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Bruissements cannois: rumeurs et informations en bref...
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Après avoir joué un rôle non négligeable dans la couverture médiatique de la campagne électorale, internet et les blogs s'intéressent aujourd'hui en masse au Festival de Cannes.
Sur ce blog vous pourrez ainsi trouver de très nombreux liens et notamment des liens vers des blogs en direct de Cannes mais aussi de nombreux liens utiles (hôtels, sites internet du Festival, émissions de cinéma, des sites utiles pour scénaristes et cinéastes, des initiatives originales comme celle du Mba production audiovisuelle de l'ESG Paris ou encore celle du blog Partie de poker qui vous permettra de suivre la vie d'un court métrage au festival ou encore le blog de Hugo Mayer pour être incollable sur tous les évènements festifs du festival etc).
N'hésitez pas non plus à parcourir le "Boulevard du cinéma" sur lequel vous trouverez des critiques en direct du festival!
Sur l’initiative de Guillaume Frat, avec la participation de "Vinvin" une soirée réunissant les blogueurs dits influents et des cinéblogueurs présents à Cannes sera ainsi organisée sur la plage du Miramar (Espace R de la plage du Miramar - 65 Boulevard de la Croisette - 06400 Cannes.), le samedi 19 Mai, à partir de 20H. Pour connaître toutes les informations pratiques et si vous souhaitez y participer, rendez-vous sur le blog de Guillaume Frat et sur Tendance Média qui organisent cette soirée, ou encore sur l'excellent CinéTribulations. Sauf imprévu de dernière minute, j'y serai!
Sandra.M
Depuis 2004, les films de patrimoine sont regroupés sous l’enseigne CANNES CLASSICS. Cannes Classics souhaite mettre le prestige du Festival au service du cinéma retrouvé, des copies restaurées et des ressorties en salles ou en DVD des grandes œuvres du passé. Cette programmation est présentée salle Buñuel du Palais des Festivals et, pour quelques films, reprise au Cinéma de la Plage et dans la salle La Licorne à Cannes.
Cannes Classics 2007 est placé sous le parrainage d’Andrzej Wajda, qui viendra présenter une copie restaurée de KANAL (ILS AIMAIENT LA VIE), Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes 1957 (il y a 50 ans !) et en présence de Jane Fonda qui rendra hommage à son père, Henry Fonda, lors de la projection de TWELVE ANGRY MEN (12 HOMMES EN COLERE) de Sydney Lumet (1957) le samedi 26 mai.
Cannes Classics 2007 se compose de … trois événements :
- naissance de la World Cinema Foundation
- le centenaire de John Wayne
- les films Shakespeariens de Laurence Olivier
et de quatre documentaires sur le cinéma consacrés à :
- Marlon Brando
- Maurice Pialat
- Pierre Rissient
- Lindsay Anderson
et de dix copies restaurées.
1. Evénements
a) Naissance de la World Cinema Foundation
La World Cinema Foundation sera lancée à Cannes lors d’une conférence de presse le 22 mai. Seront présentés trois films soutenus par Walter Salles (Brésil), Cristi Puiu (Roumanie) et Martin Scorsese (USA).
TRANSES d’Ahmed El Maanouni (Maroc, 1981)
Restauré par la Cineteca di Bologna
Présenté par Martin Scorsese
LIMITE de Mario Peixoto (Brésil, 1931)
Restauré par la Cinemateca Brasileira, VideoFilmes, Archives Mario Peixoto, avec la participation d'Arte France
Présenté par Walter Salles
LA FORET DES PENDUS de Liviu Ciulei (Roumanie, 1964)
Restauré par l’Archive nationale du film de Roumanie
Présenté par Cristi Puiu
b) Centenaire John Wayne
Né le 26 mai 1907, John Wayne aurait eu 100 ans en 2007. La Batjac Productions, maison de production créée par John Wayne et aujourd’hui gérée par Gretchen Wayne, a proposé au Festival de Cannes de célébrer ce centenaire en présentant deux films de John Wayne parmi la centaine qu’il a tournés entre le début des années vingt chez John Ford et Raoul Walsh, jusqu’à The Shootist (Le Dernier des géants) de Don Siegel en 1976.
HONDO (3D) de John Farrow (USA, 1953)
Copie restaurée par Batjac Productions
Présentation par Gretchen Wayne
A noter que la projection se fera dans les conditions originelles, c’est-à-dire en projection 3D.
RIO BRAVO de Howard Hawks (USA, 1959)
Copie restaurée par Warner Bros.
c) Laurence Olivier filme William Shakespeare
Laurence Olivier, né le 22 mai 1907 et décédé le 11 juin 1979, consacra une grande partie de sa vie de comédien de théâtre à William Shakespeare. Devenu acteur de cinéma, il réalisa aussi trois films tirés de trois œuvres célèbres du dramaturge anglais. Cette trilogie Shakespearienne sera présentée par Granada International en copies numériques.
