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Blog créé en 2003 par Sandra Mézière, romancière. Blog cinéma sur les éditions passées du Festival de Cannes. Et le Festival de Cannes 2024 en direct ici. Pour l'actualité cinéma quotidienne et mon actualité d'auteure : Inthemoodforcinema.com.
Jia Zhang-Ke sera de retour en compétition à Cannes cette année avec « Mountains may depart », l’occasion de revoir le sublime « Still life ».
Dès l’admirable plan séquence du début, ensorcelés et emportés déjà par une mélodieuse complainte, nous sommes immergés dans le cadre paradoxal du barrage des 3 Gorges situé dans une région montagneuse du cœur de la Chine : cadre fascinant et apocalyptique, sublime et chaotique. En 1996, les autorités chinoises ont en effet entrepris la construction du plus grand barrage hydroélectrique du monde. De nombreux villages ont été sacrifiés pour rendre possible ce projet.
Là, dans la ville de Fengjie nous suivons le nonchalant, morne et taciturne San Ming courbé par le poids du passé et des années, parti à la recherche du temps perdu. Il voyage en effet à bord du ferry The World (du nom du précèdent film du réalisateur, référence loin d’être anodine, témoignage d’une filiation évidente entre les deux films) pour retrouver son ex-femme et sa fille qu’il n’a pas vues depuis 16 ans.
Pendant ce temps, Shen Hong, dans la même ville cherche son mari qu’elle n’a pas vu depuis deux ans. Leurs déambulations mélancoliques se succèdent puis alternent et se croisent le temps d’un plan dans un univers tantôt désespérant tantôt d’une beauté indicible mis en valeur par des panoramiques étourdissants.
Tandis que les ouvriers oeuvrent à la déconstruction, de part et d’autre de la rivière, ces deux personnages essaient de reconstruire leur passé, d’accomplir leur quête identitaire au milieu des déplacements de population et des destructions de villages. Engloutis comme le passé de ses habitants.
Ce film présenté en dernière minute dans la catégorie film surprise de la 63ème Mostra de Venise a obtenu le lion d’or et a ainsi succédé à Brokeback Mountain.
The World était le premier film du réalisateur à être autorisé par le gouvernement chinois. Jusqu’ici ils étaient diffusés illégalement sur le territoire, dans des cafés ou des universités. Dans The World Jia Zhang Ke traitait déjà du spectacle triomphant de la mondialisation et de l’urbanisation accélérée que subit la Chine.
A l’étranger, ses films étaient même présentés dans des festivals comme Cannes en 2002 avec Plaisirs inconnus. Son parcours témoigne avant tout de son indépendance et de sa liberté artistique.
Ancien élève de l’école des Beaux-Arts de sa province, il étudie le cinéma à l’Académie du film de Pékin, avant de fonder sa structure de production le Youth Experimental Film Group. Son œuvre entend révéler la réalité de la Chine contemporaine.
En 2006, Jia Zhang-Ke réalise Dong, un documentaire autour de la construction du barrage des Trois Gorges à travers les peintures de son ami, le peintre Liu Xiaodong, présenté dans la section Horizons lors de la 63e Mostra de Venise.
Entre brumes et pluies, d’emblée, le décor nous ensorcelle et nous envoûte. Qu’il présente la nature, morte ou resplendissante, ou la destruction Jia Zhang Ke met en scène des plans d’une beauté sidérante. Le décor est dévasté comme ceux qui l’habitent. La lenteur et la langueur reflètent la nostalgie des personnages et le temps d’une caresse de ventilateur, la grâce surgit de la torpeur dans cet univers âpre.
Jia Zhang Ke se fait peintre des corps, en réalisant une véritable esthétisation de ceux-ci mais aussi de la réalité et, si son tableau est apocalyptique, il n’en est pas moins envoûtant. Le film est d’ailleurs inspiré de peintures, celles du peintre Liu Xiaodong qui a peint le barrage des 3 Gorges à plusieurs reprises dont Jia Zhang Ke avoue s’être inspiré.
Ces personnages sont « encore en vie » malgré la dureté de leurs existences et le poids des années, du silence, des non dits. C’est un cinéma à l’image de la vie, l’ennui est entrecoupé d’instants de beauté fulgurante et fugace.
Still life, malgré son aspect et son inspiration documentaires n’en est pas moins un film éminemment cinématographique : par l’importance accordée au hors champ (comme ces marins qui mangent leur bol de nouilles tandis que San Ming leur parle, hors champ), par des plans séquences langoureux et impressionnants, et puis par des références cinématographiques notamment au néoréalisme et à Rossellini et Rome, ville ouverte ou à John Woo avec cet enfant qui imite Chow Yun Fat ou encore celui qui regarde le Syndicat du crime de John Woo.
C’est un film polysémique qui, comme dans The World, nous parle des rapports entre tradition et modernité comme avec cet enfant qui chante des musiques sentimentales surannées ou ces portables qui jouent des musiques sentimentales ou ces comédiens en costumes traditionnelles qui s’amusent avec leurs portables.
Jia Zhang Ke ausculte subtilement les contradictions de son pays en pleine mutation. Le barrage des 3 Gorges, c’est la Chine en concentré, la Chine d’hier avec ces immeubles que l’on détruit, la Chine intemporelle avec ses décors majestueux, pluvieux et embrumés et la Chine de demain. La Chine écartelée entre son passé et son présent comme le sont les deux personnages principaux dans leur errance. Les ruines qui contrastent avec le barrage scintillant allumé par les promoteurs comme un gadget symbolisent cette Chine clinquante, en voie de libéralisme à défaut d’être réellement sur la voie de la liberté.
Jia Zhang Ke a ainsi voulu signer une œuvre ouvertement politique avec « le sentiment d’exil permanent des ouvriers, tous plus ou moins au chômage, tous plus ou moins sans domicile fixe », « les ouvriers détruisent ce qu’ils ont peut-être eux-mêmes construits ».
Un plan nous montre une collection d’horloges et de montres. Comme le cinéma. Dans une sorte de mise en abyme, il immortalise doublement le temps qui passe. C’est donc aussi un film sur le temps. Celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui. Celui de ces deux ou seize années écoulées. Ce n’est pas pour rien que Jia Zhang Ke a étudié les Beaux-Arts et la peinture classique. Il dit lui-même avoir choisi le cinéma « parce qu’il permet de saisir et de montrer le temps qui passe ». C’est l’idée bouddhiste qui « si le destin est écrit, le chemin importe d’autant plus ».
Comme dans J’attends quelqu’un dont je vous parlais il y a quelques jours , ici aussi on prend le temps (ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun comme évoqué plus haut). De s’ennuyer. Un ennui nécessaire et salutaire. Pour se dire qu’on est « encore en vie » ou pour déceler la beauté derrière et malgré la destruction car Still life (=Encore en vie ) est un film de contrastes et paradoxes judicieux : à l’image de son titre, il sont encore en vie malgré les années, malgré la destruction, malgré tout. Prendre le temps de voir aussi : l’histoire devant l’Histoire et l’Histoire derrière l’Histoire, les plans de Jia Zhang Ke mettant souvent l’intime au premier plan et le gigantisme (des constructions ou déconstructions) au second plan.
C’est aussi un hommage à la culture chinoise du double, des opposés yin et yang, entre féminin et masculin, intérieur et extérieur, construction-destruction et nature, formes sombres et claires, le tout séparé par la rivière, frontière emblématique de ce film intelligemment dichotomique.
C’est un film en équilibre et équilibré à l’image de son magnifique plan final du funambule suspendu entre deux immeubles. Parce que, ce qu’il faut souligner c’est que ce film plaira forcément à ceux qui ont aimé « The World » mais qu’il pourra aussi plaire à ceux qui ne l’ont pas aimé, notamment par son aspect surréaliste, ses plans imaginaires qui instillent de la légèreté et un décalage salutaire comme ce plan de l’immeuble qui s’écroule ou ces plans poétiques de ces couples qui dansent sur une passerelle aérienne contrebalançant la dureté des paroles échangées ou la douleur du silence, l’impossibilité de trouver les mots.
Enfin il faut souligner la non performance et le talent éclatant de ses acteurs principaux Han Sanming et Zhao Thao qui ont d’ailleurs joué dans presque tous les films de Jia Zhang Ke. C’est en effet leur quatrième collaboration commune.
Je vous invite donc à partir dans cette errance poétique à la recherche du temps perdu au rythme d’une complainte nostalgique et mélancolique…
Cette année et pour la première fois de sa carrière, Stéphane Brizé, un cinéaste dont j’apprécie tout particulièrement le travail, sera en compétition de ce 68ème Festival de Cannes avec « La loi du marché » , l’occasion de revoir le magnifique « Mademoiselle Chambon ».
Cela pourrait se résumer en une phrase : Jean (Vincent Lindon), maçon, bon mari et père de famille, croise la route de la maîtresse d’école de son fils, Mademoiselle Chambon (Sandrine Kiberlain) ; leurs sentiments réciproques vont s’imposer à eux. Enfin non, justement, cela ne se résume pas en une phrase parce que tout ce qui importe ici réside ailleurs que dans les mots, même si ce film est inspiré de ceux du roman d’Eric Holder.
