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IN THE MOOD FOR CANNES 2024 - Page 45

  • Critique - "Les pas perdus" de Gilles Jacob : un récit enchanteur et "en-chanté"

    Commencer un livre, c’est comme aborder un nouveau rivage, intrigant car inconnu. C’est aussi se lancer dans une exploration à la fois excitante et angoissante, a fortiori quand on apprécie l’auteur dont les précédents romans étaient particulièrement enthousiasmants. Je vous recommande ainsi La vie passera comme un rêve et Le Fantôme du Capitaine, les précédents récits de Gilles Jacob (sur lesquels vous trouverez, à nouveau, quelques lignes ci-dessous) qui, pour ceux qui l’ignoreraient encore, n’est pas seulement le président du Festival de Cannes depuis plus de trente ans mais aussi critique, auteur, réalisateur, photographe…

    Grâce à son autobiographie, La vie passera comme un rêve , nous savions ce que nous devinions : que sa vie était un roman. Ce livre mêle en effet astucieusement les lumières, souvent aveuglantes, de la Croisette (mais par lesquelles il ne s’est jamais laissé éblouir sans pour autant en être blasé), et la mélancolie de son enfance. Il en apprendra beaucoup à ceux qui ne connaissent rien du festival et ravira encore davantage ceux qui le fréquentent. Gilles Jacob n’y évoque pas uniquement ce tourbillon étourdissant, qui pourrait évidemment l’être d’autant plus pour lui qu’il en occupe les plus hautes fonctions depuis plus de trente ans, mais il a également eu la bonne idée d’y mêler sa propre histoire personnelle à l’Histoire et de construire l’ouvrage de manière très cinématographique, une (dé)construction judicieuse un peu à la Mankiewicz ou à la Orson Welles, un ouvrage assaisonné d’humour et d’autodérision à la Woody Allen.

    Quant au Fantôme du Capitaine, il s’agit d’une correspondance imaginaire, une soixantaine de lettres comme autant de nouvelles que j’ai dévorées comme un roman, une évasion pleine de fantaisie dans le cinéma et la cinéphilie, la littérature, l’imaginaire et, en filigrane, une réflexion sur l’art, qui réjouira tous ceux qui aiment passionnément le cinéma et la littérature, et aiment s’y perdre délicieusement, au point, parfois, de les confondre ou même les préférer à la réalité, un livre dans lequel Gilles Jacob, vous fait voyager avec élégance, avec savoureuse et malicieuse (auto)dérision, entre mensonge et vérité, entre imaginaire et réalité aussi qu’il interroge et manipule, et qui exhale un enivrant parfum de vérité, la plus troublante et réjouissante des illusions. Un témoignage d’une tendre lucidité sur la profession, une lucidité jamais hargneuse ou rageuse mais toujours teintée de salutaire dérision, celle d’un « homme de sentiments plus que de ressentiments ». C’est enfin un hommage à l’écriture, au pouvoir salvateur et jouissif des mots qui vous permettent les rêveries les plus audacieuses, les bonheurs les plus indicibles, et un hommage au pouvoir de l’imaginaire, à la fois sublime et redoutable, ce pouvoir qui fait « passer la vie comme un rêve ».

    Avant d’en venir aux Pas perdus, je vous recommande enfin Une journée particulière, le film de Gilles Jacob que certains d’entre vous auront peut-être découvert lors de la mémorable journée anniversaire des 65 ans du Festival de Cannes l’an passé, un documentaire sur l’anniversaire des 60 ans du festival et qui suit les protagonistes de cette journée. Cette journée particulière est celle au cours de laquelle les trente-cinq réalisateurs de Chacun son cinéma ont été suivis dans les différents rites cannois : arrivée, photocall, conférence de presse, montée des marches, répétition de leur parcours sur la croisette, cuisines, feu d’artifice… Nous suivons ainsi ces réalisateurs (venus de 25 pays différents et signant un film de 3 minutes chacun) dans ces rituels futiles et nécessaires, dérisoires et essentiels. La caméra y débusque discrètement les sourires, une mélancolie qui affleure, un instant insolite, mais surtout le plaisir d’être ensemble et la complicité de ces « 35 mousquetaires ». Elle s’attarde sur les regards et les mains, la beauté de « la géographie d’un visage », des visages, ceux des artistes. Un bel écho avec les extraits des films qui eux-mêmes se concentrent surtout sur les visages et les rites cinématographiques comme une mise en abyme de la mise en abyme. A voir pour tous les amoureux du Festival de Cannes !

