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"In the mood for Cannes" lauréat du concours de blogs du Festival de Cannes 2008
Invitation reçue ce matin:
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Invitation reçue ce matin:
Pour la deuxième année consécutive, L'Oréal, partenaire officiel du Festival de Cannes depuis 11 ans organisait un concours de blogs consacrés au Festival de Cannes.
Après avoir été élu blog du jour les 15, 16, 21 et 23 Mai 2008, mon blog "In the mood for Cannes" consacré aux Festivals de Cannes 2007 et 2008 vient d'être élu meilleur blog du Festival de Cannes par le jury.
Je serai donc invitée au Festival de Cannes 2009 dans des conditions forcément ludiques et singulières et même "féériques" selon la gagnante de la première édition du concours Linda Chea.
Je suis ravie que ma passion, dévorante, pour le cinéma ait séduit le jury et me permette de revenir au Festival pour la 9ème année consécutive, dans des conditions exceptionnelles, en tout cas inédites, 9 ans après ma sélection au prix de la jeunesse.
A suivre sur "In the mood for Cannes" dans 11 petits mois!
En attendant vous pouvez continuer à suivre l'actualité cinématographique sur mes deux autres blogs : "In the mood for cinema" (mon blog principal consacré aux avant-premières, classiques du septième art, concerts, pièces de théâtre etc) et "In the mood for Deauville". (consacré au Festival du Cinéma Américain de Deauville auquel j'assisterai cette année pour la 15ème année consécutive).
Pour en savoir plus sur ce concours, rendez-vous sur le site de L'Oréal Cannes (http://www.lorealcannes.fr), catégorie "blogreporters".
En attendant le Festival de Cannes 2009 qui aura lieu du 13 au 24 Mai 2009, vous pouvez revoir la sélection Cannes Classics au Cinéma Le Latina à Paris, du 11 au 17 juin.
DU 11 AU 17 JUIN AU CINÉMA LE LATINA REPRISE EXCEPTIONNELLE D’UNE PARTIE DE LA SÉLECTION CANNES CLASSICS 2008
Cannes Classics met le rayonnement du Festival de Cannes au service du cinéma retrouvé, des copies restaurées et des ressorties en salles ou en DVD des grandes oeuvres du passé. Une partie de cette 5 e édition est reprise au Latina.
TOUKI BOUKI - LE VOYAGE DE LA HYÈNE (Sénégal – 1973 – 1h28)
De Djibril Diop MAMBÉTY, avec Magaye NIANG, Mareme NIANG, Aminata FALL…
Synopsis: À Dakar, où il est venu vendre son troupeau, un berger rencontre une étudiante. Tous deux rêvent de se rendre à Paris et tous les moyens leur sont bons pour se procurer l’argent du voyage… Un classique du cinéma africain, entre tradition et modernité, rêve et réalité.
SUSUZ YAZ (Turquie – 1964 – 1h25)
De Metin ERKSAN, avec Ulvi DOGAN, Erol TAS, Hülya KOCYIGIT…
Synopsis: Dans un village, deux frères se battent pour l’eau. Osman entoure la source qui jaillit de leur terrain pour empêcher les villageois de l’utiliser tandis que Hassan souhaite faire partager cette ressource parmi les habitants du village… Un chef-d’oeuvre du cinéma turc.
DE L’INFLUENCE DES RAYONS GAMMA SUR LE COMPORTEMENT DES MARGUERITES
(USA – 1972 – 1h40)
De Paul NEWMAN, avec Joanne WOODWARD, Estelle OMENS, Richard VENTURE…
Synopsis: Pour fuir l’ennui de sa morne existence, Beatrice Hunsforder passe l’essentiel de son temps enfermée chez elle à rêvasser, jusqu’à ce qu’elle découvre l’étrange influence des rayons gamma sur les marguerites… Un film culte des années 70 réalisé par l’acteur Paul Newman.
LES CENDRES DU TEMPS - ver sion redux (Hong-Kong – 1994 – 1h33)
De WONG Kar-Wai, avec Tony LEUNG, Leslie CHEUNG, Maggie CHEUNG…
Synopsis: Depuis que sa femme l’a quitté, Ouyang Feng vit seul dans le désert de l’Ouest, engageant des tueurs à gages experts en arts martiaux pour exécuter des contrats. Son coeur meurtri l’a rendu cynique et sans pitié… Un western chinois flamboyant signé Wong Kar-Wai.
PEPPERMINT FRAPPÉ (Espagne – 1968 – 1h32)
De Carlos SAURA, avec Geraldine CHAPLIN, Jose Luis LOPEZ VAZQUEZ, Alfredo MAYO…
Synopsis:Julian, médecin célibataire, tombe amoureux d’Elena, blonde et mariée à son ami d’enfance. Il se tourne alors vers Ana, son assistante brune qui ressemble étrangement à Elena, et la fétichise en un objet de son désir… Un hommage à Buñuel par Carlos Saura (Cria Cuervos…).
BONNIE & CLYDE (USA – 1967 – 1h52)
D’Arthur PENN, avec Warren BEATTY, Faye DUNAWAY, Gene HACKMAN…
Synopsis: La dramatique aventure de deux amants révoltés, Clyde Barrow et Bonnie Parker pendant la grande dépression des années trente aux États-Unis, inspirée par un fait réel… Un chef-d’oeuvre inusable et sauvage du cinéma américain, repris à l’occasion des 85 ans de la Warner Bros.