Les mots sont impuissants à exprimer cette indicible évidence. Celle d’un regard qui affronte, esquive, tremble, vacille imperceptiblement. Celle d’une lèvre dont un rictus trahit un trouble ou une blessure. Celle d’une rencontre improbable mais impérieuse. Entre un homme qui ne sait pas manier les mots (la preuve, c’est son fils qui lui apprend ce qu’est le complément d’objet direct) et vit du travail de ses mains et une femme dont c’est le métier que de manier les mots, les apprendre. Lui construit des maisons, elle déménage sans cesse. Lui est ancré dans la terre, elle est évanescente. Il a un prénom, elle est avant tout mademoiselle. Lui a un lien douloureux et charnel avec son père, ses parents à elle ne lui parlent que par téléphone interposé et pour lui faire l’éloge de sa sœur. Et pourtant, et justement : l’évidence. La musique va alors devenir le langage qui va cristalliser leurs émotions, et les sanglots longs des violons (pas de l’automne, comme ceux de Verlaine, mais ici du printemps, avec une langueur plus mélancolique que monotone) exprimer la violence de leurs irrépressibles sentiments.
Comme dans le magnifique « Je ne suis pas là pour être aimé », on retrouve cette tendre cruauté et cette description de la province, glaciale et intemporelle. Ces douloureux silences. Cette sensualité dans les gestes chorégraphiés, déterminés et maladroits. Cette révolte contre la lancinance de l’existence. Et ce choix face au destin. Cruel. Courageux ou lâche. (Magnifique scène de la gare dont la tension exprime le combat entre ces deux notions, la vérité étant finalement, sans doute, au-delà, et par un astucieux montage, Stéphane Brizé en exprime toute l’ambivalence, sans jamais juger ses personnages…). On retrouve aussi cet humour caustique et cette mélancolie grave, notamment dans la scène des pompes funèbres qui résume toute la tendresse et la douleur sourdes d’une existence et qui fait écho à celle de la maison de retraite dans « Je ne suis pas là pour être aimé. »
Mais ce film ne serait pas ce petit bijou de délicatesse sans l’incroyable présence de ses acteurs principaux, Vincent Lindon ( déjà magistral notamment dans « Welcome, « Pater », « Pour elle » ) d’abord, encore une fois phénoménal, aussi crédible en maçon ici qu’en avocat ailleurs. Son mélange de force et de fragilité, de certitudes et de fêlures, sa façon maladroite et presque animale de marcher, de manier les mots, avec parcimonie, sa manière gauche de tourner les pages ou la manière dont son dos même se courbe et s’impose, dont son regard évite ou affronte : tout en lui nous faisant oublier l’acteur pour nous mettre face à l’évidence de ce personnage. Et puis Sandrine Kiberlain, rayonnante, lumineuse, mais blessée qui parvient à faire passer l’émotion sans jamais la forcer. Aure Atika, qui interprète ici l’épouse de Vincent Lindon, est, quant à elle, absolument méconnaissable, d’une justesse irréprochable et d’une sobriété remarquable. Elle parvient à faire exister son personnage, dans l’ombre pourtant. Sans doute faut-il aussi une direction d’acteurs d’une précision, d’une sensibilité rares pour arriver à une telle impression d’évidence et de perfection ( la preuve, les seconds rôles sont d’ailleurs tout aussi parfaits).
Une histoire simple sur des gens simples que Stéphane Brizé (avec la complicité de Florence Vignon, déjà co-scénariste du très beau « Le bleu des villes ») compose avec dignité dans un film épuré, sensible qui fait de ses personnages des héros du quotidien emprisonnés dans un fier et douloureux silence (résumé par le dernier plan d’une belle luminosité derrière les barreaux d’une fenêtre ). Un film qui, encore une fois, rappelle le cinéma de Claude Sautet (notamment par l’utilisation du violon et de la musique comme éléments cristallisateurs qui rappellent mon film fétiche « Un cœur en hiver » mais aussi par la sublimation d’une « histoire simple ») qui, tout en « faisant aimer la vie » et la poésie des silences, en souligne toute la quotidienne et silencieuse beauté, cruelle et dévastatrice.
En attendant « Dheepan » de Jacques Audiard, en compétition de ce 68ème Festival de Cannes, retour sur son dernier passage à Cannes avec « De rouille et d’os ». « Dheepan »est une libre inspiration des « Lettres Persanes » de Montesquieu ou le regard sur la société française d’un réfugié sri-lankais débarqué dans une cité de banlieue parisienne, avec uniquement des acteurs « inconnus ». Jacques Audiard a reçu le Grand prix du jury du Festival de Cannes en 2009 et il était en compétition en 2012 avec « De rouille et d’os ».
Ali (Matthias Schoenaerts) se retrouve avec Sam, 5 ans son fils qu’il connaît à peine. Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur (Corine Masiero) à Antibes. Elle les héberge dans le garage de son pavillon, elle s’occupe du petit. A la suite d’une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie (Marion Cotillard). Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame, que Stéphanie perde ses jambes, pour qu’un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Lors de la conférence de presse Jacques Audiard a ainsi évoqué des « destins simples magnifiés par les accidents », « une histoire d’amour des années de crise », « deux personnages qui tentent de s’extraire de leurs conditions. »
Jacques Audiard revient ainsi sur la Croisette et en compétition officielle avec « De rouille et d’os », adapté d’une nouvelle de Craig Davidson après avoir remporté le prix du Meilleur Scénario pour « Un héros très discret » lors de l’édition 1996 du festival, et le Grand Prix du Jury pour « Un prophète », il y a 3 ans. Cette fois, il revient avec une histoire d’amour entre deux êtres blessés (mais les personnages d’Audiard le sont finalement toujours), et comme toujours chez Audiard, pas forcément immédiatement aimables mais emportant progressivement notre adhésion. Son cinéma est à l’image de ce film et de ces deux personnages : un mélange habile et poignant de rudesse et de délicatesse. C’est un film de sensations, de chair, de corps, de sang. Le corps meurtri de Stéphanie face à celui presque animal d’Ali. Le corps brutalisé et filmé avec délicatesse, caressé presque par la caméra de Jacques Audiard (comme par le regard de Stéphanie). La dureté sublimée par une douce lumière et une chaleureuse atmosphère qui atténuent la violence (sociale) ravageuse du film. « J’ai horreur de la violence. Curieux de dire que j’ai horreur de la violence et d’y revenir tout le temps » a ainsi déclaré Jacques Audiard, ce midi, en conférence de presse.
Bien qu’ils soient très différents dans leurs manières de filmer, ce film d’Audiard en particulier m’a fait penser au cinéma des Dardenne qui, eux aussi, mettent en scène des êtres cabossés par la vie et la société (avec certes beaucoup plus de réalisme, évidemment), dont les enfants sont souvent les involontaires victimes, et ils ont bien sûr en commun une remarquable direction d’acteurs, et une force de la mise en scène, aussi différentes soient-elles.
C’est un film de contrastes et d’évolutions. De l’arrogance, ou du moins du contrôle à l’abandon. De l’impossibilité de s’exprimer à la possibilité de dire les plus beaux mots qui soient. Et surtout de la solitude à la réconciliation avec leurs proches (sœur, enfant) et avec eux-mêmes.
Un film âpre et plein d’espoir. De rouille et d’os. De chair et de sang. De rudesse et de délicatesse. De douceur et de violence. De troublants paradoxes pour un troublant film. Des contrastes à l’image de ceux de l’esthétique du film. Le (magnifique ) montage met en exergue et oppose les sons, les silences, les corps, le contrôle, l’abandon. Ajoutez à cela une bande originale réussie, de la musique de Desplat à « Firework » de Katy Perry. Deux acteurs extraordinaires et extraordinairement dirigés. Comme dans « Bullhead », c’est l’animalité de son personnage que fait ressortir Matthias Schoenaerts, mais ici, au contraire de son personnage dans le film qui l’a révélé, il va aller vers la parole, l’humanité. Son personnage concentre aussi les contrastes du film, de même que celui de Marion Cotillard. Tous deux sont bouleversants de justesse, de dureté et de douceur, d’humanité et d’animalité, et en tout cas de fragilité masquée.
Marion Cotillard était ainsi visiblement très heureuse d’être à Cannes. Lors de la conférence de presse, elle a ainsi déclaré : « C’est ma première fois dans un film en compétition officielle à Cannes. Je ne pensais pas que ça allait me rendre si joyeuse. C’est un festival mythique qui a vu tellement de grandes histoires, de grands acteurs, de grands artistes et je suis particulièrement heureuse d’y être avec le film de Jacques» tandis que Matthias Schoenaerts a déclaré à son propos « C’est une comédienne exceptionnelle. On va dans l’absolu ». Pour Jacques Audiard, « Marion est une actrice très virile et sensuelle en même temps. Elle a une autorité dans le jeu. Elle est capable de passer de l’autre côté du mur ». Signalons enfin la présence de Corinne Masiero (dans le rôle de la sœur d’Ali), révélée par le personnage de Louise Wimmer dans le film éponyme de Cyril Mennegin.
Le Festival de Cannes commençait très fort avec ce film qui aurait pu prétendre à tous les prix, ou presque. Un film coup de poing qui fut aussi mon premier coup de cœur de cette édition 2012. Un film sensoriel magistralement monté, joué, pensé et mis en scène.
Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.
L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice. « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.
L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.
Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi dans des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.
Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône. « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû « être belle quand elle était jeune » (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe. » : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.
Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse. Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit, belle découverte que Paul Hamy qui incarne l’heureux élu). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, être libérée du poids du passé.
Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie et enfin Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.
Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.
« Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.
Dans quelques jours, pour la quinzième année consécutive, j’aurai à nouveau le bonheur d’entrer dans le mythique et vertigineux Théâtre Lumière (rénové cette année). Et pour la quinzième année consécutive, je sais déjà que, lorsque la lumière de la salle s’éteindra, pendant cette courte seconde avant que s’allume l’écran, cette seconde où le souffle de la salle est suspendu à ces premières images qui nous embarqueront pour un nouvel univers, un nouveau monde, une nouvelle aventure, mon cœur de cinéphile, une nouvelle fois, battra la chamade.