    Mais revenons à ce nouveau rivage, aux Pas perdus… L’excitation, avant d’aborder ce nouveau rivage, a rapidement pris le pas sur l’angoisse (relative angoisse, tout de même) tant j’ai eu l’impression de me retrouver en terre familière, en parcourant ces pages, de croiser des êtres et des émotions réels ou fictifs bien connus, personnels et universels, et relatés avec tant d’humour et de délicatesse. J’ai parcouru les premières pages des Pas perdus, décidée à le laisser et le reprendre dans la soirée…puis je me suis laissée entraîner, emporter…pour le terminer en oubliant que les minutes s’égrenaient, implacables malgré tout. Auparavant, j’avais regardé la couverture en songeant à ce que pouvaient bien dissimuler ces pages et ce titre. Je ne savais rien de ce nouveau récit. Les Pas perdus. Etait-ce une référence à André Breton? Ou plutôt à tous ces kilomètres de marches et de tapis foulés pendant toutes ces années ? Une réflexion sur tous ceux que, de son œil tendrement malicieux, il a observés (les photographiant souvent, aussi) les gravissant, établissant peut-être une typologie en fonction du caractère de cette ascension souvent doucement périlleuse, en apesanteur, et parfois incertaine, parfois décidée, parfois désinvolte, parfois impériale, parfois arrogante, parfois tremblante… ou même tout cela à la fois. Une référence à la salle des pas-perdus ? Un vestibule qui relierait tous ces univers, tous ces films et toutes ces personnalités si différents qu’il a croisés et qui se croisent et se rejoignent, chaque année, sur ce même célèbre escalier comme une salle des pas-perdus qui nous conduit partout et se rejoint toujours en un même point : l’amour du cinéma ou la curiosité insatiable pour la vie et les autres et donc, forcément, les films, peut-être ?

    Ces pas perdus débutent en réalité par l’évocation de ce doux mal incurable par lequel je crains bien d’être atteinte (mais que je souhaite néanmoins à tous tant il est une délicieuse brûlure) : « le démon de l’écriture » dont il donne une magnifique définition justifiée par ses débuts d’auteur (que je vous laisse découvrir dans le récit) : « Alors, quand un journaliste me demande : « C’est quoi pour vous l’écriture ? », j’évoque sans hésiter la fièvre de mon adolescence. ». »Je me souviens… »: ainsi débute chaque court chapitre, comme un refrain. Cet ouvrage est ainsi avant tout une douce chanson, à la fois mélancolique et joyeuse -surtout joyeuse-, qui me fait penser, au-delà de la référence formelle à Georges Perec, à la fameuse musique des mots de Sagan si singulière, avec cet humour et cette mélancolie qui l’étaient tout autant, et ce regard espiègle et lucide. Et comme une chanson délicieusement entrainante, nous n’avons pas envie de l’interrompre et, même, une fois terminée, nous avons envie de la réécouter ou de l’entendre par bribes, pour le jeu et la musique des mots. Sagan , justement, disait que « La culture c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale ». Gilles Jacob a ainsi l’intelligence de ne pas « étaler » sa culture ou ses rencontres mais de nous faire partager avec bonheur son enthousiasme, ses coups de cœur avec son regard tendrement malicieux.

    Bien sûr, au-delà du bonheur communicatif d’écrire, les pages exhalent et exaltent sa passion du cinéma et des mots. Il jongle avec les mots mais aussi avec les années, les souvenirs, les films, avec une tendre ironie. La mélancolie surgit, comme dans ses autres ouvrages, subrepticement et pudiquement, lorsqu’il évoque ses parents, son frère et quelques autres, célèbres ou inconnus. Il reste avant tout un amoureux : des mots, du cinéma, des actrices, de la vie, de l’amour, de ses parents, de son frère…et ses pages résonnent de cet amour. Se souvenir des belles choses. Le temps d’une anecdote savoureuse en compagnie de Chabrol. D’un hommage à l’intelligence de Sharon Stone. A la réjouissante insolence de Jane Campion. A la pétillante Jane Fonda. Le temps d’un bel hommage à Claude Miller « grand cinéaste de sa génération » dont l’ « art mêle violence et subtilité », par l’évocation de « Dites-lui que je l’aime ». Un hommage à la « folie douce » de Tim Burton. Et à tant d’autres…

    Ce qui marquera certainement ceux qui ne le suivent pas encore sur twitter (« Je me souviens que pour naviguer sans effort dans la blogosphère, j’avais choisi @jajacobbi comme nom de geek ») où, chaque jour ou presque, avec une impressionnante régularité, il délivre de savoureuses et caustiques (mais, là aussi, jamais cruelles) pensées, c’est à quel point il est ancré dans son époque, curieux de celle-ci, ce qui n’étonnera en revanche probablement pas les habitués de Cannes, festival qui, toujours, a su s’adapter à l’époque, débusquer de nouveaux talents, se renouveler. Il cite aussi bien des films (« Camille redouble ») ou des séries récents que des classiques même si cela ne l’empêche pas d’énoncer quelques regrets : « Je me souviens que François Truffaut disait que les cinéastes seraient bientôt jugés par des gens n’ayant pas vu « L’Aurore », de Murnau. Nous y sommes. » Sans même remonter jusqu’à Murnau (je crois même que c’est presque une vision optimiste), il est triste d’observer que le cinéma est parfois jugé par des gens qui pensent qu’il commence en 2000 et ne dépasse pas les frontières des Etats-Unis.

