CRITIQUE – LE RETOUR de Catherine Corsini (compétition officielle) (18/05/2023)
En compétition officielle en 2021 avec La Fracture, Catherine Corsini nous laissait avec ce dernier plan, d’une tristesse implacable, témoignant d’un répit illusoire et nous laissant comme l’infirmière du film : abattus, impuissants, sidérés devant cette situation suffocante. La réalisatrice, une fois de plus, avec cette tragicomédie sociale, avait su brillamment marier les genres et faire se côtoyer les mondes pour nous emporter avec elle dans ce tourbillon à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Un cri d’alerte retentissant et surtout clairvoyant.
Présidente de la Caméra d’or en 2016, souvent présente à Cannes par le passé, notamment en compétition avec La répétition en 2001, puis La Fracture en 2021, elle l’est de nouveau cette année avec ce film qui vaut beaucoup mieux que la polémique à laquelle il a été confronté et réduit.
Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s’occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L’opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou), sur cette île qu’elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques. Alors que Khédidja se débat avec ses souvenirs, les deux adolescentes se laissent aller à toutes les tentations estivales : rencontres inattendues, 400 coups, premières expériences amoureuses. Ce voyage sera l’occasion pour elles de découvrir une partie cachée de leur histoire.
Cela commence par une femme bouleversée dans un taxi, que l’on laisse dévastée avec ses deux petites filles avant de la retrouver 15 ans plus tard avec ses deux filles devenues adolescentes.
Le premier grand atout de ce film est Aïssatou Diallo Sagna, l’aide-soignante qui faisait ses débuts d'actrice dans La Fracture, pour lequel elle avait remporté le César du meilleur second rôle féminin. Une fois de plus, elle est d’une justesse renversante et réussit magistralement le passage à ce « vrai » rôle fictionnel.
Catherine Corsini a co-écrit Le Retour avec Naïla Guiguet, le film se nourrit et s’enrichit de cette collaboration à l’image de ce qui est le fil conducteur du cinéma de Catherine Corsini : la rencontre de mondes différents que ce film illustre de nouveau.
Dans le rôle des parents de bourgeois de gauche sur lesquels Catherine Corsini porte un regard savoureusement critique, Denis Podalydès et Virginie Ledoyen sont absolument parfaits. Dommage que cette dernière, ces derniers temps, soient toujours cantonnés dans les seconds rôles comme elle l’est également dans L’amour et les forêts.
Catherine Corsini signe un film solaire, plein de vitalité, généreux, tendre, émouvant. Un récit initiatique porté par deux jeunes comédiennes exceptionnelles qui incarnent ces deux adolescentes qui à la fois se trouvent confrontées à leur passé et connaissent leurs premiers émois sensuels et amoureux. Un magnifique trio de femmes que la réalisatrice filme amoureusement et qui a toute sa place dans la compétition. La confrontation de deux mondes, une "fracture" à nouveau. Un retour qui est un nouveau départ lumineux et poignant.
15:40 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | | Imprimer |