HAMLET (Grande-Bretagne, 1948)
Le film sera précédé du court métrage d’Humphrey Jennings, WORDS FOR BATTLE (Grande-Bretagne, 1941), commentaire de Laurence Olivier (restauré par le British Film Institute)
Copie restaurée par Granada International
Présentation par Fiona Maxwell
HENRY V (Grande-Bretagne, 1944)
RICHARD III (Grande- Bretagne , 1955)
3. Sélection des copies restaurées et des copies neuves
POURQUOI ISRAEL de Claude Lanzmann (France, 1973)
Restauration: Why Not Productions
BOUND BY CHASTITY RULES de Shin Sang-Ok (Corée du sud, 1962)
Restauration: Korean Film Archives
DONNE-MOI TES YEUX de Sacha Guitry (France, 1943)
Restauration: Cinémathèque française / Studio Canal
MIKEY AND NICKY d’Elaine May (USA, 1976)
Nouvelle copie: Carlotta Films
LA BANDERA de Julien Duvivier (France, 1935)
Restauration: CNC – Archives françaises du film / SND
SUSPIRIA de Dario Argento (Italie, 1977)
Restauration: Luciano Tovoli / Wild Side Films
LES AVENTURES DE PRINCE ACHMED de Lotte Reiniger (Allemagne, 1926)
Restauration: Deustches Filmmuseum Frankfurt am Main
DRACULA de Terence Fisher (Angleterre, 1958)
Restauration: British Film Institute / Swashbuckler Films
YOYO de Pierre Etaix
Restauration: Fondation Groupama Gan pour le cinéma
Pour connaître les horaires des projections rendez-vous sur le Site officiel du Festival de Cannes: http://www.festival-cannes.org .
Cannes, ce sont bien sûr les films en compétition et leur retentissement international ou encore les avant-premières évènementielles hors compétition mais parfois, aussi, dans de petites salles du palais des festivals sont projetés des films plus confidentiels, loin du vacarme magistral, à la fois effrayant et fascinant, de la Croisette. Le festivalier se fait alors chercheur d'or partant en quête de pépites cinématographiques: anciennes avec les rétrospectives de chefs d'oeuvre du septième art ou à venir avec des avant-premières.
En 2006, fut ainsi projeté le dernier film d'Anne Fontaine intitulé "Nouvelle chance". A cette occasion, je vous propose donc la critique de ce film mais aussi la critique d'un autre film d'Anne Fontaine qui ne fut pas présenté à Cannes mais qui fait partie de mon panthéon cinématographique: "Entre ses mains."
Anne Fontaine a également présidé le jury "Un Certain Regard" en 2002, une sélection très souvent de très grande qualité dont je vous ai déjà longuement parlé ici: voir l'article sur Un Certain Regard.
Critique de Nouvelle chance d'Anne Fontaine, film présenté hors compétition au Festival de Cannes 2006.
Après la passion douloureuse et le drame poignant, fascinant, inquiétant, troublant, avec Entre ses mains (critique à la fin de cet article), Anne Fontaine a changé de registre pour mettre en scène une comédie fantaisiste non dénuée d’ironie délicieusement cruelle.
Comme souvent dans les comédies, les destins des personnages principaux, si dissemblables, n’avaient aucune raison de se croiser. Il y a Odette Saint-Gilles (Danielle Darrieux), vieille actrice oubliée dans un centre social; Augustin Dos Santos ( Jean-Christian Sibertin-Blanc), garçon de piscine à l'hôtel Ritz; Bettina Fleischer (Arielle Dombasle), héroïne de feuilleton populaire et accessoirement cliente du Health club du Ritz; et Raphaël (Andy Gillet), jeune homme à la beauté troublante, travaillant au centre social où loge Odette. Augustin est aussi metteur en scène pour des centres, des foyers, des entreprises… et en l’espèce il doit mettre en scène une pièce pour un spectacle d’entreprise. Il décide de mettre en scène une pièce du XVIIIème trouvée chez Odette, une histoire de passion et de rivalité féminine. Il va donc réunir ces êtres dissemblables et leur donner une nouvelle chance d'assouvir leurs rêves...
Jean-Christian Sibertin-Blanc (le frère d’Anne Fontaine) reprend ici le personnage d’Augustin qu’elle avait créé et déjà mis en scène dans Augustin (1995) et Augustin roi du kung-fu (1999). Personnage lunaire aux idées incongrues, insolites, avec un naturel désarmant, il ne recule devant rien pour mettre son projet à exécution : ni demander à Jack Lang (qui fait aussi ses débuts au cinéma, d’autres diraient qu’il ne fait que ça, je leur en laisse la responsabilité) un lieu pour ses répétitions, ni arranger une rencontre aquatique entre Odette et Bettina, dans la piscine du Ritz.
En présentant le film, Anne Fontaine a précisé qu’elle avait songé aux acteurs avant d’écrire son scénario, cela se ressent dans son écriture avant tout centrée sur ses acteurs, donc. Elle a également précisé que si Danielle Darrieux était absente c’était parce qu’elle déménageait pour la cinquième fois en deux ans, tournée vers l’avenir, toujours, encore, merveilleusement...à 89 ans.