    Mais s’il y a quelques piques sibyllines réjouissantes (jamais gratuites comme au sujet de cette Ministre « responsable mais pas coupable » ), c’est surtout un admirateur, et finalement, il est sans doute la personne avec laquelle il est le moins tendre et le moins indulgent, même si, du haut de ses impériales marches, il a certainement pu observer tant de mesquineries, d’indélicatesses qu’il a l’élégance d’oublier ou de résumer d’un trait d’humour plus ou moins énigmatique. Je me souviens, à mon tour que, dans un autre livre, il disait que « Cannes n’est pas un paradis pour les âmes sensibles. » La sienne a parfois dû être mise à rude épreuve.

    Ces Pas perdus plairont, évidemment, aux amoureux du cinéma (même s’il n’y est pas question que de cinéma mais aussi de peintures, de politiques, de littérature, mais que, d’une certaine manière, ces pas perdus relient tous entre eux et finalement de manière plus ou moins lointaine, au cinéma) mais donnera aussi envie de découvrir certains films, d’en revoir d’autres comme , par exemple, Casablanca dont il parle magnifiquement. « Alors, revoir « Casablanca », c’est fredonner une fois encore la complainte du temps qui passe. » Je dois avouer revoir chaque fois ce film avec le même plaisir, et bien que l’ayant en DVD, ne jamais résister à un passage télévisé : le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires, la cosmopolite Casablanca d’une ensorcelante incandescence, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario, le dilemme moral, la fin sublime, le romantisme désenchanté et l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté qui font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses. La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Nous apprenons aussi que sa première critique fut La Règle du jeu, qu’il regrette de n’avoir pas sélectionné Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodovar… Vous saurez aussi l’éminente raison pour laquelle Jack Nicholson a décliné son invitation au jury du Festival de Cannes, ce qu’il pense de Lars von Trier et de son incompréhensible dérapage/provocation, en conférence de presse, à Cannes…

    Et puis, il y a ces aphorismes, ces maximes, ces petites phrases, ces couplets qui se retiennent comme une musique, irrésistible, dont voici quelques exemples parmi 496 « couplets » :

    « Je me souviens d’être allé au cinéma Le Rialto à Nice pendant la guerre et sur le pont du Rialto à Venise après la guerre.»

    « Je me souviens que les gens de droite prononçaient Mit’rand et ceux de gauche Mittérand. »

    « Je me souviens très bien du jour où Armstrong a fait les premiers pas de l’homme sur la Lune, parce que ce jour-là j’ai marché sur les lunettes. »

    Il y a ces transitions (ou absences de transitions), habiles, incongrues, qui sont parfois aussi drôles que les phrases elles-mêmes :

    « Je me souviens de la petite souris du dessinateur Plantu.

    Je me souviens de la souris d’agneau, je me souviens du morceau du boucher. Et aussi de La souris qui rugissait.

    Je me souviens de la Jouvence de l’Abbé Soury. »

    Ou cette autre, parmi tant d’autres, plus malicieuse encore, entre l’évocation des succès de Jérôme et Nicolas Seydoux et M. Verdoux, faussement innocente…

    Ces Pas perdus présentent de nombreux points communs avec ses précédents ouvrages. Il devrait donc ravir, à la fois, ceux qui, comme moi, avaient été enchantés par ces derniers et inciter les autres à les découvrir. On y retrouve ainsi cette autodérision « woodyallenienne » (auquel il semble, en plus de l’humour, désormais emprunter son rythme d’un projet par an, pour notre plus grand plaisir) dont il loue une fois encore les qualités, la « prodigalité créatrice et son humour dévastateur », en effet incontestables et qui ne cessent aussi de m’enchanter, me surprendre, récemment encore avec son To Rome with love . Au passage, je croise les doigts pour que son Blue Jasmine soit en sélection à Cannes. La date de sortie n’a pas encore été annoncée. Peut-être est-ce un bon présage… Comme dans ses précédents ouvrages, il reste toujours discret alors que sa mémoire doit détenir tant d’indiscrétions. Comme dans ses précédents ouvrages, il transmet avec élégance sa passion du cinéma, de l’écriture, de la vie, avec un humour réjouissant teinté de mélancolie pudique et légère. Après en avoir vu tant –de gens, de films, de pas perdus-, de le voir rester aussi curieux, jamais cynique (mal de l’époque qui, aux yeux de certains, tristement, devient une qualité), amusé, amusant, est réellement rafraîchissant quand tant d’autres en ayant vu et vécu bien moins sont déjà las, blasés, condescendants et évidemment : cyniques. Comme dans ses précédents ouvrages également : tendre impertinence et ironie jubilatoire sont au rendez-vous.