THE SAVAGE EYE (USA – 1960 – 1h07)
De Joseph STRICK, Sidney MEYERS et Ben MADDOW, avec Barbara BAXLEY, Gary MERRILL…
« Documentaire expérimental » sur Los Angeles racontant l’égarement d’une femme divorcée, le film décrit la désillusion des fifties... The Savage Eye est accompagné de Vétérans du massacre de
My-Lai (22 min), Oscar® du meilleur documentaire en 1971.
CINÉMA LE LATINA – 20, rue du Temple – 75004 PARIS – Tél : 01-42-78-47-86 – www.lelatina.com
IMPORTANT: A noter également, la palme d'or française "Entre les murs" de Laurent Cantet ne sortira finalement pas en salles en France le 15 octobre 2008 mais le 24 septembre 2008, date à laquelle la sortie a été avancée. Je vous engage vivement à y aller. Vous pouvez retrouver ma vidéo des réactions de la salle à l'issue de la projection et ma critique du film en cliquant ici.
Vous pouvez aussi continuer à suivre l'actualité cinématographique sur "In the mood for cinema" et bientôt le Festival du Cinéma Américain de Deauville sur "In the mood for Deauville".
Après L'Oréal, Le Monde.fr, ( à propos, pour ceux qui auraient repéré le changement de place d'In the mood for Cannes dans l'article de la Boîte à blogs du Monde et le retrait de sa place en tête d'article, je précise qu'il s'agit d'un problème de compatibilité avec le flux rss de ce blog), Radio France Bleu Ile-de-France et quelques autres, c'est la très sérieuse chaîne Public Sénat qui a choisi de mettre "In the mood for Cannes" à l'honneur (mais aussi mes deux autres blogs "In the mood for cinema" et "In the mood for Deauville") avec le prestigieux voisinage du site des Cahiers du Cinéma et du très complet site de référence Allociné, deux sites que j'apprécie par ailleurs.
L'interview a eu lieu dans les salons du cinéma du Panthéon, dans le 6ème arrondissement de Paris, un de mes cinémas fétiches,( lesquels salons à l'ambiance tamisée et propice aux divagations et rêveries cinématographiques, ont été décorés par Catherine Deneuve et sont parsemés de livres sur le cinéma ), sous l'oeil intrigué de Xavier Beauvois qui se trouvait là par hasard, de nouveau en pleine immersion cinématographique donc, ou bien peut-être encore dans l'irréalité cannoise, là où la frontière entre fiction et réalité est si fragile.
Je vous en reparle bientôt sur "In the mood for cinema" lors de la diffusion de l'émission. L'exercice est parfois réducteur comme sur la radio précitée où j'ai dû raconter cette anecdote sans grand intérêt sur les Ch'tis alors que j'aurais aimé parler de films plus "pointus" comme "Je veux voir" qui m'avaient enthousiasmée mais l'expérience demeure toujours instructive...
L'émission a été diffusée ce lundi à 18H35 et le sera de nouveau ce soir à 23H20, demain mardi à 1H55 et à 8H20. Vous pourrez également la retrouver sur la page de l'émission "Parlons blogs" de Public Sénat.
Trois jours après cette parenthèse cannoise enchanteresse et désenchantée, je lis les comptes-rendus dans les journaux comme une réalité qui me serait étrangère, lisse, lointaine, dépourvue de la frénésie grisante dans laquelle j’ai été immergée pendant 12 jours, « entre les murs » invisibles de la Croisette comme si, à l’image du film éponyme, aucune vie n’existait hors champ, hors les quelques mètres de cette bulle d’irréalité où les émotions, les frustrations, les joies réelles et cinématographiques procurant un sentiment d’éternité factice sont tellement disproportionnés, et où, comme dans le film éponyme, elles en révèlent tant sur le monde extérieur.
Cette année Cannes avait la frivolité coupable, le dérisoire utile, la dérision nécessaire. Dehors toujours les mêmes extravagances, la même Croisette insolemment insomniaque où se frôlaient, se heurtaient une faune inénarrable et volubile, une foule bigarrée aux déambulations unanimes, le même va et vient incessant de festivaliers exaltés, harassés, excessifs, cyniques, désinvoltes, las, aveugles et sourds à tout ce qui se déroule hors les murs de la Croisette.
Sur les écrans, une autre réalité parfois crue donnait bonne ou mauvaise conscience aux festivaliers leur jetant en pleine figure sur l’écran impitoyablement gigantesque du Grand Théâtre Lumière leur aveuglement les emmenant au Sri Lanka en plein tsunami ( « The third wave » de Alyson Thompson), au Malawi avec Madonna, « entre les murs » d’une école qui renvoie des échos graves et poétiques, drôles et violents d’une portée universelle, dans les prisons réelles ou fictives (parfois fictivement très réalistes), au propre comme au figuré que ce soit dans « Hunger » de Steve Mc Queen ou « Blindness » de Fernando Mereilles ou « Les 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan dont les titres évoquent même l’aveuglement ( les 3 singes font référence à la fable éponyme selon laquelle on choisit de nier la vérité en refusant de la voir, l’entendre ou d’en parler).
C’est d’ailleurs particulièrement significatif : 3 des films les plus intéressants et réussis de ce festival étaient des vrais ou faux documentaires (« Je veux voir », « La vie moderne », « Entre les murs »). Même des films qui n’en étaient pas comme « Le silence de Lorna » des Dardenne et « Il Divo » de Paolo Sorrentino sur Giulio Andreotti nous plongeaient dans une réalité sociale ou politique, la difficile condition des immigrés dans le premier cas, les ramifications obscures de la vie politique d’Andreotti dans le second.