Nouvelle chance est d’ailleurs surtout un magnifique hommage à Darielle Darrieux (Avec plus de 130 films à son actif, tournés sous la direction des plus grands -de Claude Autant-Lara à François Ozon en passant par Max Ophüls, Claude Chabrol et Benoît Jacquot-, elle fut l'égérie du réalisateur Henri Decoin qui lui offrit la vedette de nombre de ses longs métrages - Mademoiselle ma Mère (1936), Abus de Confiance (1938), Battement de Coeur (1940)... - et connut la consécration internationale avec The Rage of Paris d'Henry Koster (1938) et L'Affaire Cicéron (1951) de Joseph L. Mankiewicz.). Ici, elle est tantôt fragile, forte, caustique, cruelle, mourante, incroyablement vivante, bref émouvante, sublime. Elle est filmée sans artifices, parfois en gros plan. Nous voilà plongés dans son regard, un regard incroyablement expressif, nous voilà plongés dans l’Histoire du cinéma français, un regard incroyablement pluriel. Un regard qui perd la vue. Le drame, la mélancolie affleurent, constamment. Ce regard si expressif suffit à nous émouvoir. Nous l’écoutons, la regardons religieusement. Peut-être n’est-ce pas un hasard s’ils répètent dans une église ...
Danielle Darrieux nous fait oublier le manque de rythme et les faiblesses scénaristiques. D’ailleurs peut-on réellement parler de faiblesse puisque l’objectif n’était pas là? La mise en scène est aussi très théâtrale, l'intérêt n'est pas là non plus et puis après tout il est question de théâtre, aussi. C’est avant tout une histoire d’acteurs, pour ses acteurs, et finalement nous sommes tristes de les quitter, tristes après avoir ri, quand même, aussi. Nous aimerions savoir ce qu’ils vont devenir avec leurs solitudes, leurs regrets, leurs ambitions.
Le film pourrait commencer quand il s’achève sur une note de musique et d’amertume. Les dernières minutes nous font ainsi retrouver l’amoralité jubilatoire d’Entre ses mains et des précédents films d’Anne Fontaine (Nathalie, Nettoyage à sec). En quelques plans tout est dit : la cruauté, l’amertume, l’arrivisme et la beauté, encore, finalement, celle de cette dame en noir, radieuse, lumineuse, plongée à jamais dans l’obscurité. Dans Entre ses mains, déjà, la fascination ‘du personnage d’Isabelle Carré pour celui de Benoît Poelvorde et du spectateur pour cette histoire d’amour absolu, dérangeante et non moins sublime- provenait de ses personnages, si ambivalents et si magistralement interprétés. C’est aussi ce qui fait le charme de cette Nouvelle chance. Oui, rassurez-vous : l’amoralité (et heureusement pas la moralité) est sauve. Rien que pour cela cette comédie caustique empreinte de charme nostalgique et de la grâce juvénile de Danielle Darrieux, vaut la peine que vous leur donniez cette nouvelle chance.
Entre ses mains: le film "fascinant " d'Anne Fontaine
Fascination. Voilà probablement le terme qui définirait le mieux ce film d’Anne Fontaine. Celle qu’exerce sur Claire (Isabelle Carré), assureur, Laurent, le singulier vétérinaire (Benoît Poelvoorde), venu déclarer un sinistre. Celle qu’exerce sur le spectateur ce film troublant et son duo d’acteurs étonnants. C’est bientôt Noël, c’est à Lille et un tueur en séries sévit depuis quelques jours. Leur rencontre se déroule a priori dans un cadre anodin mais peu à peu la quotidienneté va laisser la place à l’étrangeté d’une relation magnifiquement tragique…
Progressivement, la caméra vacille et bascule avec Claire dans l’inéluctable, l’inénarrable. Progressivement elle va se retrouver aussi fragile qu’un animal blessé entre ses mains. Des mains qui soignent. Des mains qui tuent peut-être. Des mains qui hypnotisent. Poelvoorde incarne ici ce fauve face à son animalité, ce prédateur de femmes, qui comme les lions qu’il soigne fascinent et effraient. Telle est aussi Claire, (parfaite Isabelle Carré) fascinée et effrayée, blonde hitchcockienne dans l’obscurité tentatrice et menaçante, tentée et menacée. Guidée par une irrépressible attirance pour cet homme meurtri, peut-être meurtrier. Cet homme qui ne cherche pas le bonheur. Juste l’instant. Comme celui de leurs mains qui se frôlent ; de leurs silences et leurs fêlures qui les rapprochent, hors de leur tragique ou quotidienne réalité. Encore une fois Anne Fontaine explore l’irrationalité du désir avec subtilité et avec un salutaire anticonformisme. Benoît Poelvoorde, bouleversant, bouleversé, sidérant, exprime avec nuance l’ambivalence de ce personnage qui tue et donne à Claire le sentiment d’être vivante, qui devrait nous répugner et dont nous comprenons pourtant, (grâce au jeu des deux comédiens et grâce une subtile mise en scène centrée sur les silences et les regards) l’irrépressible sentiment qu’il inspire à Claire qui se met à chanter, à danser. A exister. Anne Fontaine dissèque brillamment chaque frémissement, chaque tremblement dans cette tranquille ville de Province soudainement en proie à la violence comme la tranquille Claire est en proie (la proie aussi) à celle de ses désirs. Les regards hésitants, égarés, déstabilisants, déstabilisés, de Poelvoorde, expriment une pluralité de possibles, l’impensable surtout. L’amour impossible est ici en effet amour impensable. Un film effroyablement envoûtant, dérangeant. Captivant. Fascinant, définitivement.