Chaque premier film vu au Grand Théâtre Lumière -et celui de cette 68ème édition (donc le film d’ouverture, « La tête haute » d’Emmanuelle Bercot, que j’attends avec beaucoup d’impatience après son dernier film « Elle s’en va » qui fut pour moi le meilleur de l’année 2013, cf ma critique en bas de cet article) ne dérogera pas à la règle- est comme une douce réminiscence de la première fois où, en 2001( invitée pour tout le festival après avoir remporté le concours du prix de la jeunesse), j’ai découvert, émerveillée, ce lieu qui pour moi représentait la quintessence du cinéma mais aussi un cénacle inaccessible que je regardais à travers l’écran de télévision depuis l’enfance.
Dans quelques jours, à nouveau, je me laisserai emportée par ce délicieux et vertigineux tourbillon du cinéma, cette parenthèse enchantée qui, paradoxalement, éloigne tant de la réalité et nous la montrera chaque jour sur grand écran, glaçante, flamboyante, terrifiante, émouvante, agaçante même peut-être aussi, mais ne nous laissant jamais indifférents. Le Festival de Cannes est et reste la plus belle et fascinante fenêtre ouverte sur le cinéma et sur le monde dont ce festival met en lumière les ombres et les blessures.
J’entends déjà le petit cliquetis lorsque les contrôleurs scannent les badges à l’entrée de la salle Debussy ou du Grand Théâtre Lumière comme un passeport pour le paradis, celui des cinéphiles.
Je m’imagine déjà me laissant envoûter par le lever du soleil en allant à la première projection presse du matin sur une Croisette alors étrangement déserte en ayant l’impression que le monde m’appartient, feignant d’oublier ou oubliant réellement peut-être, hypnotisée, que ce tourbillon enivrant de cinéma ne durera pas toujours et que des illusions s’y perdent, aussi, oubliant l’espace de 11 jours, que la vraie vie n’est pas du cinéma ou n’est pas que du cinéma, oubliant qu’existe une frontière entre le jour et la nuit, la fiction et la réalité, mes souvenirs et mon imaginaire.
J’imagine déjà, ce moment que j’aime tant, à la fin du film où, aussi, la salle retient son souffle, avant de se taire ou d’applaudir, et ce moment qui lui succède lorsque les applaudissements semblent ne devoir jamais arrêter leur course folle tels une vague de bonheur.
Je m’imagine déjà redécouvrir des classiques du cinéma (très belle sélection de Cannes Classics à nouveau cette année à découvrir ci-dessous avec, en bonus, ma critique de « Rocco et ses frères » de Visconti qui sera projeté en version restaurée).
Je m’imagine déjà découvrir des bijoux du septième art et en être exaltée, être heurtée, brusquée par un film et en être exaltée, aussi, malgré tout, gravir les marches les plus célèbres du monde au son de la musique sous un soleil éblouissant et, l’espace d’un instant, être envahie par l’irréalité étincelante que procure ce moment qui suspend le vol du temps, entendre Aquarium de Camille de Saint-Saëns et savoir que la magie va à nouveau opérer, sortir d’une projection tardive, un peu étourdie, éblouie, arpenter la Croisette et avoir l’impression de me retrouver dans un film de Fellini.
Comme chaque année, il faudra faire des choix cornéliens. Je privilégierai donc la Sélection officielle et surtout la compétition officielle et Un Certain Regard (vous trouverez, ci-dessous, dans mon compte rendu de la conférence de presse mes attentes concernant la sélection officielle) en espérant avoir le temps de revoir quelques classiques à Cannes Classics et de voir quelques films des sélections parallèles, notamment, à la Semaine de la Critique « Les Anarchistes » de Elie Wajeman, avec Tahar Rahim et Adèle Exarchopoulos ou encore « Ni le ciel ni la terre » de Clément Cogitore, un film avec Jérémie Rénier et Kevin Azaïs qui se déroule en pleine guerre d’Afghanistan mais aussi, à la Quinzaine des Réalisateurs : « L’Ombre des femmes. » de Philppe Garrel, en ouverture mais aussi le très attendu « Les Cowboys » de Thomas Bidegain avec François Damiens et « Le Tout Nouveau Testament » de Jaco Van Dormael… J’assisterai aussi à quelques conférences de presse que je commenterai en direct.
Cette année, comme chaque année, je vous parlerai quotidiennement du festival sur http://inthemoodforfilmfestivals.com et sur les réseaux sociaux :
-twitter: sur @moodforcinema -compte principal- et @moodforcannes -mon compte uniquement consacré au festival
- mais aussi sur instagram : http://instagram.com/sandra_meziere
Vous pouvez aussi toujours lire les 13 nouvelles de mon recueil sur le cinéma « Ombres parallèles » dont 4 se déroulent au Festival de Cannes, disponible dans toutes les librairies numériques (fnac, relay, Amazon etc) ou, ici, directement chez mon éditeur.
Vous pourrez me retrouver dès le 11 Mai en direct de la Croisette. J’aurai aussi le plaisir de participer à quelques opérations exceptionnelles dont je vous reparlerai et d’avoir des accès privilégiés à de nombreux événements diurnes et nocturnes. Je serai donc plus que jamais « in the mood for Cannes ». A suivre !
Compte rendu de la conférence de presse du 68ème Festival de Cannes (auquel j’ai intégré les compléments de sélection et les compositions des divers jurys annoncés après la conférence)
Comme chaque année, j’avais le plaisir d’assister à la conférence de presse du Festival de Cannes qui, pour la troisième année consécutive, se déroulait à l’UGC Normandie, sur les Champs-Elysées. Lors de mon entrée dans la salle a résonné « Aquarium » de Saint-Saëns, réminiscence de tant d’inoubliables instants cinéphiliques, une musique qui me renvoie à chaque fois à l’émotion qui m’a étreinte lorsque j’ai découvert Le Grand Théâtre Lumière, pour la première fois, il y a 15 ans déjà, émotion renouvelée chaque année lorsque j’arrive à Cannes et redécouvre cette ville qui, l’espace d’une quinzaine, ne vit et vibre qu’au rythme du cinéma. A peine arrivée et j’y étais déjà…
Une heure avant l’annonce de la sélection, la salle était fébrile déjà, chacun y allant de ses pronostics, constatant aussi que pour la première fois des images nous seraient projetées. A 11H, sont arrivés Pierre Lescure, le nouveau Président du Festival de Cannes qui succède à Gilles Jacob (qui continue néanmoins de présider la Cinéfondation et de faire partie du Conseil d’administration du festival) et Thierry Frémaux, le bouillonnant et enthousiaste délégué général, toujours fidèle au poste.
Après avoir longuement évoqué les partenaires privés du festival, Pierre Lescure a laissé la parole à Thierry Frémaux qui, fidèle à la tradition, a dévoilé la sélection de ce 68ème Festival de Cannes avant laquelle nous avons eu droit à un enthousiasmant bonus : la projection du segment qu’avaient réalisé les frères Coen, présidents du jury du Festival de Cannes 2015, pour « Chacun son cinéma », le film « à sketchs » réalisé pour l’anniversaire du festival en 2007, une déclaration d’amour et d’humour décalé au cinéma avec Josh Brolin. Quel plaisir de revoir ce court, « World cinema » qui contient la singularité réjouissante de l’univers des Coen (vous pourrez également le voir dans la vidéo de la conférence ci-dessus, ne vous en privez pas !).
Comme chaque année, c’est un prestigieux jury qui aura la lourde et passionnante tâche de choisir la palme d’or parmi les films en compétition officielle. Nous savions déjà que le jury serait présidé par Ethan et Joel Coen. Ils seront cette année entourés de sept personnalités du cinéma mondial venues du Canada, d’Espagne, des États-Unis, de France, du Mali, du Mexique et du Royaume-Uni. Le Jury sera donc composé de quatre femmes et cinq hommes. Ce sont ainsi neuf voix singulières qui s’exprimeront, chaque membre du Jury disposant du même droit de vote. Il aura à départager les films en Compétition pour composer le Palmarès, culminant avec la Palme d’or, qui sera annoncé sur scène lors de la cérémonie de Clôture du Festival, dimanche 24 mai. Un jury professionnel et glamour. Les festivaliers auront également le plaisir de retrouver Xavier Dolan, prix du jury du festival l’an passé avec « Mommy » dont, pour l’occasion, je vous propose à nouveau ma critique ici.
Joel & Ethan Coen – Présidents (Réalisateurs, Scénaristes, Producteurs – États-Unis) Rossy de Palma (Actrice – Espagne) Sophie Marceau (Actrice, Réalisatrice – France) Sienna Miller (Actrice – Royaume-Uni) Rokia Traoré (Auteur, Compositeur, Interprète – Mali) Guillermo del Toro (Réalisateur, Scénariste, Producteur – Mexique) Xavier Dolan (Réalisateur, Scénariste, Producteur, Acteur – Canada) Jake Gyllenhaal (Acteur – Etats-Unis)
C’est l’actrice française Sabine Azéma, inénarrable notamment dans les films d’Alain Resnais et notamment récemment dans le formidable « Vous n’avez encore rien vu »( ma critique, ici) présenté à Cannes en compétition en 2012, qui présidera cette année le Jury de la Caméra d’or, en charge de désigner le meilleur premier film présenté à Cannes. Après Bong Joon-Ho, Gael García Bernal, Carlos Diegues et Nicole Garcia, c’est donc Sabine Azéma qui présidera ce jury. Elle sera entourée de la réalisatrice Delphine Gleize, du comédien Melvil Poupaud, de Claude Garnier qui représente l’Association Française des directeurs de la photographie Cinématographique (AFC), Didier Huck, qui représente la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM), Yann Gonzalez, qui représente la Société des Réalisateurs de Films (SRF) et Bernard Payen, qui représente le Syndicat Français de la Critique de Cinéma (SFCC). La Caméra d’or, créée en 1978, est attribuée au meilleur premier film présenté en Sélection officielle (Compétition, Hors-Compétition et Un Certain Regard), à La Semaine de la Critique ou à la Quinzaine des Réalisateurs, ce qui représente en 2015 un total de 26 films. Ont déjà reçu la caméra d’or: Jim Jarmusch, Mira Nair, Naomi Kawase, Bahman Ghobadi ou Steve McQueen. En 2014, c’est le film français tourbillonnant Party Girl, présenté en Sélection officielle Un Certain Regard, qui a été récompensé. La Caméra d’or 2015 sera remise par la Présidente du Jury lors de la Cérémonie du Palmarès, dimanche 24 mai.
