogan, un homme de main, est chargé d’enquêter sur un vol qui s’est déroulé lors d’un tournoi de poker organisé par la Mafia.
Ce film sera aussi l’occasion d’une montée des marches prestigieuses et le retour de Brad Pitt à Cannes qui, entre « Babel » et « Inglourious basterds » pour lesquels il était venu à Cannes, fait toujours preuve de choix judicieux, souvent audacieux (voir article suivant).
11:35 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | | Imprimer |