Le cinéma, cette année, à Cannes, se devait d’être un témoignage avant d’être un voyage, il se devait d’être utile plutôt que d’être futile, ouvert sur le monde pour dénoncer son enfermement. Dans un monde enfermé, le cinéma a honte de s’évader, nous en évader et préfère nous éclairer en nous montrant sa face obscure qu’il a parfois niée ou à laquelle il a parfois surtout cherché à nous faire échapper.
A Cannes aussi, comme dans le monde extérieur que ses écrans reflètent, on se voit sans vraiment se rencontrer, on se rencontre sans vraiment se voir. Mais dans les deux univers, fictifs et réels, dans les salles du festival et en dehors, surgirent et persistent des images indélébiles et des émotions fortes, pêle-mêle : des rendez-vous joliment manqués, des retrouvailles réelles aux accents cinématographiques, des instants intemporels, une frontière de l’aube au romantisme ensorcelant et rassurant (même si désuet et désespérant pour certains), le regard inoubliable de Catherine Deneuve (égaré, puis reconnaissant, puis passionné, puis ouvrant sur un océan d’histoires et de possibles) au dénouement du magnifique « Je veux voir » (à mon avis le meilleur film de ce festival) , des cris déchirants et poignants jetés à la face du monde par le miroir grossissant magique et si puissant de l’écran, des applaudissements effrénés, le regard juvénile et l’enthousiasme du centenaire Manuel de Oliveira, des destins qui se frôlent, s’échappent et s’envolent, la beauté cruelle, contemplative, magnétique, poignante et picturale du film de Nuri Bilge Ceylan, la réalisation époustouflante, vertigineuse et l’humour noir décapant du portrait qui l’était tout autant d’Andreotti dans « Il Divo », l’amour inconditionnel dans « Le silence de Lorna » et l’interprétation magistrale d’Arta Dobroshi, la singularité touchante du personnage de Joaquin Phoenix dans le passionnel « Two lovers » de James Gray, la grâce et la violence et l’humanité et l’ambivalence humaine d’Entre les murs et de son interprète principal, le regard magnétique de Clint Eastwood, la passion communicative de Quentin Tarantino et l’ambiance électrique de sa leçon de cinéma, les instants de vérité désarçonnant de la « Vie moderne » de Raymond Depardon, la gravité de Sean Penn, toute cette folie excessive et dérisoire, grandiose et futile que des mots ne sauraient retranscrire, des instants « truffaldiens » inestimables, sublimés, felliniens, vains, implicites, rêvés peut-être, la folie Indiana Jones, l’oubli du lendemain, de la fin dans une valse étourdissante d’infini illusoire et de vie cinématographique, un conte d’été à l’image de celui de noël : parfois aussi féroce et virevoltant. 12 journées denses, enrichissantes, exaltées et exaltantes, une cérémonie d’ouverture agréablement impromptue, de belles réminiscences, bref 12 jours « in the mood for Cannes ».
A Cannes, sans doute, déjà, la mer a retrouvé son horizon bleuté débarrassée des yachts qui l’obscurcissaient, le tapis couleur pourpre qui recouvrait les marches les plus célèbres du monde a été enlevé, les plages ont retrouvé le goût du silence, les passants se sont clairsemés et ont retrouvé un rythme normal comme si tout cela n’avait jamais existé… et après tout cela semblait parfois si irréel que nous avons peut-être tout simplement rêvé…
Vous pourrez continuer à suivre l’actualité cinématographique sur mon autre blog « In the mood for cinema » (http://monfestivalducinema.hautetfort.com ) avec notamment de nouveaux articles sur les films cannois notamment lorsqu’ils sortiront en salles en France. Je vous reparlerai également des « 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan auquel je n’ai pas consacré l’article que ce très beau film aurait mérité.
En septembre, vous pourrez suivre le Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct sur mon blog « In the mood for Deauville » avec des comptes-rendus à l’image de ceux de ce Festival de Cannes 2008 ( http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com ) et dès le mois de juin vous pourrez y lire les premiers échos concernant le jury et la programmation. Vous pouvez d’ores et déjà y trouver toutes les informations pratiques concernant le Festival ainsi que mes comptes-rendus des éditions précédentes.
Je vous rappelle que vous pouvez voir ou revoir les films des sélections parallèles 2008 du festival à Paris: de la Quinzaine des Réalisateurs au Cinéma des Cinéastes et les films de la sélection Un Certain Regard au Reflet Médicis du 28 Mai au 3 Juin ainsi que la Semaine de la Critique du 3 au 8 Juin à la Cinémathèque française.
Merci à ceux, plus nombreux que jamais cette année, qui ont suivi le festival sur « In the mood for Cannes ». Merci au prestigieux LeMonde.fr, au glamour site de L’Oréal, au sympathique Radio France Ile-de-France, au passionnant et prolifique site des étudiants en journalisme de Science-po, et quelques autres pour les échos retentissants qu’ils ont donnés à ce blog.
Je vous invite à laisser ci-dessous vos commentaires sur le palmarès 2008 (que vous pouvez trouver dans mon article plus bas) ainsi que vos commentaires et suggestions sur ce blog.
A l’année prochaine…si je le vaux et veux bien…
En attendant, je rentre dans ma réalité avec la passion du cinéma, toujours aussi dévorante, irrépressible, et surtout avec la passion de rêver, de croire à l’impossible et de savoir et vouloir l’imaginer.
Vive le cinéma !