Je vous ai déjà parlé ici de mon goût prononcé pour le cinéma asiatique notamment en évoquant longuement Wong KAr Wai: ici.
La rumeur selon laquelle non seulement Wong Kar Wai serait de nouveau présent cette année au festival avec "My Blueberry nights", Hou Hsiao-Hisen avec "Le ballon rouge" et Kim Ki Duk avec "Breath" est pour moi l'occasion de vous parler de ce dernier, réalisateur particulièrement prolifique dont j'avais tout particulièrement apprécié: Printemps, été, automne, hiver et printemps ou encore Locataires. Je vous propose ainsi mes critiques de ces deux films ainsi que celle de Three times de Hou Hsiao Hsien...pour patienter en attendant l'annonce des résultats...de la programmation du 60ème Festival de Cannes, le 19 Avril.
Locataires de Kim Ki Duk
Ma curiosité était d’ores et déjà suscitée par le nom du prolifique et éclectique Kim Ki Duk gardant encore un souvenir émerveillé de sa symphonie picturale : « printemps, été, automne, hiver et printemps ». J’étais aussi intriguée par le silence évocateur de ceux qui avaient eu la chance de le voir.
Résumer ce film ne ferait qu’en dénaturer immodestement l’originalité tout comme donner la parole à ses personnages aurait amoindri l’intensité et la beauté de leur relation. Alors en vous transmettant quelques bribes d’éléments j’espère vous donner envie de courir dans les salles obscures et d’accompagner ces Locataires dans leur errance langoureuse et mélancolique. Kim Ki Duk invente en effet un univers (à moins que ce ne soit les personnages qui l’inventent, une réalisation parfaitement maîtrisée entretenant délibérément l’ambiguïté) où les paroles sont superflues, inutiles, vaines puisque les deux personnages principaux n’échangent pas un mot. Ils n’ont d’ailleurs pas besoin de dire pour exprimer, pour ressentir l’étrange et immédiate harmonie qui les unit, un peu comme la musique transcrivait les sentiments dans le sublime « In the mood for love » de Wong Kar Waï sans nécessiter le moindre dialogue. La parole n’est ici que source de maux et d’hypocrisie. Le décor (réel protagoniste du récit ?) agit comme un symbole (espaces vides symbolisant la solitude des personnages mais aussi symbole de l’image que souhaitent donner d’eux-mêmes les propriétaires) mais aussi une cristallisation puis une réminiscence de l’histoire d’amour, comme un lien entre ces deux âmes solitaires et blessées. Lien intense et (car) indicible. L’humour, comme la violence d’ailleurs, est judicieusement distillé et apporte un aspect ludique, voire fantaisiste. Kim Ki Duk n’oublie pas non plus d’égratigner la société coréenne : corruption de la police etc.
Cette balade poétique et surréaliste nous emmène et nous déconcerte. La frontière entre rêve et réalité (y) est parfois si étanche…alors si vous ne craignez pas de la franchir laissez-vous dériver en suivant ces Locataires et leur réjouissante et onirique errance. « Locataires » est de ces films dont vous sortez le cœur léger, ignorant la pluie et la foule, encore délicieusement endoloris, encore dans le monde dans lequel ils vous aura transportés et dont seul un silence évocateur, oui effectivement, pourra approcher l’intensité comme unique réponse aux interrogations des non initiés dont, je l’espère, vous ne ferez bientôt plus partie !
Ce film a reçu le Lion d’Argent, prix de la mise en scène Venise 2004.
Printemps, été, automne, hiver et printemps de Kim Ki Duk
Grâce, notamment, à l’ingéniosité de la réalisation j’ai été happée par cet univers surréaliste et magique, cette histoire singulière, intemporelle et universelle qui substitue mieux que jamais à notre regard « un monde qui s’accorde à ses désirs »pour reprendre la citation de Bazin qui pourrait avoir été inspirée par ce film car ces saisons-là sont avant tout celles des évènements qui rythment la vie d’un homme.
Déjà le synopsis suscite la curiosité du spectateur : un maître bouddhiste et son tout jeune disciple vivent au cœur d’un temple, coupés du monde, un temple dont le cadre évolue au gré des saisons, comme le laisse entendre le titre éponyme, et au rythme des sentiments changeants du jeune disciple.
En effet, ce synopsis promet une véritable cristallisation des passions dans cet univers dichotomique : isolé mais constamment perturbé par les tentations du monde extérieur, un monde qui reste toujours hors champ mais qui est néanmoins si présent.
Chaque saison symbolise une étape de la vie, les états d’âme, une âme divisée, éventrée même, du protagoniste : l’insouciance de l’enfance, (printemps), l’inconscience de l’adolescence, (automne), la violence de l’âge adulte (été), la sagesse de la vieillesse (hiver)…et la renaissance (printemps).