Thierry Frémaux a évoqué l’hommage que le festival rendrait aux frères Lumière dès l’ouverture et aux 120 ans de leur invention (à voir en ce moment : une exposition au Grand Palais dont je vous reparlerai).
Chaque année, la sélection de Cannes Classics est en effet toujours un ravissement pour les cinéphiles et, chaque année, entre deux séances de la compétition officielle, j’essaie d’en voir quelques séances. Y règne toujours une atmosphère particulière. Cette année ne devrait pas déroger à la règle puisque:
-Costa-Gavras en sera l’ invité d’honneur
– sera proposée une célébration croisée d’Ingrid Bergman et d’Orson Welles
– Ousmane Sembène le « père du cinéma africain » sera également à l’honneur
– Gaumont sera aussi à l’honneur
-mais encore…Hitchcock, Truffaut, des Argentins, des Russes, des Hongrois, des projections en plein air, Marcel Pagnol, Julien Duvivier, des documentaires sur le cinéma, des restaurations en provenance du monde entier, La Légende de la Palme d’or et les 120 ans du Cinématographe Lumière, bref de quoi faire tourner la tête des amoureux du cinéma.
Je vous laisse découvrir le programme détaillé en bas de cette page et, en bonus, ma critique de « Rocco et ses frères » de Visconti, une projection de sa copie restaurée à ne pas manquer
Nous savons également désormais que, à l’occasion de la Cérémonie d’ouverture du 68ème Festival de Cannes, et pour célébrer les 120 ans du Cinéma, Benjamin Millepied, Directeur de la danse à l’Opéra de Paris, va chorégraphier la scène d’amour de VERTIGO (SUEURS FROIDES), chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock. Lors de la conférence de presse de Canal plus ont en effet été annoncées une cérémonie d’ouverture et une cérémonie de clôture exceptionnelles, de véritables spectacles. Ce ballet exceptionnel sera créé pour Janie Taylor (New York City Ballet), Léonore Baulac (Opéra de Paris), Morgan Lugo (LA Dance Project) et 14 danseurs. La cérémonie d’ouverture sera diffusé Mercredi 13 mai à 19H00, en clair et en direct sur CANAL+ Une cérémonie présentée par Lambert Wilson aux côtés des présidents de cette 68ème édition Joel et Ethan Coen et de leur jury.
Thierry Frémaux a d’abord précisé que 1 854 films ont été envoyés cette année au comité de sélection (1000 il y a 10 ans) et que dix-sept films sont pour l’instant en compétition pour la Palme d’or. D’autres pourraient compléter cette liste avant la fin avril. « Nous allons vous annoncer 90% de la sélection. C’est un processus lent qui se termine de manière fulgurante », a précisé Thierry Frémaux. « Il y a des films arrivés il y a 2 jours que nous n’avons pas encore eu le temps de voir », a-t-il ajouté précisant qu’il manquait encore 2 à 4 films en compétition officielle. « Cette sélection est belle, nouvelle, prend des risques et dit des choses sur l’état de la création mondiale. Elle a pour mission de poser des noms, des films, des pays nouveaux sur le cinéma mondial. Et d’ailleurs, elle fait la part belle aux premiers films».
Pour la caméra d’or (prix du meilleur premier film parmi les différentes sélections) : entre 15 et 25 films seront en lice. (Avec le complément de sélection ajouté à cet article, il y aura finalement 19 films en compétition officielle et 19 films à Un Certain Regard).
« Nous n’annoncerons pas le film de clôture mais je peux dire qu’il reviendra sur ces questions d’environnement. » a également annoncé Thierry Frémaux.
Nous savons désormais que, Luc Jacquet, le réalisateur oscarisé de « La Marche de l’empereur », présentera ainsi son quatrième long métrage, La Glace et le ciel en Clôture du 68e Festival de Cannes, dimanche 24 mai dans le Grand Théâtre Lumière du Palais des Festivals. Une projection dont la perspective me réjouit tout particulièrement puisque c’est LE film du Showeb qui avait attiré le plus mon attention.
Et pour ceux qui aiment voir des polémiques là où il n’y a pas lieu d’en avoir, Thierry Frémaux a précisé que, contrairement à la rumeur, il ne voulait pas interdire les selfies mais «ralentir cette pratique souvent extrêmement ridicule et grotesque, pour des problèmes de timing».
Thierry Frémaux a d’abord annoncé les séances de minuit parmi lesquelles « Amy » de Asif Kapadia, un documentaire consacré à Amy Winehouse.
En séance spéciale, nous retrouverons notamment Natalie Portman pour son film « D’amour et de ténèbres », une adaptation du livre d’Amos Oz et Samuel Benchetrit pour « Asphalte ».
Hors compétition, et comme toujours hors compétition, (Thierry Frémaux, une fois de plus, a tenté de le convaincre…en vain) Woody Allen présentera son nouveau film « Irrational man ». Au casting : Joaquin Phoenix, Emma Stone et Parker Posey avec un pitch très woodyallenien : « La relation tumultueuse entre un professeur de philosophie en pleine crise existentielle et sa jeune étudiante, dans une université de campagne. »
Nous savions par ailleurs déjà que « Mad Max : fury road »de George Miller serait présenté hors compétition.
Comme toujours « Un Certain Regard » se distingue par son bel éclectisme. Cette année ne dérogera pas à la règle avec, notamment le nouveau film de Kiyoshi Kurosawa « Vers l’autre rive » ou un premier film, de Laurent Larivière, « Je suis un soldat ».
Thierry Frémaux a ensuite annoncé la compétition officielle en précisant que ce serait une année phare pour le cinéma français avec 4 films français en compétition. « Le cinéma français cette année était absolument formidable. On aurait pu en mettre 7″ a-t-il ainsi déclaré. Nous retrouverons ainsi Jacques Audiard, un habitué du festival, mais aussi Maïwenn (prix du jury en 2011 pour « Polisse »), Valérie Donzelli et un autre petit nouveau dans la compétition officielle, Stéphane Brizé. Il y aura finalement 5 films français puisque, dans le complément de sélection, annoncé après la conférence a été ajouté le film de Guillaume Nicloux « Valley of love » avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert.
Trois cinéastes italiens seront en lice cette année, confirmant l’inventivité et la bonne santé du cinéma transalpin avec trois grands cinéastes qui ont déjà eu les honneurs de la compétition : Matteo Garrone, Nanni Moretti, Paolo Sorrentino.
« La tête haute » d’Emmanuelle Bercot fera l’ouverture du festival et sera hors compétition, rompant avec « les codes habituels de l’ouverture : populaire, glamour et spectaculaire » même si le glamour sera là avec Catherine Deneuve (qui était déjà l’actrice principale de son dernier film « Elle s’en va » et qui joue dans le film d’Emmanuelle Bercot (une première, celle-ci sera ainsi réalisatrice du film d’ouverture et actrice principale d’un des films de la compétition), un film dont vous pourrez retrouver ma critique en bas de cet article, l’occasion pour moi à nouveau de vous recommander le dernier film de cette dernière, « Elle s’en va » donc, pour moi le meilleur film de l’année 2013, une cinéaste dont j’apprécie tout particulièrement le travail depuis que j’avais découvert son film « Clément » lors de ma première participation au Festival de Cannes, dans le cadre du prix de la jeunesse, en 2001, qu’elle avait alors remporté. « D’emblée, le festival commencera avec un film qu’on aurait pu trouver en compétition », a ainsi souligné Thierry Frémaux.
Une sélection particulièrement prometteuse et diversifiée qui devrait faire taire les habituels grincheux puisqu’y figurent des femmes, un premier film et des petits nouveaux avec, parmi les17 films pour l’instant en lice, ceux que j’attends le plus :
-« Dheepan » de Jacques Audiard : une libre inspiration des « Lettres Persanes » de Montesquieu ou le regard sur la société française d’un réfugié sri-lankais débarqué dans une cité de banlieue parisienne, avec uniquement des acteurs « inconnus ». Jacques Audiard a reçu le Grand prix du jury du Festival de Cannes en 2009 et il était en compétition en 2012 avec « De rouille et d’os ».
- Valley of love de Guillaume Nicloux, avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert. Synopsis: Isabelle et Gérard ont perdu leur fils il y a six mois. Pourtant, ce dernier leur a adressé une lettre dans laquelle il donne rendez-vous à ses parents dans « La vallée de la mort », en plein coeur des Etats-Unis. Malgré l’absurdité de la situation, le père et la mère ont décidé de s’y rendre et de l’attendre.
– « Mia madre » de Nanni Moretti : (Palme d’or en 2001 avec « La Chambre du fils ») avec Margherita Buy, John Turturro et Nanni Moretti. Sur les doutes d’une cinéaste en pleine crise créative et personnelle.
- « The Sea of Trees » de Gus Van Sant (palme d’or du Festival de Cannes 2003 avec « Elephant »), un film avec Matthew McConaughey et Naomi Watts. L’histoire d’une rencontre entre un Américain et un Japonais dans «la forêt des suicides» au Japon, où convergent les hommes en détresse qui veulent mettre fin à leurs jours.