    Ces Pas perdus sont un voyage sinueux et mélodieux dans sa mémoire, une vie et des souvenirs composés de rêves, sans doute de cauchemars, qu’il a toujours la délicatesse de dessiner en filigrane. S’il parle de lui, ce n’est jamais par orgueil, mais finalement pour nous parler à nous ou de nous, faisant de ses pas perdus, aussi, les nôtres. Ces Pas perdus se lisent comme s’écouterait une chanson (du passé, et du présent, et même de l’avenir) qui a l’effet d’une madeleine de Proust que l’on fredonne avec une nostalgie joyeuse, ou comme se regarde une suite de courts-métrages ou de nouvelles ( comme un délicieux court texte sur Hopper, notamment, en témoigne). Si vous aimez et voulez croiser le si cinématographique Hopper donc, Truffaut, Sautet, Sagan et Sartre, Casablanca, Monsieur Arnaud, le cinéma, Cannes (les souris ?), Woody Allen, Tom Ripley (ah, Tom Ripley…), La Madone au Chardonneret de Raphaël, Catherine Deneuve, la danse des petits pains dans La Ruée vers l’or, des Présidents de la République, Antoine Doinel et tant d’autres… alors… écoutez cette chanson, elle vous fera irrésistiblement monter le sourire aux lèvres, pas un sourire cynique, non, mais un sourire tendre, joyeux, nostalgique, amusé, empathique.

    As time goes by… La vie passera comme un rêve, surtout si on a l’élégance, comme l’auteur de ces Pas perdus, de plonger dans sa mémoire et de regarder le passé et les autres avec bienveillance, lucidité, tendresse. Le livre, décidément, d’un« gentleman old school » qui reste finalement le « chef de village » d’un « petit port de pêcheurs isolé au sud de la France » (ceux qui ont vu « Une journée particulière » comprendront).

    Ces réjouissants Pas perdus s’achèvent par un hommage à la vie, une douce confusion entre cinéma et réalité, et par « Woody », évidemment par Woody dont le plaisir à mélanger fiction et réalité, l’enthousiasmante et enthousiaste curiosité, l’amour du cinéma et plus encore l’humour, décidément, le rapprochent tant. Leur lecture, elle, s’achève par l’envie de réécouter la chanson de ces Pas perdus et de retourner sur ce doux rivage bercé par le flux et le flot d’une mémoire composée d’oublis judicieux et de souvenirs drôles, élégants, émouvants. Pouvoir, inestimable, de ce doux « démon » de l’écriture que de rendre universelle une mélodie finalement très personnelle et que de rendre harmonieux tous ces souvenirs épars de 7 décennies. Partez vite trouver et entonner ces Pas perdus, savoureux et mélodieux tourbillon de (la) vie, de mots et de cinéma, « en-chanté » et enchanteur !

    Les Pas perdus Date de parution : le 24 Avril 2013 – Flammarion

    Suivez le Festival de Cannes 2013 en direct sur http://inthemoodforfilmfestivals.com, http://inthemoodlemag.com et http://inthemoodforcannes.com . A ne pas manquer également, en ce moment : « Phèdre » à la Comédie Française (retrouvez ma critique, en cliquant ici) et la sortie du DVD du 20ème anniversaire de « La Liste de Schindler », ce 9 avril, un chef d’oeuvre du « président » Spielberg (dont vous pouvez retrouver ma critique, en cliquant ici).

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  • Festival de Cannes 2013 - La bande-annonce finale de "Gatsby le magnifique" de Baz Luhrmann, film d'ouverture

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    Pour tout savoir sur "Gatsby le magnifique" de Baz Luhrmann, film d'ouverture du Festival de Cannes 2013, retrouvez mon article complet sur http://inthemoodforfilmfestivals.com en cliquant ici avec, notamment, la critique de la précèdente (et inoubliable) adaptation avec Robert Redford.

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  • « La Liste de Schindler » du "Président" Steven Spielberg – Edition 20ème anniversaire Blu-ray/ DVD

    « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg – Edition 20ème anniversaire Blu-ray/ DVD

    A l’occasion du 20ème anniversaire de sa sortie, « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg (dont je vous rappelle qu’il sera le Président du jury du 66ème Festival de Cannes) a été restaurée à partir de la copie 35 mm originale du film. Découvrez ce nouveau DVD/Blu-ray le 9 avril 2013 et retrouvez, ci-dessous, la critique de ce chef d’oeuvre indispensable.

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    Avant que Spielberg ne réalise « La liste de Schindler », long aura été le parcours pour aboutir à ce film. Un premier projet de film avait ainsi tout d’abord échoué. C’est Poldek Pfefferberg, un des 1100 Juifs sauvés par Oskar Schindler, qui devait raconter la vie de ce dernier. Un film sur Schindler basé sur ce récit devait même être tourné avec la Metro Goldwyn Mayer en 1963. Presque 20 ans plus tard, en 1982, l’écrivain Thomas Keneally écrivit le livre « La Liste de Schindler » après avoir rencontré Pfefferberg. C’est ce livre qui servira de base au film éponyme de Spielberg. Universal Pictures en acheta les droits. Spielberg rencontra Pfefferberg et voulut d’abord confier la réalisation du film à Roman Polanski qui refusa puis à Scorsese qui refusa à son tour. C’est ainsi que Spielberg décida de le réaliser en raison, notamment, du génocide en Bosnie : « La principale raison pour laquelle j’ai tenu à réaliser ce film sans plus tarder, c’est que la purification ethnique qui sévit en Bosnie me persuade de plus en plus de la ressemblance terrifiante de notre époque avec celle où se déroula la Shoah. Je n’avais jamais, dans aucun de mes films, décrit la réalité. Je consacrais toute mon énergie à créer des mondes imaginaires. Je crois que si j’avais inversé mon plan de travail et tourné en premier « La Liste de Schindler », je n’aurais jamais éprouvé le moindre désir de réaliser, ensuite, un film sur les dinosaures. » Spielberg ne demanda pas de salaire pour ce film, ce qui aurait été pour lui « l’argent du sang ».