La beauté picturale du paysage qui évolue au gré des saisons reflète les sentiments exacerbés des personnages…et la photographie d’une magnificence indicible n’a rien à envier à celle d’un autre chef d’œuvre du cinéma asiatique évoqué précédemment : In the mood for love de Wong Kar Wai.
Comme cela arrive parfois la mise en scène n’est pas privilégiée au détriment du scénario, celui-ci étant réellement ciselé et retenant constamment l’attention du spectateur, un spectateur qui ne cesse d’être habilement manipulé et surpris, envoûté, emporté même par ces saisons d’une beauté hypnotisante.
Chaque plan est empreint de poésie, une poésie parfois désenchantée mais non moins magnifique et bouleversante.
Cruauté, passion amoureuse, jalousie, crime même : c’est la valse des sentiments autant que la valse des saisons.
Kim Ki Duk utilise l’art de la métaphore avec subtilité faisant preuve d’une virtuosité stylistique indéniable.
La rareté des dialogues n’est jamais dérangeante, bien au contraire, elle met en exergue la qualité de la mise en scène, le montage si judicieux, et reflète l’ascétisme du cadre de vie des personnages.
Plus qu’un film c’est une expérience, le spectateur se trouvant immergé dans cet univers singulier dont il ne ressort pas indemne, ayant vécu en même temps que le personnage principal un véritable voyage initiatique et dont il ressort avec une seule et irréfragable envie : refaire le voyage, revivre les saisons au rythme de Kim Ki Duk, revoir le cycle de la vie dépeint avec tant de talent dans cette brillante et ensorcelante métaphore filmique, cette parabole sur l’existence si savamment représentée.
Critique de Three Times de Hou Hsio Hsien
Hou Hsiao Hsien avec ces « Three times » se lance, et nous lance, en effet un défi poétique : retrouver un moment d’euphorie qui ne reviendra jamais, un instant dont nous avons la nostalgie non parce-qu’il serait le meilleur mais parce-que nous l’avons perdu à jamais. De cet instant notre mémoire ne conserve que les réminiscences, et de cette manière cet instant demeure le plus beau sans comparaison possible. Ces « Three times » sont en effet trois époques, trois histoires (1911, 1966, 2005) incarnées par le même couple de comédiens. C’est surtout la triple réincarnation d’un amour infini. Dès les premiers plans le spectateur se retrouve immergé dans ce conte sentimental, fasciné par sa langueur ensorcelante, comme un tableau qui vous hypnotise et vous bouleverse instantanément sans que vous sachiez réellement pourquoi. La magie des sentiments et des moments uniques qu’il retranscrit transparaît dans chaque geste et surtout chaque silence des personnages qu’il filme comme des danses langoureuses. On songe évidemment à « In the Mood for love » de Wong Kar Waï qu’il ne détrône néanmoins pas de son piédestal, véritable perfection du genre. Ici le non dit et le silence remplacent des dialogues inutilement explicatifs (comme au temps du muet des cartons remplacent les dialogues), la lenteur judicieuse incite à la rêverie qu’une réalisation plus didactique n’aurait pas permis. Si « three times » est un bel exercice de style il ne l’est pas seulement. L’envoûtement est tel qu’on voudrait ne plus quitter cette atmosphère et ces instants sublimés. Dommage que la troisième partie ne soit pas à la hauteur des deux premières, plus expéditive, plus explicative, peut-être aussi car la contemporanéité et sa violence empêchent l’éternité. C’est enfin un poème intemporelle et nostalgique au rythme délicieusement séduisant. Plus qu’un film c’est une expérience, une belle utopie à laquelle il parvient à nous faire croire, un rêve dont on n’aimerait pas se réveiller, comme celui dans lequel vous plonge ce festival et ses instants surréalistes
Sandra.
Le Festival de Cannes réalise des gros plans sur le cinéma d'aujourd'hui et de demain mais aussi des travellings arrières sur l'Histoire du septième Art nous permettant de découvrir ou de redécouvrir des chefs d'oeuvre du cinéma.
Aujourd'hui j'ai choisi de vous parler de l'un de mes cinéastes favoris qui a été maintes fois honoré à Cannes: d'une part, pour sa participation à la compétition officielle en 1970 pour "Les choses de la vie", d'autre part grâce au documentaire intitulé "Claude Sautet ou la magie invisible" réalisé par Nguyen Trong Binh projeté en avant-première au Festival de Cannes 2003.
En 2001, un an après sa mort, le Festival de Cannes lui a par ailleurs rendu hommage par une exposition et une rétropective avec notamment la projection de "Max et les Ferrailleurs".
Si Claude Sautet n'a jamais été primé à Cannes (C'est Robert Altman qui a reçu la palme d'or en 1970), il fait indéniablement partie de ceux qui en ont écrit l'Histoire et accessoiremment de ceux qui ont fait naître ma passion immodérée pour le septième Art ("Un coeur en hiver" figure ainsi en tête de mon panthéon cinématographique!), c'est pourquoi aujourd'hui en guise d'hommage je vous propose un portrait de ce cinéaste.