– « La Loi du marché » de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon dont il se murmure déjà qu’il serait un prétendant très sérieux au prix d’interprétation. Un film que j’attends avec impatience, suivant le réalisateur depuis ses débuts (son premier long métrage « Le bleu des villes » avait eu le prix Michel d’Ornano au Festival du Cinéma Américain de Deauville en 1999) et ayant aimé tous ses films, notamment « Mademoiselle Chambon » dans lequel Vincent Lindon excellait déjà et « Je ne suis pas là pour être aimé ». Ici, il raconte l’histoire de Thierry, qui, après 18 mois de chômage, commence un nouveau travail d’agent de sécurité dans un hypermarché. On va lui demander d’espionner ses collègues.
-Le film très truffaldien de Valérie Donzelli, « Marguerite et Julien », avec Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier. Un film sur l’amour entre un frère et une sœur, qui devait initialement être réalisé par François Truffaut dans les années 70. Il s’agit de l’adaptation d’un fait divers, l’histoire de Julien et Marguerite de Ravalet, frère et sœur, exécutés en 1603 pour adultère et inceste.
-Le film de Maïwenn, « Mon Roi » : une histoire d’amour passionnelle et compliquée d’un couple, avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot.
– « The Tale Of Tales » (Il Racconto dei racconti») de Matteo Garrone avec Salma Hayek et Vincent Cassel. Il s’agira du premier film en anglais de Matteo Garrone et une libre adaptation des contes du XVIIème siècle de l’auteur italien Giambattista Basile.
– « Moutains May Depart » (Shan He Gu Ren) du Chinois Jia Zhangke qui avait obtenu le prix du scénario pour « A Touch of Sin » en 2013. Ce nouveau film sera divisé en trois différentes périodes et traitera de l’évolution de la société chinoise.
-Chronic de Michel Franco (film ajouté après la conférence de presse, en complément de sélection) notamment avec Tim Roth. Synopsis: Un infirmier practicien qui assiste des patients en phase terminale tente de renouer des liens avec la famille qu’il a abandonnée.
-« Macbeth », de Justin Kurzel, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard (qui gravira donc les marches pour la 4ème année consécutive), une adaptation de la célèbre tragédie de Shakespeare.
-« Louder Than Bombs » du Norvégien Joachim Trier (Oslo, 31 août) avec Jesse Eisenberg, Gabriel Byrne et Isabelle Huppert, autre habituée de Cannes. L’histoire d’un drame familial, qui propose les différents points de vue des membres de la famille face aux événements.
-« Youth » de Paolo Sorrentino, un film sur la vieillesse comme son titre ne l’indique pas dont les premières images vues au dernier Showeb me permettent déjà d’affirmer qu’il ne laissera personne indifférent…une fois de plus ! Un autre habitué de la Croisette qui avait déjà divisé ou électrisé (pour ma part) les festivaliers, en compétition officielle avec « This must be the place » il y a 4 ans et « La grande Bellezza » il y a 2 ans. Il avait par ailleurs reçu le prix du jury en 2008 pour « Il divo ».
Parmi les curiosités de cette édition, il y aura « The Lobster » du Grec Yorgos Lanthimos avec Colin Farrell, Rachel Weisz et Léa Seydoux, un film qui raconte l’histoire de personnes ordinaires enfermées dans un hôtel et qui doivent trouver un partenaire en 45 jours, faute de quoi ils seront transformés en animal, un film selon Thierry Frémaux, « appartenant à cette tradition des films, fascinants, où on ne comprend pas tout ».
« Son of Saul » (Saul Fia), du Hongrois Laszlo Nemes devrait aussi ne pas laisser les festivaliers insensibles. En 1944, un prisonnier hongrois forcé à travailler dans un des crématoriums d’Auschwitz tente de sauver des flammes le corps d’un garçon qu’il prend pour son fils.
Seront également en compétition officielle : Denis Villeneuve, Kore-Eda, Hou Hsiao Hsien, Todd Haynes.
« A priori il y aura 7 jurés plus 2 présidents jurés puisqu’il faut un nombre impair pour qu’une majorité se dégage » a enfin souligné Thierry Frémaux. Le jury devrait être connu dans les jours à venir…
Ci-dessous, retrouvez la sélection complète et mon article sur ce que nous savions déjà de cette édition 2015 avant la conférence : affiche, présidents du jury, Cinéfondation etc et quelques critiques de films liées à cette sélection.
Lamb de Yared Zeleke – 1er film et la première fois que l’Ethiopie figurera en sélection officielle
Cemetery of Splendour de Apichatpong Weerasethakul
AN de Naomi Kawase qui fera l’ouverture du Certain Regard
Hors Compétition
Woody ALLEN
IRRATIONAL MAN (UN HOMME IRRATIONNEL)
1h36
Pete DOCTER Ronaldo DEL CARMEN
INSIDE OUT (VICE-VERSA)
1h42
George MILLER
MAD MAX : FURY ROAD
2h00
Mark OSBORNE
THE LITTLE PRINCE (LE PETIT PRINCE)
1h48
Séances de minuit
HONG Won-Chan
O PISEU (OFFICE) 1er film
1h49
Asif KAPADIA
AMY
2h07
« Love » de Gaspar Noé est ensuite venu s’ajouter à la liste.
Séances spéciales
Samuel BENCHETRIT
ASPHALTE
1h40
Souleymane CISSE
OKA
1h50
Elad KEIDAN
HAYORED LEMA’ALA (L’ESPRIT DE L’ESCALIER)1er film
1h45
Natalie PORTMAN
SIPUR AL AHAVA VE CHOSHECH (UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE TÉNÈBRES) 1er film
1h35
Barbet SCHROEDER
AMNESIA
1h36
Pavle VUCKOVIC
PANAMA 1er film
1h45
Complément de sélection
EN SÉANCE SPÉCIALE
Une histoire de fou de Robert Guédiguian avec Simon Abkarian, Ariane Ascaride.
Synopsis: Berlin 1921, Talaat Pacha, principal responsable du génocide Arménien est exécuté dans la rue par Soghomon Thelirian dont la famille a été entièrement exterminée. Lors de son procès, il témoigne du premier génocide du 20ème siècle tant et si bien que le jury populaire l’acquitte. Soixante ans plus tard, Aram, jeune marseillais d’origine arménienne, fait sauter à Paris la voiture de l’ambassadeur de Turquie. Un jeune cycliste qui passait là par hasard, Gilles Tessier, est gravement blessé.Aram, en fuite, rejoint l’armée de libération de l’Arménie à Beyrouth, foyer de la révolution internationale dans les années 80. Avec ses camarades, jeunes arméniens du monde entier, il pense qu’il faut recourir à la lutte armée pour que le génocide soit reconnu et que la terre de leurs grands-parents leur soit rendue.Gilles, qui a perdu l’usage de ses jambes dans l’attentat, voit sa vie brisée. Il ne savait même pas que l’Arménie existait lorsqu’Anouch, la mère d’Aram, fait irruption dans sa chambre d’hôpital : elle vient demander pardon au nom du peuple arménien et lui avoue que c’est son propre fils qui a posé la bombe. Pendant que Gilles cherche à comprendre à Paris, Anouch devient folle de douleur à Marseille et Aram entre en dissidence à Beyrouth… jusqu’au jour où il accepte de rencontrer sa victime pour en faire son porte parole.
En 2013, c’étaient Joanne Woodward et Paul Newman qui étaient à l’honneur, sur l’affiche de la 66ème édition, avec une photo, d’une beauté étourdissante, prise sur le tournage de « A New Kind of Love » de Melville Shavelson, et qui nous invitait à un tourbillon de cinéma, à un désir infini de pellicule, le désir infini…comme celui (de cinéma) que suscite Cannes.
En 2014, c’étaient Hervé Chigioni et son graphiste Gilles Frappier qui avaient conçu et réalisé l’affiche de la 67e édition du Festival de Cannes à partir d’un photogramme tiré de Huit et demi de Federico Fellini, qui fut présenté en Sélection officielle en 1963. Une affiche couleur sépia, hommage au cinéma d’hier, hommage au cinéma tout court, par cette judicieuse mise en abyme puisque l’affiche faisait écho à un film sur le cinéma…et quel film sur le cinéma! Mastroianni, en regardant par-dessus ses lunettes, avec son regard intense et malicieux, nous invitait à regarder, à nous plonger dans son regard, synonyme de toute la poésie et la singularité du 7ème art.
C’est une actrice qui succède donc à Marcello Mastroianni, Ingrid Bergman qui regarde et sourit vers l’horizon.
Ingrid Bergman, In Her Own Words, un documentaire signé Stig Björkman (auteur de livres et documentaires sur Woody Allen et Ingmar Bergman) sera projeté dans le cadre de Cannes Classics.
Le Festival de Cannes s’associera au « Ingrid Bergman Tribute » qu’Isabella Rossellini, pour célébrer le centenaire de la naissance de sa mère, organisera en septembre prochain (Retrouvez en cliquant ici mes vidéos du Festival Lumière de Lyon 2014 lors duquel Isabella Rossellin a évoué Ingrid Bergman). Il s’agit d’un spectacle, mis en scène par Guido Torlonia et Ludovica Damiani, qui mêlera son autobiographie et les lettres de sa correspondance avec Roberto Rossellini. Il sera présenté dans les cinq villes qui ont compté dans la vie d’Ingrid Bergman : Stockholm, Rome, Paris, Londres et New York, et rassemblera sur scène, outre Isabella Rossellini, Jeremy Irons, Fanny Ardant, Christian De Sica et plusieurs autres comédiens. L’ensemble du spectacle sera annoncé lors du prochain Festival.