    Suite au succès remporté par le film, Spielberg créa « la Fondation de l’Histoire Visuelle des Survivants de la Shoah », une organisation à but non lucratif qui rassemble des archives de témoignages filmés des survivants de l’Holocauste. L’argent récolté lui a également permis de produire des documentaires sur la Shoah pour la télévision comme « Anne Franck remembered » (1995), « The lost children of Berlin » (1996) « The Last days » (1998).

    Le film a été tourné entre mars et mai 1993, en soixante-douze jours, essentiellement dans le quartier de Kazimierz à Cracovie.

    C’est le 30 novembre 1993 que « La liste de Schindler » sortit en salles, soit trente ans après le premier projet de film sur Oskar Schindler. Cela valait la peine d’attendre. Un sujet comme celui-ci nécessitait talent, maturité, sensibilité, sobriété et travail de documentation. A chaque film sur l’Holocauste revient la même question : peut-on et doit-on faire une fiction d’une atroce réalité qui la dépasse ? Doit-on, pour transmettre l’Histoire, tenter de raconter l’indicible, forcément intransmissible ? Spielberg est-il parvenu à lever toutes les réticences ? Claude Lanzmann écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. »

    Synopsis : Oskar Schindler (Liam Neeson) est un industriel allemand, membre du parti nazi. Bon vivant, profiteur, époux infidèle, il ne semble avoir qu’une obsession : faire du profit, et faire retentir son nom. Tandis que les Juifs sont regroupés et enfermés dans des ghettos, il réussit à obtenir les capitaux nécessaires (provenant de la communauté juive) pour racheter une fabrique de casseroles. Il emploie une main d’œuvre juive bon marché dans son usine, afin de la faire prospérer, apparemment indifférent à l’horreur qui se déroule en dehors de son usine. Il faudra la liquidation du Ghetto de Cracovie, en mars 1943, sous les ordres du commandant SS Amon Göth (Ralph Fiennes) pour qu’il prenne conscience de l’ineffable horreur nazie…

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    La première scène nous montre Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore vu son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (« Por una cabeza » de Gardel), et d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il révèle tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.

    Un peu plus tard, Schindler n’hésitera pas à occuper l’appartement dont les occupants ont dû rejoindre le Ghetto. Il faudra que de son piédestal -des hauteurs du Ghetto, parti en promenade à cheval avec une de ses maîtresses- il observe, impuissant, le massacre du Ghetto de Cracovie. Il faudra que son regard soit happé par le manteau rouge d’une petite fille (Spielberg recourt à la couleur comme il le fera à cinq autres occasions dans le film) perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement, comme nous le découvrirons plus tard) pour qu’il prenne conscience de son identité, de l’individualité de ces juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché. Créer cette liste sera aussi une manière de reconnaître cette individualité, de reconnaître qu’à chaque nom correspond une vie sauvée. Sans doute la démarche d’une jeune femme qui lui demande plus tard de faire venir ses parents détenus à Plaszow parce qu’elle a eu écho de sa bonté, qu’il renvoie menaçant de la livrer à la Gestapo tout en lui donnant gain de cause, l’aura-t-elle incité à devenir celui pour qui on le prenait déjà, cet « homme bon », à faire retentir son nom, mais d’une autre manière (là encore, le paradoxe d’Oskar Schindler, il ne recevra pas la jeune femme la première fois, non maquillée et pauvrement vêtue mais seulement lorsqu’elle reviendra maquillée et avec d’autres vêtements). A partir de ce moment, il tentera alors avec son comptable Itzhak Stern (Ben Kingsley), de sauver le plus de vies possibles.

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    La scène précitée du massacre qu’observe Schindler est aussi nécessaire qu’insoutenable (une quinzaine de minutes) entre les exécutions, les médecins et infirmières obligés d’empoisonner les malades dans les hôpitaux pour leur éviter d’être exécutés, les enfants qui fuient et se cachent dans des endroits tristement improbables, l’impression d’horreur absolue, innommable, de piège inextricable, suffocant. La scène est filmée caméra à l’épaule (comme 40% du film) comme si un reporter parcourait ce dédale de l’horreur et, comme dans tout le film, Spielberg n’en rajoute pas, filme avec sobriété cette réalité reconstituée qui dépasse les scénarii imaginaires les plus effroyables. Des valises qui jonchent le sol, un amas de dents, de vêtements, une fumée qui s’échappe et des cendres qui retombent suffisent à nous faire comprendre l’incompréhensible ignominie. Les échanges, implicites, entre Schindler et le comptable Stern sont aussi particulièrement subtils, d’un homme qui domine l’autre , au début, à la scène deux hommes qui trinquent sans que jamais l’horrible réalité ne soit formulée.