Il y a les cinéastes qui vous font aimer le cinéma, ceux qui vous donnent envie d’en faire, ceux qui vous font appréhender la vie différemment, voire l’aimer davantage encore. Claude Sautet, pour moi, réunit toutes ces qualités.
« Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. » (François Truffaut)
Un cinéma de la dissonance
Sur la tombe de Claude Sautet au cimetière Montparnasse, il est écrit : « Garder le calme devant la dissonance », voilà probablement la phrase qui définirait aussi le mieux son cinéma : d’abord parce-que son cinéma est un cinéma de la dissonance, de l’imprévu, de la note inattendue dans la quotidienneté et ensuite parce-que cette épitaphe fait référence à la passion de Claude Sautet pour la musique. Claude Sautet a ainsi été critique musical au journal Combat, un journal de la Résistance, il avait ainsi une vraie passion pour le jazz et pour Bach, notamment. Il a par ailleurs consacré un film entier à la musique, Un cœur en hiver, (d’après un recueil de nouvelles de Lermontov : Un héros de notre temps) le meilleur selon moi, certainement le film que j’ai le plus revu, tant les personnages y sont ambivalents, complexes, bref humains, et tout particulièrement le personnage de Stéphane interprété par Daniel Auteuil, le « cœur en hiver », pouvant donner lieu à une interprétation différente à chaque vision du film.
Un peintre des sentiments et de la société ?
Je disais « dépeindre » car Claude Sautet est souvent évoqué comme le « peintre de la société française » ou encore comme le "peintre des sentiments ». Pour la première expression, qu’il récusait d’ailleurs, s’il est vrai que la plupart de ses films sont des tableaux de la société contemporaine, notamment de la société d’après 1968, et de la société pompidolienne, puis giscardienne, et enfin mitterandienne ses personnages et les situations dans lesquelles il les implique sont avant tout universels, un peu comme La Comédie Humaine peut s’appliquer aussi bien à notre époque qu’à celle de Balzac.
Concernant l’expression « peintre des sentiments » il est vrai que rarement un cinéaste aura su esquisser aussi bien les passions contenues et les tourments de l’âme humaine. Pour moi Claude Sautet est pourtant davantage un chef d’orchestre de génie qu’un peintre. D’abord, parce-que ses films ont un véritable aspect chorégraphique, Garçon et sa mise en scène chorégraphiée qui est aussi un hommage à Tati en est la preuve flagrante, Claude Sautet y montrant la vie d’une grande brasserie filmée comme un théâtre en mouvement perpétuel, ensuite parce-que le tempo de ses films est réglé comme une partition musicle, impeccablement rythmée, une partition dont on a l’impression qu’en changer une note ébranlerait l’ensemble de la composition.
L'unité dans la diversité
Pour qualifier son cinéma et l'unité qui le caractérise malgré une diversité apparente, nous pourrions ainsi paraphraser cette devise de l’Union européenne. Certes a priori, L’arme à gauche est très différent de Vincent, François, Paul et les autres, pourtant si son premier film Classe tous risques est un polar avec Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo ( Bonjour sourire, une comédie, a été renié par Claude Sautet qui n’en avait assuré que la direction artistique), nous pouvons déjà y trouver ce fond de mélancolie qui caractérise tous ses films.
Il faudra attendre Les choses de la vie en 1969 pour que Claude Sautet connaisse la notoriété.
Et en 1971, s’il revient au polar avec Max et les ferrailleurs, c’est pourtant avant tout un film très noir, tragique même, une étude de mœurs qui se caractérise par l’opacité des sentiments des personnages.
Tous ses films se caractérisent d’ailleurs par le suspense (il était fasciné par Ford et Hawks ) : le suspense sentimental avant tout, concourant à créer des films toujours haletants et fascinants.
Un cinéma de l’implicite et de l’incertitude
Claude Sautet citait ainsi souvent la phrase de Tristan Bernard : « il faut surprendre avec ce que l’on attend ». On ne peut certainement pas reprocher au cinéma de Claude Sautet d’être démesurément explicatif, c’est au contraire un cinéma de l’implicite, des silences et du non dit.
Dans Nelly et M. Arnaud se noue ainsi une relation ambiguë entre un magistrat à la retraite, misanthrope et solitaire, et une jeune femme au chômage qui vient de quitter son mari. Au-delà de l’autoportrait ( Serrault y ressemble étrangement à Sautet ), c’est l’implicite d’un amour magnifiquement et pudiquement esquissé, composé jusque dans la disparition progressive des livres d'Arnaud, dénudant ainsi sa bibliothèque et faisant réfèrence à sa propre mise à nu. La scène pendant laquelle Arnaud regarde Nelly dormir, est certainement une des plus belles scènes d’amour du cinéma: silencieuse, implicite, bouleversante. Le spectateur retient son souffle, le suspense, presque hitchcockien y est à son comble. Sautet a atteint la perfection dans son genre, celui qu'il a initié: le thriller des sentiments.