Voici le communiqué de presse du Festival au sujet de l’affiche:
Icône moderne, femme libre, actrice audacieuse, Ingrid Bergman fut à la fois star hollywoodienne et figure du néoréalisme, changeant de rôles et de pays d’adoption au gré de ses passions, sans jamais perdre ce qu’elle avait de grâce et de simplicité.
, de Roberto Rossellini et d’Ingmar Bergman, qui a donné la réplique à Cary Grant, Humphrey Bogart ou encore Gregory Peck, se dévoile dans l’évidence de sa beauté, offrant un visage serein qui semble tourné vers un horizon de promesses.
Liberté, audace, modernité, autant de valeurs que revendique le Festival, année après année, à travers les artistes et les films qu’il choisit de mettre à l’honneur. Ingrid Bergman, qui fut Présidente du Jury en 1973, l’encourage dans cette voie…
« Ma famille et moi-même sommes très touchés que le Festival de Cannes ait choisi notre merveilleuse mère pour figurer sur l’affiche officielle, l’année du centenaire de sa naissance », déclare Isabella Rossellini. « Son exceptionnel parcours a couvert tant de pays, des petites productions artisanales européennes aux grandes machines hollywoodiennes. Maman adorait son métier d’actrice : pour elle, jouer la comédie n’était pas une profession mais une vocation. Elle disait : ‘Je n’ai pas choisi de jouer, c’est le jeu qui m’a choisie.’»
À partir d’une photographie de David Seymour, cofondateur de l’agence Magnum, Hervé Chigioni, déjà auteur de l’affiche remarquée de l’année dernière, signe la nouvelle image du Festival 2015 avec son graphiste Gilles Frappier.
Il a réalisé également un film d’animation à partir du visuel, sur un remix du thème musical du Festival, « Le Carnaval des animaux » de Camille Saint-Saëns, avec un arrangement imaginé par deux musiciens suédois, Patrik Andersson et Andreas Söderström.
Film d’ouverture: « La tête haute » d’Emmanuelle Bercot
Cette année, pour la deuxième fois de l’histoire du Festival de Cannes, c’est une réalisatrice qui fera l’Ouverture du Festival. C’est en effet le film de la française Emmanuelle Bercot, « La Tête haute », qui ouvrira, mercredi 13 mai prochain, la 68ème édition du Festival de Cannes après le Biopic d’Olivier Dahan sur Grace Kelly, l’an passé.
« La Tête haute » raconte le parcours éducatif de Malony, de six à dix-huit ans, qu’une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver. Tourné dans le Nord-Pas de Calais, en Rhône-Alpes et en Ile de France, il compte dans sa distribution Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier et Rod Paradot qui interprète le personnage principal.
Critique de « Elle s’en va » d’Emmanuelle Bercot
Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.
L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice. « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.
L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.
Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi avec des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.
Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône. « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû être belle quand elle était jeune » (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe. » : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.
Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse. Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit, belle découverte que Paul Hamy qui incarne l’heureux élu). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, être libérée du poids du passé.
Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie et enfin Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.
Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.
« Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.
Présidents du jury: Ethan et Joel Coen
Situation inédite (et réjouissante) cette année puisque ce n’est pas un président mais deux qui ont été annoncés: les frères Joel et Ethan Coen, de grands habitués de Cannes, lauréats de la palme d’or en 1991 avec « Barton Fink » et qui, récemment avaient obtenu le Grand prix (en 2013, pour « Inside Lleweyn Davis, dont vous retrouverez ma critique ci-dessous), ont accepté l’invitation du nouveau Président du festival Pierre Lescure et du Délégué général Thierry Frémaux de devenir le(s) Président(s) de la 68e édition du Festival. En cette année 2015, qui est celle de la célébration des 120 ans de l’invention du Cinématographe Lumière, le Festival de Cannes sera heureux de saluer ainsi, à travers les Coen, l’œuvre de tous les « frères du cinéma » qui depuis Louis et Auguste Lumière ont enrichi son histoire : outre Joel et Ethan Coen qui gagnèrent la Palme d’or en 1991, Paolo et Vittorio Taviani (en 1976) et Jean-Pierre et Luc Dardenne (en 1998 et en 2005) ont également remporté la récompense suprême.
Films des frères Coen présentés à Cannes:
2013 – INSIDE LLEWYN DAVIS – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues
2007 – CHACUN SON CINÉMA – Hors Compétition Réalisation
2007 – NO COUNTRY FOR OLD MEN – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues
2006 – PARIS, JE T’AIME – Un Certain Regard Réalisation
2004 – THE LADYKILLERS (LADYKILLERS) – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues
2001 – THE MAN WHO WASN’T THERE – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues
2000 – O BROTHER, WHERE ART THOU? – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues
Après la Palme d’or pour « Barton Fink » et le prix de la mise en scène pour « Fargo », il serait étonnant que ce nouveau film des Coen ne figure pas au palmarès. Certains esprits chagrins s’offusquent régulièrement de la présence régulière, voire automatique, de certains grands cinéastes (dont les Coen) dans cette compétition mais comment ne pas choisir un film qui présente un tel niveau de maitrise et d’enchantement ?
« Inside Llewyn Davis » raconte une semaine de la vie d’un jeune chanteur de folk, Llewyn Davis (interprété par Oscar Isaac) dans l’univers musical de Greenwich Village en 1961. Seul avec sa guitare, sans logement, il lutte pour gagner sa vie comme musicien tandis qu’un hiver rigoureux sévit sur New York. Il survit de petits cachets et en étant hébergé chez des amis ou des inconnus. Son périple le conduira jusqu’à Chicago où il auditionnera pour le géant de la musique Bud Grossman (John Goodman)…
Cela commence en musique. Llewyn Davis chante au Gaslight Café, à New York. La scène est d’une beauté mélancolique déjà captivante. Le son est enregistré en direct. Oscar Isaac prête réellement sa voix à cette magnifique complainte folk. La caméra des Coen se glisse discrètement parmi les spectateurs. Nous prenons d’ores et déjà fait et cause pour Llewyn avant même de connaître ses malheurs qu’il collectionne : le chanteur avec qui il formait un duo s’est suicidé, il se fait tabasser, il n’a pas de logement, la femme de son meilleur ami (Carey Mullingan et Justin Timberlake) attend un enfant de lui, et il enregistre une chanson sur Kennedy qui fera un succès et dont il ne touchera pas les droits d’auteur sans parler du chat des amis qui l’hébergent qui s’échappe par sa faute…
Inside Llewyn Davis est largement inspiré de la vie du chanteur Dave Van Ronk, chanteur de folk à New-York qui a aussi vécu au sein de la classe ouvrière et a partagé sa vie entre sa passion pour la musique et un travail dans la marine marchande. Quelques-uns de ses titres figurent d’ailleurs dans le film. Majoritairement composée de reprises, la bande-originale d’ « Inside Llewyn Davis » est produite par le musicien T-Bone Burnett. Deuxième film des Coen sur la musique après « O’Brother », « Inside Llewyn Davis » a néanmoins un ton et une tonalité très différents.
Le Llewyn du film est un perdant attachant, intègre, vibrant de passion pour la musique. A l’image du chat qui va lui échapper, sa vie lui échappe. Ce chat esseulé et attendrissant qui va s’enfuir pour revenir à la maison est d’ailleurs un peu son double. Un chat qui s’appelle (évidemment pas innocemment) Ulysse. Le périple de Llewyn sera beaucoup plus bref que celui du héros de l’Odyssée. Plus bref mais d’une certaine manière héroïque, si on considère l’intégrité comme un héroïsme dans un monde où on propose sans cesse à l’artiste de vendre son âme au diable. Seulement l’intégrité ne mène nulle part. Malgré son talent, Llewyn sera condamné à jouer sur de petites scènes, à survivre, à être parfois -souvent- méprisé, y compris par sa propre soeur.
Chaque interprétation musicale par Oscar Isaac est un moment de grâce. De chaque morceau et de la mise en scène des Coen jaillit une mélancolie bouleversante. Des plans de toute beauté aussi comme celui de Llewyn seul avec sa guitare avançant dans des rues ternes et enneigés sous une lumière grisâtre. Même si ce film se classe donc plutôt dans la catégorie des films plus sérieux et mélancoliques des Coen, il nous offre également quelques moments de comédie burlesque irrésistibles, comme l’enregistrement de cette chanson sur Kennedy. On retrouve également l’humour grinçant des Coen lors du voyage de Llewyn pour Chicago avec un inénarrable duo de jazzmen dont l’un des personnages est interprété par John Goodman, incontournable acteur des films des Coen, d’une misanthropie réjouissante, sans parler de son chauffeur aux dialogues mémorables. La scène de l’audition est également tristement magique, ou quand le talent éclate face à un cynique et sinistre personnage totalement indifférent. Son parcours est ainsi jalonné de désillusions, ses rêves de gloire se transforment en cauchemar.
Oscar Isaac et Carey Mulligan se retrouvent à nouveau dans une relation difficile après « Drive » dans lequel ils étaient mari et femme. Ici, elle est constamment en colère et méconnaissable. Oscar Isaac est quant à lui prodigieux et apporte tout ce qu’il faut d’humanité, de mélancolie, de voix envoûtante, à ce personnage de perdant talentueux et attachant.
« Inside Llewyn Davis » est avant tout un magnifique hommage aux artistes, à ceux qui ne vivent et vibrent que pour leur art, au-delà de celui rendu à la musique folk. Un film porté par des comédiens magnifiques, une musique ensorcelante, un scénario habile, une mise en scène brillante. Bref, un des meilleurs films des frères Coen qui justifie entièrement sa présence en compétition. Un enchantement mélancolique assaisonné d’une note de burlesque. Un film qui transpire de l’amour des deux frères pour les artistes et l’art et qui leur permet de porter le leur à son paroxysme.