    Le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de Johns Williams, et le message d’espoir malgré toute l’horreur en font un film poignant et magistral.

    « La liste de Schindler » a d’ailleurs reçu douze nominations aux Oscars en 1994 et en a remporté sept dont ceux du meilleur film, meilleur scénario adapté, meilleure direction artistique, meilleur réalisateur, meilleur montage, meilleure photographie et meilleure musique. Liam Neeson et Ralph Fiennes ont évidemment été tous deux nommés pour l’Oscar du meilleur acteur, pour le premier, et celui du meilleur second rôle masculin, pour le second, mais ce sont Tom Hanks, pour « Philadelphia », et Tommy Lee Jones, pour « Le Fugitif » qui les ont obtenus.

    Alors, pour répondre à la question initiale, oui, il faut et il fallait faire un film sur ce sujet car certes « un certain absolu de l’horreur est intransmissible », forcément, mais cela n’empêche pas d’essayer de raconter, de transmettre pour que justement cet absolu de l’horreur ne se reproduise plus. Ce film permet à ceux qui ont regardé avec des yeux d’enfants éblouis les autres films de Spielberg, d’appréhender une horreur que leurs yeux n’auraient peut-être pas rencontrée autrement, trop imperméables à des films comme « Nuit et brouillard » ou « Shoah ».

    Comme l’avait fait Benigni avec « La vie est belle » là aussi fortement contesté (retrouvez ma critique de « La vie est belle » en cliquant ici et celle de « Monsieur Klein » de Losey en cliquant là, deux films indispensables, revoyez également « Le Pianiste » de Polanski), Spielberg a choisi la fiction, mais n’a surtout pas occulté la réalité, il l’a simplement rendue visible sans pour autant la rendre acceptable. Une scène en particulier a pourtant suscité une relative controverse, celle lors de laquelle des femmes sont envoyées dans une « douche » à Auschwitz-Birkenau, ignorant si en sortira un gaz mortel. Quand la lumière s’éteint, c’est aussi la certitude du spectateur avant que l’eau ne jaillisse. Scène terrible et par laquelle Spielberg n’a en aucun cas voulu faire preuve d’un suspense malsain mais a brillamment montré quel pitoyable pouvoir sur les vies (parallèle avec le passionnant dialogue sur le pouvoir entre Schindler et Göth) détenait les tortionnaires des camps qui, d’un geste à la fois simple et horrible, pouvaient les épargner ou les condamner.

    « La liste de Schindler » est un film nécessaire et indispensable. Par le prisme du regard d’un homme avec tout ce que cela implique de contradictions (au sujet duquel le film a l’intelligence de ne jamais lever tout à fait le mystère) qui, d’indifférent devint un « Juste » et sauva 1100 juifs, il nous fait brillamment appréhender l’indicible horreur et montre aussi que des pires atrocités de l’humanité peuvent naitre l’espoir. Quand un sondage sidérant, à l’occasion de la commémoration des 70 ans de la Rafle du Vel d’Hiv, vient de révéler que 57% des 25-34 ans, 67% des 15-17 ans, ignorent tout de la Rafle du Vel d’Hiv (42% tous âges confondus) et (comment est-ce possible ?!) des films comme celui-ci continueront d’avoir leur raison d’être. C’est aussi un film sur le pouvoir, celui, pathétique et exécrable, de ceux qui en abusent ou de celui qui le détourne à bon escient, celui du cinéma, instrument du devoir de mémoire.

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    Un film dont vous ressortirez abattus, en colère, bouleversés mais aussi avec le sentiment que le pire peut transformer un homme et faire naitre l’espoir en l’être humain malgré les ignominies dont il peut se rendre capable ; et avec des images, nombreuses, à jamais gravées dans vos mémoires parmi lesquelles celle d’un manteau rouge, lueur tragique et innocente au milieu de l’horreur ou celle de la fin, ces pierres posées sur une tombe par des rescapés et acteurs pour remercier un homme pour toutes les vies qu’il aura sauvés et pour celles, qui grâce à sa liste, à ces noms et identités écrits et affirmés, auront pu voir le jour.

    Cliquez ici pour retrouver mes autres critiques de films de Spielberg et notamment de son dernier grand film » Lincoln ».

    Suivez le Festival de Cannes 2013 en direct sur http://inthemoodforfilmfestivals.com .

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  • LA CHAMBRE NOIRE # Factory 2013 par BELVEDERE au 66ème Festival de Cannes

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    En attendant la conférence de presse du festival avec l’annonce de la sélection dans 15 jours, un petit intermède dans l’actualité cinématographique pour vous présenter un des lieux phares des soirées cannoises.