Pascal Jardin disait de Claude Sautet qu’il « reste une fenêtre ouverte sur l’inconscient ». Ainsi, dans un Cœur en hiver, c’est au cours des répétitions d’un enregistrement de deux sonates et d’un trio de Ravel que les rapports ambigus des personnages se dévoilent : leurs regards sont plus explicites que n’importe quel discours. L’incertitude n’est donc pas seulement sociale mais également affective. Sautet aimait ainsi tout particulièrment La peau douce de Truffaut, ceci expliquant peut-être cela...
Des caractéristiques communes
Les films de Sautet ont tous des points communs : le groupe, (dont Vincent, François, Paul et les autres est le film emblématique), des personnages face à leurs solitudes malgré ce groupe, ses scènes de café,( « A chaque film, avouait Sautet, je me dis toujours : non, cette fois tu n'y tournes pas. Et puis, je ne peux pas m'en empêcher. Les cafés, c'est comme Paris, c'est vraiment mon univers. C'est à travers eux que je vois la vie. Des instants de solitude et de rêvasseries. ») les personnages filmés à travers les vitres de ces mêmes cafés, ses scènes de pluie qui sont souvent un élément déclencheur, ses scènes de colère (peut-être inspirées par les scènes de colère incontournables dans les films de Jean Gabin, Sautet ayant ainsi revu Le jour se lève …17 fois en un mois!), des femmes combatives souvent incarnées par Romy Schneider puis par Emmanuelle Béart, des fins souvent ouvertes et avant tout un cinéma de personnages : César, Rosalie, Nelly, Arnaud, Vincent, François, Paul, Max, Mado, …et les autres, des personnages égarés affectivement et/ou socialement, des personnages énigmatiques et ambivalents.
Un cinéma du désenchantement enchanteur
Claude Sautet en 14 films a imposé un style, des films inoubliables, un cinéma du désenchantement enchanteur, d'une savoureuse mélancolie, de l’ambivalence et de la dissonance jubilatoires, une symphonie magistrale dont chaque film est un morceau unique indissociable de l’ensemble.
Il a signé aussi bien des "drames gais" avec César et Rosalie, ou encore le trop méconnu, fantasque et extravagant Quelques jours avec moi, un film irrésistible, parfois aux frontières de l’absurde, des films plus politiques notamment le très sombre Mado dans lequel il dénonce l’affairisme et la corruption…
Claude Sautet disait lui-même que ses films n’étaient pas réalistes mais des fables. Son univers nous envoûte en tout cas, et en retranscrivant la vie à sa « fabuleuse » manière, il l’a indéniablement magnifiée. Certains lui ont reproché son classicisme, pour le manque de réflexivité de son cinéma, comme on le reprocha aussi à Carné dont Sautet admirait tant Le jour se lève. On lui a aussi reproché de toujours filmer le même milieu social (bourgeoisie quinquagénaire et citadine). Qu’importe, un peu comme l’ours en peluche du Jour se lève qui a un œil qui rit et un autre qui pleure, nous ressortons de ses films, entre rires et larmes, bouleversés, avec l’envie de vivre plus intensément encore car là était le véritable objectif de Claude Sautet : nous « faire aimer la vie »…et il y est parvenu, magistralement. Personne après lui n’a su nous raconter des « histoires simples » aux personnages complexes qui nous parlent aussi bien de « choses de la vie ».
Né à Montrouge (près de Paris) en 1924, Claude Sautet est mort à Paris le samedi 22 juillet 2000 à l'âge de soixante-seize ans…
Longs-métrages réalisés par Claude Sautet
Bonjour sourire (1955)
Classe tous risques (1960)
L'Arme à gauche (1965)
Les Choses de la vie (1970)
Max et les Ferrailleurs (1970)
César et Rosalie (1972)
Vincent, François, Paul et les autres (1974)
Mado (1976)
Une histoire simple (1978)
Un mauvais fils (1980)
Garçon ! (1983)
Quelques jours avec moi (1988)
Un coeur en hiver (1991)
Nelly et Monsieur Arnaud (1995)
A voir : le documentaire de N.T.Binh Claude Sautet ou la magie invisible , festival de Cannes 2003.
A noter: Claude Sautet a également travailler comme ressemeleur de scénarii pour de nombreux cinéastes et notamment sur (parmi de nombreux autres films ) Borsalino de Jacques Deray.
Sandra.M
Bien que j'aille au Festival de Cannes depuis ma participation au prix de la jeunesse, en 2001, j'en rédige un compte-rendu seulement depuis 2005, mon autre blog "In the mood for cinema" ayant été créé en novembre 2004.
Sur ces comptes-rendus, vous pourrez ainsi lire des récits d'ambiance, les critiques de tous les films en compétition et des avant-premières, des critiques de films présentés dans les sélections parallèles, de nombreuses anecdotes, et mon regard sur ce festival relaté parfois sous forme de feuilleton à épisodes.
Vous voulez en savoir plus?
Vous voulez vous plonger à nouveau dans les éditions 2005 et 2006 du Festival de Cannes?
Vous voulez avoir l'impression d'y être et de les revivre en direct?