Les films du Festival de Cannes 2008 recommandés par « In the mood for Cannes » :
Voici les 9 films parmi les 20 que j’ai vus cette année que je vous recommande vivement même si, pour la première fois, cette année, je n’ai pas eu de véritable coup de cœur... Vous pouvez lire mes critiques de ces films sur ce blog:
-« Les 3 singes » de Nuri Bilge Ceylan
-« Le silence de Lorna » de Jean-Pierre et Luc Dardenne
-« Two lovers » de James Gray
-« La frontière de l’aube » de Philippe Garrel
- « Il Divo » de Paolo Sorrentino
- « Entre les murs » de Laurent Cantet
-« La vie moderne » de Raymond Depardon
-« Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige
« Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal » de Steven Spielberg
Il y a quelques heures Sean Penn a dévoilé le palmarès du jury du 61ème Festival de Cannes qu’il a présidé : un palmarès éclectique sans être consensuel et qui surtout, a permis que, 21 ans après la dernière palme d’or française à savoir celle de « Sous le soleil de Satan » de Maurice Pialat, la palme d’or soit attribuée à un film français : « Entre les murs » de Laurent Cantet dont je vous parlais avec enthousiasme hier (vous pouvez également retrouver dans mon article d’hier les vidéos des réactions du public à l’issue de la projection).
Cette palme d’or me ravit : ce film allie savamment humour et gravité, captant la poésie et la violence du quotidien, et est aussi d’une certaine manière peut-être le film le plus violent du festival comme l’a dit Jeanne Balibar lors de la conférence de presse du jury, un film qui a terminé en beauté cette sélection 2008 certes de moindre qualité que celle de l’année précédente, après une édition également moins festive qui n’en a pas moins été particulièrement intéressante et instructive sur le monde qu’elle a reflété. Un film dont je vous parlerai à nouveau prochainement avec le recul nécessaire.
Pour justifier la palme d’or, Sean Penn, lors de la conférence de presse du jury a ainsi évoqué la générosité qui s’en dégageait. Marjane Satrapi quant à elle a déclaré : "Ce fut notre coup de cœur à nous tous. C’est un film qui va au-delà de la banlieue, au-delà de l’école, et qui posait la vraie question de la démocratie, de tous ces gens qui cohabitent ensemble sans donner de réponse en plus. Souvent, vous voyez un professeur qui règle tous les problèmes à la fin comme par miracle. Dans ce film, il n’y a pas de réponses mais toutes les questions que l’on se pose. C’était aussi les qualités du jeu et ce réalisme évident. J’étais une fervente admiratrice de ce film." Pour Sean Penn: "L’une des raisons pour lesquelles nous avons pris une décision unanime, c’est qu’on a commencé par l’art cinématographique. C’est un film sans coutures : l’interprétation, l’écriture, tout était magique, les provocations, la générosité. Cela correspond à tout ce que vous souhaitez au cinéma. En plus de cela, et à cause des problèmes que ce film aborde, grâce aussi à l’opportunité de ses sujets, dans un monde qui a faim, qui a besoin d’éducation, qui cherche une voix, ce film nous a beaucoup touchés." Lorsqu’il a reçu son prix Laurent Cantet a déclaré qu’il avait voulu faire un film « multiple, foisonnant, complexe » et c’est indéniablement réussi… à en croire les réactions du public pendant et après la projection, et à en croire le choix unanime du jury.
Le prix de la mise en scène à Nuri Bilge Ceylan me ravit également (je reviendrai sur ce film ces prochains jours), mon premier coup de cœur de cette compétition 2008. Le réalisateur a dédié son prix à son pays qu’il « aime passionnément ». Son film illustre parfaitement les propos de préambule de Faye Dunawaye concernant le prix de la mise en scène : « Un réalisateur doit être responsable pour chaque scène du film » paraphrasant ainsi Tarantino lors de sa leçon de cinéma. Un prix qui aurait également pu revenir à « Il Divo » auquel le jury a préféré remettre le prix du jury également mérité et qui, avec « Gomorra » récompensé du Grand Prix, signe le retour du cinéma italien à Cannes, et sur la scène cinématographique.
Deux ans après leur dernière palme d’or pour « L’enfant », les frères Dardenne figurent de nouveau au palmarès cette fois avec le prix du scénario, un prix significatif pour des cinéastes dont on reconnaissait toujours d’abord les qualités de metteur en scène oubliant à quel point leurs scénarii étaient ciselés tant l’aspect documentaire de leurs films occulte que cela a été écrit nous donnant le sentiment d’une réalité prise sur le vif.
Le prix d’interprétation masculine a été remis par le jury à l’unanimité de même que la palme d’or. Je ne me prononcerai pas sur le premier attribué à Benicio Del Toro (qui a dédié son prix au Che qu’il incarne) n’ayant pas vu « Che » de Soderbergh ni sur le prix d’interprétation féminine n’ayant pas non plus vu le film de Walter Salles et Sandra Thomas pour lequel Sandra Corveloni a été récompensée. (Me trompé-je où une certaine inquiétude s’est alors lue dans le regard de Catherine Deneuve qui a alors dû s’interroger sur la raison pour laquelle le festival lui avait demandé de revenir ? ). Walter Salles a ainsi déclaré : « Je suis fière de faire partie d’une profession qui est le reflet d’une nation sur la toile du cinéma ».