Présidente du jury Un Certain Regard – Isabelle Rossellini
L’ actrice et réalisatrice italienne et américaine, Isabella Rossellini, présidera le Jury Un Certain Regard, Sélection officielle du Festival de Cannes dont la composition d’une vingtaine de films sera annoncée, avec celle de la Compétition, lors de la Conférence de presse du 16 avril prochain.
Le festival rend par ailleurs hommage à l’actrice suédoise Ingrid Bergman, mère d’Isabelle Rossellini, qui figure sur l’affiche de cette édition 2015.
A cette occasion, je vous propose de revoir mes vidéos de la passionnante master class qu’Isabella Rossellini a donnée lors du dernier Festival Lumière de Lyon 2014 et ma critique d’un des derniers films avec Isabella Rosseillini, « Two lovers » de James Gray.
Master class d’Isabella Rossellini au Festival Lumière de Lyon 2014
Président du jury de la Cinéfondation et des courts métrages: Abderrahmane Sissako
En 2014, « Timbuktu », véritable chef d’œuvre, était projeté à Cannes, en compétition et il fut l’étonnant absent du palmarès mais le grand gagnant des César 215. Retrouvez, ci-dessous, ma critique de « Timbuktu ». Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako sera donc de retour pour la 68ème édition du Festival où il présidera le Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages. Il succède dans ce rôle aux réalisateurs Abbas Kiarostami, Jane Campion, Michel Gondry, Hou Hsiao-hsien ou Martin Scorsese.
Critique de « Timbuktu »
C’est dans le cadre du dernier Festival de Cannes où il figurait en compétition que j’ai découvert « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, son cinquième long-métrage et le seul long-métrage africain en compétition de cette édition. J’en suis ressortie bouleversée, abasourdie d’éblouissement et d’émotions, persuadée que je venais de voir la palme d’or incontestable de cette 67ème édition tant chaque image, chaque visage y sont d’une beauté inouïe éclairant magnifiquement et brillamment les aspects les plus sombres de l’actualité. Quelle ne fut donc pas ma surprise d’apprendre que le jury de ce 67ème Festival de Cannes présidé par Jane Campion ne lui attribuait pas un seul prix. « Timbuktu » a néanmoins reçu le Prix du jury œcuménique et le Prix François-Chalais. En sélection hors compétition avec « Bamako » en 2006, après avoir présenté « Octobre » en 1993 et « En attendant le bonheur » en 2002, ayant également été membre du jury en 2007, le cinéaste est un habitué de la Croisette.
Au Mali, non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, le berger touareg Kidane (Ibrahim Ahmed dit Pino) mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima (Toulou Kiki), de sa fille Toya (Layla Walet Mohamed) et de Issan (Mehdi Ah Mohamed), son petit berger âgé de 12 ans. Pendant ce temps, en ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des Djihadistes. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou jusqu’au jour où Kidane tue accidentellement Amadou, le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il va alors subir les lois iniques et aberrantes des occupants.
« Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment » a déclaré Abderrahmane Sissako dont l’envie de réaliser ce film a surgi après un fait réel survenu en juillet 2012, dans la petite ville d’Aguelhok au Mali. Un couple d’une trentaine d’années avait alors été placé dans deux trous creusés dans le sol en place publique, puis lapidé. Leur unique « faute » était d’avoir eu des enfants hors mariage. Choqué par la lapidation publique du couple mais aussi par l’absence de médiatisation de ce fait atroce, Abderrahmane Sissako a alors décidé de réaliser « Timbuktu».
Tout est contenu dans les premiers plans, prémonitoires : la beauté, la liberté, la grâce incarnées par une gazelle qui court poursuivie par des Djihadistes en jeep. « Ne la tuez pas, fatiguez-la ! », crie leur chef. Puis, des œuvres d’art détruites : des masques et statuettes qui servent de cible à des exercices de tir. La violence absurde, ridicule, terrible des fanatiques face à la culture, la poésie et la beauté.
Avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, si rare au cinéma a fortiori quand il s’agit de traiter d’une actualité aussi grave, en refusant le spectaculaire, Sissako montre avec d’autant plus de force et de portée toute l’absurdité de cette violence. Il a aussi l’intelligence d’éviter tout manichéisme, de quérir et montrer la bonté derrière la cruauté comme ce Djihadiste qui danse tandis qu’un homme et une femme sont lapidés à mort. La beauté et la violence de la scène, enlacées, n’en sont alors que plus foudroyantes et convaincantes. Aux pires moments surgissent des éclairs d’humanité comme quand cet autre Djihadiste compatit lorsque Kidane parle de sa fille bientôt orpheline tout en refusant néanmoins que soit traduite sa phrase compatissante. Des contrastes judicieux entre sérénité et brutalité, poésie et violence, le fond et la forme, grâce notamment à une construction savamment orchestrée : soleil irradiant et illuminant une scène tragique, plan mis en parallèle avec le précédent illustrant la drôlerie tragique de l’absurdité fanatique, début et fin se répondant avec une logique et violence implacables. Aucun plan n’est superflu. Chaque plan est sidérant de beauté, de significations et de minutie.
Il montre des fanatiques parfois courtois, mais surtout hypocrites (par exemple interdisant de fumer et fumant en cachette) et ridicules, parfois enfantins. La musique, les cigarettes, le football sont interdits. Les ordres, cocasses s’ils n’étaient dramatiquement réels, sont scandés par mégaphones. Des tribunaux rendent des sentences absurdes. Les femmes sont mariées de force ou encore obligées de porter des chaussettes et des gants…y compris la marchande de poissons qui résiste avec un courage inouï. L’équipe du film a, elle aussi, fait preuve de courage : le film, qui est sensé se situer à Tombouctou, a ainsi dû être tourné près de la frontière malienne, à l’extrême Est de la Mauritanie, dans un village hautement sécurisé. La folle Zabou est la seule femme à être épargnée. Interprétée par Kettly Noël, danseuse haïtienne installée à Bamako, faisant référence au tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010 en Haïti, elle dit ainsi : « Le tremblement de terre, c’est mon corps. Je suis fissurée de partout ». Un autre chaos qui fait écho à celui, tout aussi ravageur, qui règne alors au Mali.
Chaque plan est un véritable tableau dont la beauté ahurissante et la sérénité apparente exacerbent davantage encore la cruauté de ce qu’il raconte. Que dire de ce plan large vertigineux de beauté et qui nous laisse le temps (d’admirer, d’éprouver, de réfléchir), suite à la mort du pêcheur, un plan digne des plus grands westerns qui nous fait éprouver la somptuosité douloureuse et tragique de l’instant. La beauté et la dignité l’emportent sur l’horreur, constamment. La beauté formelle du film pour raconter l’âpreté du quotidien devient alors un acte de résistance. Ces personnages qui se dressent contre l’horreur comme cette jeune fille flagellée parce qu’elle a chanté et qui se met à chanter tandis qu’elle subit son châtiment est ainsi un exemple de cette résistance, une scène qui a la force poignante de « la Marseillaise » chantée dans « Casablanca».
Sissako recours parfois aussi au burlesque pour montrer toute l’absurdité du fanatisme comme un écho à cette scène de « La vie est belle » de Benigni quand le petit garçon Giosué lit sur une vitrine « Entrée interdite aux juifs et aux chiens » et que Guido (Benigni) tourne l’inacceptable stupidité en dérision en déclarant qu’il interdirait son magasin « aux araignées et aux wisigoths ». De même, Sissako souligne aussi les contradictions grotesques des fanatiques qui interdisent la musique mais ne savent qu’en faire lorsqu’il s’agit de louanges au Dieu au nom duquel ils prétendent appliquer leur loi qui n’a pourtant rien à voir avec celle de la sagesse de l’imam de Tombouctou, impuissant face à ces horreurs et cette interprétation erronée de sa religion. Quelle intelligence faut-il pour réagir avec autant de sang-froid à une actualité aussi révoltante et brûlante sans tomber dans le mélodrame larmoyant, écueil magnifiquement évité par le cinéaste ?
Le film est aussi une ode à l’imaginaire, arme et ultime espoir comme ces jeunes qui miment un match de foot sans ballon alors que le football leur est interdit. La musique, splendide, d’Amine Bouhafa ajoute de l’ampleur et de la force à cette scène sublimée par la photographie de Sofiane El Fani (directeur de la photographie de « La vie d’Adèle) qui nimbe le film d’une douceur poétique enivrante. La justesse de l’interprétation (quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que beaucoup des acteurs du film sont non professionnels, parfois choisis à la dernière minute), l’expressivité des visages et la beauté qui émane de l’harmonie de la famille de Kidane renforcent encore la force du film et de ses messages.
Laissez-vous à votre tour éblouir par la maîtrise époustouflante, par la beauté flamboyante, étourdissante, de Timbuktu, un film d’actualité empreint d’une poésie et d’une sérénité éblouissantes, de pudeur et de dérision salutaires, signifiantes : un acte de résistance et un magnifique hommage à ceux qui subissent l’horreur en silence. Sissako souligne avec intelligence et retenue la folie du fanatisme et de l’obscurantisme religieux contre lesquels son film est un formidable plaidoyer dénué de manichéisme, parsemé de lueurs d’humanité et finalement d’espoir, la beauté et l’amour sortant victorieux dans ce dernier plan bouleversant, cri de douleur, de liberté et donc d’espoir déchirant à l’image de son autre titre, sublime : « Le chagrin des oiseaux ». Le film de l’année. Bouleversant. Eblouissant. Brillant. Nécessaire.