Alors cliquez sur les deux liens ci-dessous et plongez "In the mood for Cannes" 2005 et 2006:
Compte-rendu complet du Festival de Cannes 2005
Compte-rendu complet du Festival de Cannes 2006
Sandra.M
Diane Krüger sera la maîtresse de cérémonie du Festival 2007 et présentera donc les cérémonies d'ouverture, du 16 Mai, et de clôture, du 27 Mai. Elle succédera ainsi à Vincent Cassel. En guise de présentation, je vous propose la critique d'un film dont le tournage s'est échelonné sur plusieurs années, faute de moyens et qui débuta alors que Diane Krüger n'était pas encore connue. Il s'agit de "Frankie" de Fabienne Berthaud.
Frankie ou le miroir à deux faces...
Frankie a 26 ans. Frankie est mannequin. Son travail exige d’elle qu’elle renvoie une image lisse et parfaite, qu’elle ne laisse entrevoir ni la fragilité ni les fêlures qu’elle dissimule. Oui, Frankie est mannequin, pas un top model qui parcourt le monde mais un mannequin en fin de carrière comme il y en a des milliers d’autres, qui erre d’hôtels médiocres en studios, en bars moroses où, esseulée, elle laisse tomber le masque, et n’en a plus que faire. L’image elle aussi s’est fissurée : plus vraiment belle, plus vraiment jeune selon des critères plus cruels dans son métier qu’ailleurs, où les stigmates du temps, si imperceptibles pourtant, ennemi impitoyable et invincible, sont inexcusables. Seule, surtout. Quand l’image se craquelle, il faut sourire avec plus d’entrain encore, dire bonjour avec plus d’enthousiasme, feindre avec un talent démultiplié. Seulement Frankie n’a plus envie. Elle a perdu l’envie d’avoir envie. L’envie de cacher l’être blessé par un paraître irréprochable. N’être qu’un corps qu’on voit sans le regarder devient insupportable. Frankie (Diane Krüger d’une touchante fragilité) est à fleur de peau, dans cet état où un seul mot prononcé ou oublié, un seul geste déplacé peuvent faire basculer et dériver. Au départ le film est un peu comme cet univers dans lequel elle se perd, celui de faux semblant : superficiel, détaché de nous, lointain comme une image de papier glacé ( l’image du film, très réaliste, est d'ailleurs délibérément ici très éloignée d’une image de papier glacé) puis peu à peu sa solitude, son mal être s’emparent subrepticement de nous grâce à un montage savamment déstructuré et chaotique à l’image de celle dont il reflète l’égarement. Les images de sa décadence se mêlent à celles de son séjour en hôpital psychiatrique. La poésie ne vient pas suffisamment de là où on l’attend. La poésie du désenchantement. Une jolie forme de politesse. Celle d’un ange aux ailes brisées. Elle s’égare, elle vacille comme la caméra de Fabienne Berthaud dont c’est ici le premier long métrage, aux allures de faux documentaire. C’est un film imparfait, mais c’est justement cette imperfection qui le distingue et l’enrichit. Il laisse entrevoir ses fêlures, il se met à nu comme celle qu’il immortalise. Comme si Dorian Gray et son portrait se côtoyaient. Sauf qu’ici ce que dissimule le masque est peut-être finalement plus beau que le masque lui-même ; surtout si un regard bienveillant se pose dessus, comme celui de Tom que je vous laisse découvrir… Finalement dériver permet peut-être de mieux retrouver son chemin ? Il faut parfois avoir le courage de sombrer, de se montrer chancelant pour mieux refaire surface, revenir sans un masque en trompe l’œil, pour que les autres regards n’effleurent pas seulement mais voient réellement. Et savoir ainsi à nouveau admirer le bleu du ciel ou retrouver les ailes d’un ange. Un film cruel et poétique. Mélancolique et drôle. Comme les deux faces d'un même visage. Une fin qui justifie les moyens et qui mérite d’être attentif jusqu’au bout, de ne pas nous aussi céder à la tyrannie du temps, de ne pas nous aussi zapper ce qui n’est pas lisse, immédiat, formaté comme nous y sommes trop souvent habitués et encouragés. La fissure en dit peut-être plus que le masque. Oui, Frankie est mannequin mais elle porte le masque et dissimule les blessures de chacun de nous…
FILMOGRAPHIE DE DIANE KRÜGER
Benjamin Gates et le Livre des Secrets (Prochainement), de Jon Turteltaub
Copying Beethoven (Prochainement), de Agnieszka Holland
L'Age des ténèbres (2007), de Denys Arcand
Goodbye Bafana (2007), de Bille August
Les Brigades du Tigre (2006), de Jérôme Cornuau
Frankie (2006), de Fabienne Berthaud
Joyeux Noël (2005), de Christian Carion
Rencontre à Wicker Park (2005), de Paul McGuigan
Benjamin Gates et le trésor des Templiers (2004), de Jon Turteltaub
Narco (2004), de Gilles Lellouche
Troie (2004), de Wolfgang Petersen
Michel Vaillant (2003), de Louis-Pascal Couvelaire
Ni pour, ni contre (bien au contraire) (2003), de Cédric Klapisch
Mon idole (2002), de Guillaume Canet Clara
The Piano player (TV) (2002), de Jean-Pierre Roux Erika
Sandra.M