Le prix (prix spécial du 61ème Festival de Cannes) de Catherine Deneuve (c’était donc cela !) et Clint Eastwood (photo ci-contre de Clint Eastwood prise par "In the mood for Cannes" lors de l'hommage à Manuel de Oliveira)était aussi un symbole fort envers deux monstres sacrés du cinéma, envers le mythe que Cannes a longtemps surtout symbolisé, envers un autre cinéma, celui de nos rêves d’enfant dont je vous parlais d’ailleurs en ouverture. L’émotion de Catherine Deneuve était palpable, on aurait aimé que la salle se lève comme elle l’a fait pour Robert De Niro, au-delà de l’actrice c’est le symbole de tout un pan de l’Histoire du cinéma mais aussi de sa capacité à se renouveler, à s’adapter aux évolutions du monde qui étaient ainsi récompensés. Il peut paraître un peu étrange que Sean Penn et son jury aient mis sur le même plan Catherine Deneuve et Clint Eastwood l’une étant venue à Cannes en tant qu’actrice et l’autre en tant que réalisateur. Le Président du jury a ainsi justifié ces deux prix spéciaux :
"Je pense que eux (Catherine Deneuve et Clint Eastwood), et quelques autres dans le monde du cinéma, représentent la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans ce métier. Quand on est dans ce milieu depuis aussi longtemps et que l’on reste inventif, créatif, que l’on continue à élever son niveau, je considère cela comme un encouragement pour nous autres. Je ne parlerai pas de dette à leur égard. Nous devons reconnaître le poids qu’ils ont apporté au Festival et à notre travail."
A noter également que « Hunger » de Steve Mc Queen a reçu le prix de la caméra d’or (qui récompense un premier long-métrage) présidé par Bruno Dumont, un film qui a fait l’ouverture de la sélection Un Certain Regard (dont je vous ai également parlé, voir mon article plus bas) dont la radicalité était destinée à plaire au président dudit jury. Bruno Dumont s’est ainsi dit « impressionné par la vitalité, la qualité, la liberté » de certains films présentés et que c’était rassurant pour le cinéma. Il a salué en Steve Mc Queen « la naissance d’un très grand metteur en scène » primé pour sa « grâce », pour la puissance de son cinéma, sa « capacité à élever l’Histoire et le spectateur qui le regarde ».
La tension et l’émotion qui se lisaient dans le regard et les rictus innommables du Président du jury pendant tout le palmarès contrastaient avec la joyeuse désinvolture décalée du maître de cérémonie Edouard Baer qui a notamment ironiquement salué le jury en disant qu’il avait « rarement vu un jury aussi joyeux » ou encore en ironisant sur « l’être humain en chaque membre du jury », soulignant ainsi le caractère dérisoire de la folie cannoise. Tout juste Sean Penn a-t-il dit avec humour( !) qu’il dirait distinctement le nom des films ne l’ayant pas compris la fois où lui-même avait été nommé.
Il me faudra certainement plusieurs jours avant d’émerger de la bulle d’irréalité cannoise, avant de pouvoir vous faire ici un nouveau bilan de ce festival avec le recul nécessaire (et évoquer notamment de nouveau cette palme d'or 2008 comme elle le mérite), avant de pouvoir évoquer toutes les émotions qu’il a suscitées et cristallisées. N’hésitez donc pas à revenir sur « In the mood for Cannes ». De nouveaux articles seront mis en ligne à partir de mercredi sur ce blog pour évoquer tout ce que l’effervescence cannoise ne m’a pas laissée le temps de vous raconter avec la distance indispensable pour le faire.
Ci-dessus, souvenirs de mon dîner de clôture, là où j’ai croisé les équipes de « Gomorra » et des « Trois singes » applaudies par les convives, derniers sursauts grisants d’irréalité cannoise…
Sandra.M
PALMARES DETAILLE DU 61ème FESTIVAL DE CANNES
EN COMPETITION - LONGS METRAGES
Palme d'Or
ENTRE LES MURS de / by Laurent Cantet
Grand Prix
GOMORRA de / by Matteo Garrone
Prix du 61e Festival de Cannes
Catherine Deneuve dans / for UN CONTE DE NOËL de / by Arnaud DESPLECHIN
Clint Eastwood pour / for L’ÉCHANGE (The Exchange)
Prix de la mise en scène
ÜÇ MAYMUN (Three Monkeys / Les Trois Singes) de / by Nuri Bilge Ceylan
Prix du Jury
IL DIVO de / by Paolo Sorrentino
Prix d'interprétation masculine
Benicio Del Toro dans / for CHE de / by Steven SODERBERGH
Prix d'interprétation féminine
Sandra Corveloni dans / for LINHA DE PASSE de / by Walter SALLES, Daniela THOMAS
Prix du scénario
LE SILENCE DE LORNA de / by Jean-Pierre et Luc DARDENNE
EN COMPETITION - COURTS METRAGES
Palme d'Or
MEGATRON de / by Marian Crisan
Prix du Jury
JERRYCAN de / by Julius Avery
CAMERA D'OR
HUNGER de / by Steve McQueen (Un Certain Regard)
Mention Spéciale Caméra d'Or
VSE UMRUT A JA OSTANUS (Ils mourront tous sauf moi) de / by Valeria Gaï GUERMANIKA (Semaine Internationale de la Critique)
UN CERTAIN REGARD
Prix Un Certain Regard - Fondation Gan pour le Cinéma
TULPAN de / by Sergey Dvortsevoy
Prix du Jury
TOKYO SONATA de / by Kurosawa Kiyoshi
Coup de Coeur du Jury
WOLKE 9 de / by Andreas Drese
Le K.O. du Certain Regard
TYSON de / by James Toback
Prix de l'espoir
JOHNNY MAD DOG de / by Jean-Stéphane SAUVAIRE
CINEFONDATION
Premier Prix de la Cinéfondation
HIMNON (Hymne) de / by Elad Keidan (The Sam Spiegel Film and TV School, Israël)
Deuxième Prix de la Cinéfondation
FORBACH de / by Claire Burger (La fémis, France)
Troisième Prix de la Cinéfondation
STOP de / by Park Jae-ok (The Korean Academy of Film Arts, Corée du Sud)
KESTOMERKITSIJÄT (Signalisation des routes) de / by Juho Kuosmanen (University of Art and Design Helsinki, Finlande)
Je ne dispose que de quelques minutes pour faire un premier bilan de cette édition 2008 sur lequel je reviendrai bien évidemment. Je précise au préalable que je n’ai vu que 11 des 22 films en compétition, ce qui relativise par conséquent ce bilan, néanmoins les films que j’ai vus (je pourrais d’ailleurs en dire autant de ceux projetés à « Un Certain Regard ») s’inscrivent dans la lignée de ce qu’évoquait Sean Penn en début de festival à savoir qu’il souhaitait primer des films qui montrent que leurs réalisateurs ont conscience du monde dans lequel ils vivent. Non seulement ils en ont conscience mais cherchent à nous en faire prendre conscience en recourant le plus souvent à un style très réaliste, proche du documentaire et que le film des frères Dardenne « Le silence de Lorna » incarne à la perfection et dont il incarne la perfection. Une troisième palme d’or est-elle envisageable pour les deux frères belges ? En tout cas un prix d’interprétation pour la jeune actrice Arta Dobroshi serait amplement mérité et une palme d’or ne serait pas non plus volée pour ce film qui reste un de mes favoris de cette édition 2008 (que je trouve globalement moins bonne et surtout moins diversifiée que l’édition 2007).