     Pour la 7ème année consécutive, la vodka Belvedere est en effet présente durant la quinzaine cannoise avec LA CHAMBRE NOIRE # Factory 2013, un des lieux où j’apprécie le plus de me relaxer et de parler (évidemment) cinéma, chaque année, après une journée de projections, ou avant la montée des marches.

    Pour l’édition 2013, la chambre noire Factory 2013 a la bonne idée de revisiter les codes de la Factory et d’en donner sa propre version. La Chambre noire, cette année, se transforme ainsi en cabinet de curiosités créatif grâce à un mélange savant d’objets, de talents et de cultures et donne ainsi naissance à de nouvelles créations.

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    Deux talents ALINE et KEFFER seront ainsi mis à contribution et révèleront tout leur art au cours de la quinzaine cannoise. La première éclairera la Chambre noire tous les soirs de sa sélection groovie et pointue, seule ou accompagnée de ses amis, DJ’s selectors, talents de la musique et du cinéma. Chaque soir, de 19H à 21H30,  le second immortalisera les personnalités dans un studio photo exclusif. Chaque portrait sera ainsi agrémenté d’une projection holographique originale et jettera un œil nouveau au rendu artistique et décalé. Ce studio sera accessible uniquement sur invitation et sur rendez-vous, chaque jour, de 12h à 19H.

    Un bar dédié à la Mixologie sera également proposé. Des cocktails classiques seront ainsi réinterprétés avec des mets reconnus.

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    LA CHAMBRE NOIRE # Factory 2013 ouvrira ses portes au 1er étage de l’hôtel J.W Marriott Cannes, du 16 au 27 Mai.

     Pour tout savoir sur le Festival de Cannes 2013, rendez-vous sur mon nouveau site http://inthemoodforfilmfestivals.com et suivez le Festival de Cannes en direct de l'ouverture à la clôture et/ou devenez partenaires du site.

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  • Une nouvelle affiche de "Gatsby le magnifique" de Baz Luhrmann, film d'ouverture du Festival de Cannes 2013

    Cliquez sur l'affiche pour tout savoir sur le film d'ouverture et pour retrouver ma critique de l'adaptation de Jack Clayton.

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    Catégories : OUVERTURE (cérémonies/films) Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • L'affiche de la Semaine de la Critique 2013 avec Soko

    Cliquez sur l'affiche pour en savoir plus sur cette affiche:

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    Catégories : AFFICHES Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Critique de "Babel" "Babel" d'Alejandro Gonzales Inarritu (prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2006)

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    En attendant le programme du Festival de Cannes 2013 dont je vous rappelle que vous pourrez le suivre en intégralité sur mes sites http://inthemoodforfilmfestivals.com et http://inthemoodforcannes.com je vous propose un petit flash back sur le film de ce dernier qui avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006: "Babel", un de mes plus grands chocs cinématographiques cannois et, pour moi, un chef d'oeuvre. Le film sera projeté ce soir à 20H45 sur Ciné+ Emotion. Voici la critique que j'avais alors publiée:

    En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.

    Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au Festival de Cannes 2006 où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience. Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.

    Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.

    Le montage ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.

    medium_P80601087315038.jpgUn film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée. La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeune Japonaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes. Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.

    Le point de départ du film est donc le retentissement d'un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d'évènements qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais.

    Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.

    Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude.

    Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque, paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais, monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.

    medium_P80601161052655.jpgC’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage. Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville. Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert. Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière. Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.

    medium_P80601693016905.jpgMais toutes ces dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher. Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert.

    Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent. Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d'acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.

    La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, medium_P80601398560603.jpget qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit, par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre.

    Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.

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  • L'affiche de la Quinzaine des Réalisateurs 2013

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    Après l'affiche de la 66ème édition du Festival de Cannes dont je vous parlais vendredi dernier, ici, voici celle de la 45ème Quinzaine des Réalisateurs qui met, elle aussi, un homme et une femme à l'honneur, une affiche réalisée d’après une photographie de Cécile Burban et dont la conception graphique est de Michel Welfringer. Elle représente deux personnages au milieu du désert (paysage à la John Ford) et évoque l'idée d'aventure presque intemporelle grâce au savant contraste entre le désert (qui évoque le western) et les voitures (une relative modernité). Une nouvelle conquête cinématographique et un nouvel horizon à suivre et à découvrir du 16 au 26 Mai 2013. Retrouvez le site officiel de la Quinzaine des Réalisateurs: http://quinzaine-realisateurs.com .


     Suivez le Festival de Cannes 2013 en direct sur mes différents blogs : http://inthemoodforfilmfestivals.com , http://inthemoodlemag.com , http://inthemoodforcannes.com et sur twitter (@moodforcinema , @moodforcannes , @moodforfilmfest ).

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  • Réouvertur​e Mouton Cadet Wine Bar sur le toit du palais du Festiv​al de Cannes 2013

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    En attendant de nouvelles informations sur la programmation de ce 66ème Festival de Cannes, après la découverte de la splendide affiche dont je vous parlais vendredi, une petite note pour  vous informer de la la réouverture du Mouton Cadet Wine Bar lors du prochain Festival de Cannes.