Le choix sera donc sans doute d’autant plus cornélien que tous les films ou presque peuvent entrer dans cette définition de « conscience du monde ».
Les palmes des festivaliers et de la presse sont pour le moment : « L’échange » de Clint Eastwood, « Un Conte de noël » d’Arnaud Desplechin et « Entre les murs » de Laurent Cantet.
Les films de cette année évoquaient souvent le thème de l’enfermement ( que de plans derrière des barreaux !), l’aveuglement au sens propre comme au figuré, la difficulté de communication (le thème de « Babel » sans le talent d’Inarritu). Par conséquent les films qui s’évadaient de ces thèmes comme « Two lovers » de James Gray et « La frontière de l’aube » de Philippe Garrel, et malgré la noirceur du dernier que je continue à défendre, constituaient une salutaire respiration. Je continue à souhaiter à ce dernier un grand prix ou un prix du jury ou pourquoi pas une palme d’or qui ne manquerait pas de diviser les festivaliers qui ont hué et méprisé ce film qui n’en méritait pas tant.
« My magic » de Eric Khoo que je n’ai pas eu l’occasion de voir mais dont j’ai reçu de nombreux échos enchantés, film poétique en décalage avec le reste de la sélection pourrait aussi emporter l’adhésion du jury.
Pour la mise en scène « Les trois singes » et la réalisation picturale et envoûtante de Nuri Bilge Ceylan (qui pourrait aussi mériter un prix du scénario, un grand prix ou un prix du jury) et la réalisation époustouflante de « Il Divo » figurent parmi mes favoris… Clint Eastwood est également un sérieux prétendant au titre pour « L’échange ».
Pourquoi ne pas aussi remettre deux prix d’interprétation féminine : un à Angelina Jolie, récompensant ainsi indirectement Clint Eastwood et un cinéma plus académique et « hollywoodien » (qui n’en a d’ailleurs pas moins une résonance politique et qui, à cet égard, correspond également aux vœux de Sean Penn quant aux films primés) et en même temps l’actrice du « Silence de Lorna », Arta Dobroshi, récompensant ainsi un cinéma au style radicalement différent, réaliste et non moins poignant.
Il pourrait d’ailleurs en aller de même pour le prix d’interprétation masculine (une double récompense récompensant deux sortes de cinéma)… Concernant le prix d'interprétation féminine les actrices de deux films que je n'ai pas vus: "Leonera" et "La femme sans tête" figurent aussi parmi les favoris des festivaliers.
Pour le prix d’interprétation masculine, les prétendants au titre sont nombreux (Benicio del Toro pour Che, « Toni Servillo » pour « Il Divo », pourquoi pas François Bégaudeau pour « Entre les murs », manière singulière de primer ce film qui repose essentiellement sur le talent d’auteur de ce dernier, mais aussi d’interprète, d’ailleurs dans tous les sens du terme, interprète des fragilités du monde dont il a lui aussi pleinement conscience et sait avec brio nous faire prendre conscience, ou encore parmi les prétendants Phillip Seymour Hoffman même si je suis restée totalement hermétique à ce film prétentieux, une récompense à Mathieu Amalric ne serait pas non plus à exclure, une autre manière de distinguer « Un conte de noêl », qui a tant charmé les festivaliers ) même si ma préférence va à Joaquin Phoenix pour « Two lovers ». Le primer permettrait par ailleurs de faire un clin d’œil à un cinéma moins réaliste et social que celui que le reste du palmarès mettra probablement en valeur si on se fie aux dires du président du jury.
Il est aussi difficile d’imaginer que « Entre les murs » (Grand prix ? Prix du jury ?) reparte bredouille même si on imagine toute la difficulté de la traduction à transcrire toutes les subtilités de la langue française et de ses décalages ici au centre du film.
« Waltz with Bashir » d’Ari Folman que je n’ai pas vu figure également parmi les favoris, notamment en raison de sa portée politique. Il serait étonnant que la palme d’or soit attribuée à un film d’animation et la palme d’or est finalement rarement surprenante mais un prix du jury ou un grand prix ou un prix du scénario sont également probables.
Pourquoi ne pas non plus attribuer la palme d’or à un film chinois comme « 24 city » de Jia Zhang Ke, signe fort envers un pays actuellement dramatiquement (et doublement) au centre de l’actualité et envers un cinéaste particulièrement talentueux sans concessions pour son pays et n'oublions pas que la palme d'or, ces dernières années, a toujours eu une portée sociale et/ou politique (d'où également une potentielle troisième palme d'or pour les Dardenne).
Ce ne sont là que quelques pistes que je n’ai pas le temps d’approfondir en précisant de nouveau que je n'ai vu que 11 films sur 22. Je précise que je n’ai pas eu le temps d’évoquer sur ce blog tous les films vus lors de ce Festival, j’y reviendrai bien évidemment à mon retour notamment sur le remarquable « La vie moderne » de Raymond Depardon, sur « Une histoire italienne », sur « Un Conte de noël » et quelques autres ainsi que sur les moments marquants de ce festival que je n'ai pas toujours eu le temps d'évoquer, emportée par le tourbillon et la frénésie festivaliers.
J’analyserai également bien entendu en détails ce palmarès qui sera dans tous les cas passionnant, peut-être déroutant et évidemment particulièrement attendu et ausculté.
Réponses ce soir à 19H15. La cérémonie sera de nouveau présentée par Edouard Baer et la palme d’or remise par Robert De Niro.
Ci-dessous, pour patienter en attendant le palmarès, quelques photos supplémentaires de cette édition 2008 et de la Croisette…
Hier avait lieu la projection du dernier film français en compétition, après « Un Conte de noël » d’Arnaud Desplechin et « La Frontière de l’aube » de Philippe Garrel : « Entre les murs » adapté du roman éponyme de François Bégaudeau qui y interprète ou plutôt recrée son propre rôle.
Synopsis : François est un jeune professeur de français d’une classe de 4ème dans un collège difficile. Il n’hésite pas à affronter ses élèves dans de stimulantes joutes verbales. Mais l’apprentissage de la démocratie peut parfois comporter de vrais risques...
Rarement une projection de cette édition 2008 aura suscité autant d’enthousiasme, se manifestant notamment par 6 minutes d’applaudissements à la fin de la projection mais aussi par des rires et des applaudissements ayant ponctué celle-ci.
Entre documentaire et fiction « Entre les murs » s’inscrit pourtant dans la lignée des films présentés cette année, du moins de par son sujet très réaliste, un film dont il est amusant de constater que son titre cette fois encore évoque l’idée d’enfermement, leitmotiv des films de cette édition 2008, mais aussi par sa forme très proche du documentaire (proche également du faux documentaire comme « Je veux voir » dont je vous ai déjà parlé il y a quelques jours).
Comme son titre l’indique, Laurent Cantet ne fait jamais sortir ses personnages de l’enceinte de l’établissement mais ce qui s’y déroule est là encore un miroir du monde, une fenêtre ouverte sur ses « fracas » : l’exclusion culturelle et sociale notamment, les expulsions d’étrangers...
Les joutes verbales palpitantes et si révélatrices entre les élèves et le professeur nous rappellent « L’esquive » d’Abdellatif Kechiche, le langage étant également ici un des acteurs principaux : révélateur des tensions, incompréhensions de la classe, entre le professeur et ses élèves mais aussi du monde qu'elle incarne.
Le professeur n’est jamais condescendant ni complaisant avec ses élèves, les échanges qu’il a avec eux sont à la fois graves et drôles, tendres et féroces.
Laurent Cantet filme au plus près des visages tantôt le professeur tantôt les élèves qui parlent mais aussi ceux qui rêvassent, s'évadent des murs, jouent avec leurs portables... nous immergeant complètement dans la vie de cette classe dont la résonance va bien au-delà.
Laurent Cantet ne « victimise » ni les élèves ni les professeurs, il filme simplement deux réalités qui s’affrontent verbalement et qui dépassent parfois ceux qui la vivent.
Le tournage a été précédé d’une année d’ateliers d’improvisations et les « acteurs » sont de vrais élèves, parents d’élèves, professeurs, administratifs de l’école : le résultat est bluffant de réalisme. Filmant avec discrétion, sans esbroufe, mais toujours au service de ses protagonistes, Laurent Cantet nous dresse à la fois un portrait subtile du monde d’aujourd’hui mais aussi celui d’un professeur avec ses doutes, ses découragements, qui met les adolescents face à leur propre limites, se retrouvant parfois face aux siennes, n’excluant pas le dérapage dont le langage est une nouvelle fois le témoignage.
La tension et notre attention ne se relâchent jamais. En filmant un microcosme qui se révèle être une formidable caisse de résonance du mur qui se dresse entre le professeur et ses élèves, qui s’abat parfois le temps d’un inestimable instant, mais aussi de tout ce qui se déroule derrière les murs et que la caméra insinue avec beaucoup de subtilité, Laurent Cantet a signé un film fort sur la fragilité du monde d’aujourd’hui et sur ses fragilités dont l’école est le témoignage et le réceptacle. S'il nous montre qu'élèves et professeurs ne parlent bien souvent pas le même langage, il les humanise et filme leurs fragilités, leurs dérapages avec autant d'empathie qu'ils soient élèves ou professeurs, ce qui les humanise encore davantage.
Dire que François Bégaudeau interprète son propre rôle avec beaucoup de talent pourrait paraître ironique et pourtant il est probablement difficile de recréer sa propre réalité en lui donnant un tel sentiment de véracité.