    Le Mouton Cadet Wine Bar est un espace éphémère, situé sur le toit du Palais du Festival, qui accueille des célébrités et des événements de manière privilégié.

    Ce lieu exclusif mis en œuvre par le Groupe Baron Philippe de Rothschild a pour vocation de resserrer les liens avec le monde du cinéma (Mouton Cadet est fournisseur officiel du Festival depuis 22 ans) et des medias.

    Pour la troisième année consécutive, c’est au Mouton Cadet Wine Bar que se retrouveront les célébrités internationales. Face à la mer, sur le toit du Palais des Festivals, le Mouton Cadet Wine Bar sera, cette année encore, le lieu le plus exclusif de la Croisette.

    Ainsi, Robert de Niro, Jude Law, Clive Owen, Jean-Paul Belmondo, Bruce Willis ou encore Matthew McConaughey mais aussi Kirsten Stewart, Faye Dunaway, Jessica Chastain … et l’ensemble des membres du jury (très sensibles à la proximité du lieu) ont pu profiter de l’art de recevoir à la française.

    C’est également un lieu incontournable pour les médias internationaux puisque de nombreux press junkets y sont organisés (en 2012 : Paperboy, MUD, Moonrise Kingdom, Sur la route, Lawless …) et pour les professionnels en recherche d’originalité (en 2012 : Dîner privé HBO avec Nicole Kidman, Déjeuner de l’Association d’Entraide aux Cinéastes, Cocktail de fin de Festival pour le Jury ainsi que des reportages, émissions et interviews télévisés).

    Le Mouton Cadet Wine Bar a accueilli le dîner de l’équipe du Film Amour – Palme d’or 2012, César du Meilleur Film et Oscar du Meilleur Film Etranger 2012 - de Michael Haneke ainsi que la soirée du film The Hunt de Thomas Vinterberg avec Mads Mikkelsen – Prix d’Interprétation Masculine 2012.

    Baron Philippe de Rothschild et le Festival International du Film de Cannes : un partenariat historique

    Pour la 22ème année consécutive, la société Baron Philippe de Rothschild est le fournisseur officiel du Festival de Cannes. Les vins Mouton Cadet seront servis lors des dîners officiels d’ouverture et de clôture, et pourront être dégustés sur différents lieux de la croisette : l‘Hôtel Majestic et sa Plage, le Patio Canal +, le Nikki Beach et la Plage Orange…

     

     Suivez également le Festival de Cannes 2013 en direct ici et sur notre site http://inthemoodforfilmfestivals.com . Pour toute demande de partenariat, contactez-nous à inthemoodforcinema@gmail.com .

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  • Miguel Gomes, Président du Jury du Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2013

    Miguel Gomes

     

    Le réalisateur portugais Miguel Gomes présidera le jury long métrage de cette 52e édition de la Semaine. Entouré de quatre journalistes internationaux, il remettra comme ses prédécesseurs Bertrand Bonello (Aquí y allá de Antonio Méndez Esparza) et LEE Chang-dong (Take Shelter de Jeff Nichols) le Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique. Reconnu de ses pairs en s’imposant avec seulement trois films de long métrage, Miguel Gomes incarne parfaitement la mission qui est celle de la Semaine : découvrir de nouveaux auteurs à travers une première ou seconde œuvre et les révéler sur la scène internationale.

     

    « Je suis très fier de pouvoir aider un film en le primant » dit t-il. « Bien que je sois en train de terminer un court métrage et la préparation d’un prochain long métrage, c’est une expérience à laquelle je n’ai pas su résister. »

     

    Après des études à l’Ecole supérieure de théâtre et de cinéma de Lisbonne, Miguel Gomes publie de nombreux articles sur le cinéma dans la presse portugaise. Après plusieurs courts métrages, il signe en 2004 un premier long, La Gueule que tu mérites, suivi en 2008 de Ce cher mois d’août, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. En 2012, la Berlinale dévoile son troisième et somptueux long métrage, Tabou, un film sur la construction et le déclin de l'imaginaire occidental. Doublement récompensée du Prix de la critique internationale, la FIPRESCI, et du Prix Alfred-Bauer, cette œuvre magistrale témoignant d’une rare maturité de cinéaste fait l’unanimité.

     

    La Semaine ne pouvait rêver meilleur ambassadeur pour récompenser l’un des 7 réalisateurs en compétition. Modèle s’il en est d’une nouvelle génération de cinéastes internationaux, fervent cinéphile, ancien critique et réalisateur, Miguel Gomes se réjouit de remettre le Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique à l’un de ces nouveaux auteurs.

     

    « En tant que metteur en scène, Président d’un jury de critiques internationaux, j’ai l’intention d’être très démocratique et ouvert. Tous les films proposent un pacte avec le spectateur, il doit pouvoir y projeter son propre univers, sa propre sensibilité. Je vais essayer de trouver ce chemin dans ces premières œuvres »

     

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