Des murs entre lesquels le spectateur ne se sent jamais à l’étroit, toujours impliqué, conquis par ce film passionnant, qui traduit l'universel à travers l'intime. Un grand prix ou un prix du jury en perspective ? En tout cas une des palmes d’or des festivaliers !
Ci-dessous les réactions du public à l'issue de la projection de 16H dans le Grand Théâtre Lumière en présence de l'équipe du film.
Sandra.M
En attendant mes "pronostics" et mon article sur "Entre les murs" de Laurent Cantet dont je peux d'ores et déjà vous dire qu'il a été particulièrement acclamé (images bientôt sur "In the mood for Cannes"), quelques vidéos de la montée des marches pour la vivre comme si vous y étiez...
Voilà ce qui, de l’avis général, faisait défaut au Festival de Cannes cette année : une controverse et de l’effervescence. Pour le second élément il est vrai qu’il était difficile de rivaliser avec l’exemplaire 60ème anniversaire. Pour le premier, encore que le terme soit un peu fort, il y a eu « La Frontière de l’aube » de Philippe Garrel.
Il a en effet été hué lors de ses projections au « Grand Théâtre Lumière » et méprisé lors de la séance du lendemain dans la salle du 60ème pour la première fois à moitié vide ! Quelle curiosité exemplaire des festivaliers se fiant davantage à la rumeur qu’à leur propre opinion, condamnant avant d’avoir entendu l'argumentaire de l'accusé. C’est donc particulièrement intriguée que je suis allée voir ce film, deuxième film français de la compétition, curieuse de découvrir quelle ignominie pouvait susciter un tel rejet du public, un tel lynchage médiatique.
Synopsis : Une star (Laura Smet) vit seule chez elle, son mari est à Hollywood et la délaisse. Débarque chez elle un photographe (Louis Garrel) qui doit la prendre en photo pour un journal, faire un reportage sur elle. Ils deviennent amants. Ils vont habiter deux semaines à l’hôtel pour faire ce reportage et repassent de temps en temps à l’appartement de la star.
Nous sommes d’abord chaleureusement envoûtés par le noir et blanc, par le charme savoureusement désuet et intemporel de la photographie qui magnifie les visages (la fièvre contenue et ravageuse et le désarroi de Laura Smet, le romantisme mélancolique de Louis Garrel), ausculte leurs basculements, leurs tourments, leurs fragilités. Un noir et blanc en hommage à Cocteau et à la Nouvelle Vague à laquelle Philippe Garrel empreinte un style elliptique et un ton décalé qui nous embarque dans son au-delà surréaliste et contribue à cette intemporalité. Les amants ne s’envoient pas de textos ou d’emails mais des lettres. Amants d’aujourd’hui, d’hier, de demain : éternels.
Ce qui m’a charmée dans ce film qui a le mérite de ne ressembler à aucun autre de la compétition (et il faut l’avouer, la plupart des films brassent les mêmes thèmes, dans un style relativement similaire ) est probablement ce qui a agacé la majorité des festivaliers : son aspect littéraire (mais alors pourquoi glorifier Desplechin qui emploie , certes différemment, le même procédé ?), sa lenteur qui donne le temps au temps, le temps de s’imprégner de la mélancolie des personnages, son romantisme sans concessions, son aspect surréaliste et sa façon de saisir et juxtaposer des instants.
« La frontière de l’aube » est vaguement inspiré d’une nouvelle de Théophile Gautier « Spirit » : un mythe romantique dans lequel les protagonistes se rejoignent dans la mort pour vivre dans l’éternité. Avec une poésie désenchantée, entre rêve et réalité, éternité et intemporalité, bonheur bourgeois et bonheur éternel, Philippe Garrel, réfutant tout cynisme, nous redonne le goût de ce que le cinéma d’aujourd’hui s’acharne à nier, par un excès de réalisme et de réalité,: celui de croire en des amours éternels dont la littérature s’arroge désormais l’exclusivité, et encore.
Un film aux frontières de la réalité, de la folie, de la mort sur la passion dévastatrice. L’aube : une heure incertaine, velléitaire mais qui de toute façon donnera naissance au jour, à l’espoir tout comme cet amour fatal est porteur d’une beauté à la fois sombre et lumineuse .
Philippe Garrel a également le mérite d’assumer : son titre nous plonge d'emblée dans son univers revendiqué, celui d’un conte poétique. Les contes de noël sont semble-t-il plus nobles, plus flatteurs pour ceux qui les apprécient. Oui, Desplechin flatte finalement le spectateur, par des références multiples et redondantes, lui donnant le sentiment (réel ou illusoire) de son intelligence, et lui donnant par sa dérision le sentiment, éloge semble-t-il suprême, de sa bonne cyniquitude (j'ai le droit d'utiliser des néologismes:-)), de son insensibilité à un romantisme forcément mièvre, dépassé, ridicule. Philippe Garrel nous prouve pourtant le contraire avec ce film intemporel.
Un film sombre à la poésie lumineuse et enchanterresse qui mériterait de figurer au palmarès.
Tel est aussi le cas de « Il divo » de Paolo Sorrentino vu hier soir dont la réalisation époustouflante justifierait un prix de la mise en scène. J’y reviendrai.
Aujourd’hui, à 16H, sera projeté le troisième et dernier film français de la compétition : « Entre les murs » de Laurent Cantet. (Cette critique de « La frontière de l’aube » sera prochainement complétée, ce film mérité que je m’y attarde plus longuement…). Evidemment: à suivre sur "In the mood for Cannes"!
Ci-dessus, la descente des marches de l'équipe de "La frontière de l'aube" de Philippe Garrel au rythme mélancolique des violons...
Sandra.M