Le maître de cérémonie(s): Lambert Wilson
L’an passé, je vous avais raconté ici les cérémonies d‘ouverture et de clôture du 67ème Festival de Cannes et l’intelligence et l’élégance avec lesquelles Lambert Wilson les avait présentées.
Lambert Wilson fait sa première apparition à Cannes en 1985, avec Rendez-vous, d’André Téchiné. Il revient ensuite à plusieurs reprises en Sélection, en tant qu’interprète mais aussi comme Président du Jury Un Certain Regard (1999).
En 2010, lors du 63e Festival de Cannes, il bouleverse les festivaliers par sa performance dans Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, Grand Prix du Jury cette année-là et pour lequel Lambert Wilson sera nommé quelques mois plus tard pour le César du Meilleur acteur.
Je me réjouis donc d’apprendre qu’il sera à nouveau le maître de cérémonie cette année.
A cette occasion, je vous propose trois critiques de films d’Alain Resnais avec Lambert Wilson dont « Vous n’avez encore rien vu », mon immense coup de cœur du Festival de Cannes 2012.
Disons-le d’emblée, le film d’Alain Resnais était mon énorme coup de cœur de l’édition 2012 du Festival de Cannes avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse (section Un Certain Regard) et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (Semaine de la Critique). Bien sûr, il est difficile d’évincer (et de comparer) avec « Amour » et « De rouille et d’os » qui m’ont également enthousiasmée mais ce film a (et a suscité) ce quelque chose en plus, cet indicible, cet inexplicable que l’on pourrait nommer coup de foudre.
Après tant de grands films, des chefs d’œuvres souvent même, Alain Resnais prouve une nouvelle fois qu’il peut réinventer encore et encore le dispositif cinématographique, nous embarquer là où on ne l’attendait pas, jouer comme un enfant avec la caméra pour nous donner à notre tour ce regard d’enfant émerveillé dont il semble ne s’être jamais départi. A bientôt 90 ans, il prouve que la jeunesse, l’inventivité, la folie bienheureuse ne sont pas questions d’âge.
Antoine, homme de théâtre, convoque après sa mort, ses amis comédiens ayant joué dans différentes versions d’Eurydice, pièce qu’il a écrite. Il a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de cette pièce: une jeune troupe lui a en effet demandé l’autorisation de la monter et il a besoin de leur avis.
Dès le début, la mise en abyme s’installe. Les comédiens appelés par leurs véritables noms reçoivent un coup de fil leur annonçant la mort de leur ami metteur en scène. Première répétition avant une succession d’autres. Puis, ils se retrouvent tous dans cette demeure étrange, presque inquiétante, tel un gouffre un peu morbide où leur a donné rendez-vous Antoine. Cela pourrait être le début d’un film policier : tous ces comédiens réunis pour découvrir une vérité. Mais la vérité qu’ils vont découvrir est toute autre. C’est celle des mots, du pouvoir et de la magie de la fiction.
Puis, se passe ce qui arrive parfois au théâtre, lorsqu’il y a ce supplément d’âme, de magie (terme que j’ai également employé pour « Les bêtes du sud sauvage« , autre coup de coeur de 2012, mais aussi différents soient-ils, ces deux films ont cet élément rare en commun), lorsque ce pouvoir des mots vous embarque ailleurs, vous hypnotise, vous fait oublier la réalité, tout en vous ancrant plus que jamais dans la réalité, vous faisant ressentir les palpitations de la vie.
En 1942, Alain Resnais avait ainsi assisté à une représentation d’ « Eurydice » de Jean Anouilh de laquelle il était sorti bouleversé à tel point qu’il avait fait deux fois le tour de Paris à bicyclette. C’est aussi la sensation exaltante que m’a donné ce film!
Chaque phrase prononcée, d’une manière presque onirique, magique, est d’une intensité sidérante de beauté et de force et exalte la force de l’amour. Mais surtout Alain Resnais nous livre ici un film inventif et ludique. Il joue avec les temporalités, avec le temps, avec la disposition dans l’espace (usant parfois aussi du splitscreen entre autres « artifices »). Il donne à jouer des répliques à des acteurs qui n’en ont plus l’âge. Cela ne fait qu’accroître la force des mots, du propos, leur douloureuse beauté et surtout cela met en relief le talent de ses comédiens. Rarement, je crois, j’aurais ainsi été émue et admirative devant chaque phrase prononcée quel que soit le comédien. A chaque fois, elle semble être la dernière et la seule, à la fois la première et l’ultime. Au premier rang de cette distribution (remarquable dans sa totalité), je citerai Pierre Arditi, Lambert Wilson, Anne Consigny, Sabine Azéma mais en réalité tous sont extraordinaires, aussi extraordinairement dirigés.
C’est une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit ce n’est pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante, exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toutes façons transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots. Ajoutez à cela la musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante et vous obtiendrez un film inclassable et si séduisant (n’usant pourtant d’aucune ficelle pour l’être mais au contraire faisant confiance à l’intelligence du spectateur).
Ce film m’a enchantée, bouleversée, m’a rappelé pourquoi j’aimais follement le cinéma et le théâtre, et les mots. Ce film est d’ailleurs au-delà des mots auquel il rend pourtant un si bel hommage. Ce film aurait mérité un prix d’interprétation collectif, un prix de la mise en scène…et pourquoi pas une palme d’or (il est malheureusement reparti bredouille du palmarès de ce Festival de Cannes 2012) ! Ces quelques mots sont bien entendu réducteurs pour vous parler de ce grand film, captivant, déroutant, envoûtant, singulier. Malgré tout ce que je viens de vous en dire, dîtes-vous que de toutes façons, « Vous n’avez encore rien vu ». C’est bien au-delà des mots. Et espérons que nous aussi nous n’avons encore rien vu et qu’Alain Resnais continuera encore très longtemps à nous surprendre et enchanter ainsi. Magistralement.
Commençons par le premier film projeté dans le cadre du festival qui est aussi le plus ancien des trois « On connaît la chanson ». Toute la malice du cinéaste apparaît déjà dans le titre de ce film de 1997, dans son double sens, propre et figuré, puisqu’il fait à la fois référence aux chansons en playback interprétées dans le film mais parce qu’il sous-entend à quel point les apparences peuvent être trompeuses et donc que nous ne connaissons jamais vraiment la chanson…
Suite à un malentendu, Camille (Agnès Jaoui), guide touristique et auteure d’une thèse sur « les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru » s’éprend de l’agent immobilier Marc Duveyrier (Lambert Wilson). Ce dernier est aussi le patron de Simon (André Dussolier), secrètement épris de Camille et qui tente de vendre un appartement à Odile (Sabine Azéma), la sœur de Camille. L’enthousiaste Odile est décidée à acheter cet appartement malgré la désapprobation muette de Claude, son mari velléitaire (Pierre Arditi). Celui-ci supporte mal la réapparition après de longues années d’absence de Nicolas (Jean-Pierre Bacri), vieux complice d’Odile qui devient le confident de Simon et qui est surtout très hypocondriaque.
Ce film est pourtant bien plus que son idée de mise en scène, certes particulièrement ludique et enthousiasmante, à laquelle on tend trop souvent à le réduire. A l’image de ses personnages, le film d’Alain Resnais n’est pas ce qu’il semble être. Derrière une apparente légèreté qui emprunte au Boulevard et à la comédie musicale ou du moins à la comédie (en) »chantée », il débusque les fêlures que chacun dissimule derrière de l’assurance, une joie de vivre exagérée, de l’arrogance ou une timidité.
C’est un film en forme de trompe-l’œil qui commence dès la première scène : une ouverture sur une croix gammée, dans le bureau de Von Choltitz au téléphone avec Hitler qui lui ordonne de détruire Paris. Mais Paris ne disparaîtra pas et sera bien heureusement le terrain des chassés-croisés des personnages de « On connaît la chanson », et cette épisode était juste une manière de planter le décor, de nous faire regarder justement au-delà du décor, et de présenter le principe de ces extraits chantés. La mise en scène ne cessera d’ailleurs de jouer ainsi avec les apparences, comme lorsqu’Odile parle avec Nicolas, lors d’un dîner chez elle, et que son mari Claude est absent du cadre, tout comme il semble d’ailleurs constamment « absent », ailleurs.
Resnais joue habilement avec la mise en scène mais aussi avec les genres cinématographiques, faisant parfois une incursion dans la comédie romantique, comme lors de la rencontre entre Camille et Marc. L’appartement où ils se retrouvent est aussi glacial que la lumière est chaleureuse pour devenir presque irréelle mais là encore c’est une manière de jouer avec les apparences puisque Marc lui-même est d’une certaine manière irréel, fabriqué, jouant un personnage qu’il n’est pas.
Le scénario est signé Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri et témoigne déjà de leur goût des autres et de leur regard à la fois acéré et tendre sur nos vanités, nos faiblesses, nos fêlures. Les dialogues sont ainsi des bijoux de précision et d’observation mais finalement même s’ils mettent l’accent sur les faiblesses de chacun, les personnages ne sont jamais regardés avec condescendance mais plutôt lucidité et indulgence. Une phrase parfois suffit à caractériser un personnage comme cette femme qui, en se présentant dit, « J’suis une collègue d’Odile. Mais un petit cran au-dessus. Mais ça ne nous empêche pas de bien nous entendre ! ». Tout est dit ! La volonté de se montrer sous son meilleur jour, conciliante, ouverte, indifférente aux hiérarchies et apparences…tout en démontrant le contraire. Ou comme lorsque Marc répète à deux reprises à d’autres sa réplique adressée à Simon dont il est visiblement très fier « Vous savez Simon, vous n’êtes pas seulement un auteur dramatique, mais vous êtes aussi un employé dramatique ! » marquant à la fois ainsi une certaine condescendance mais en même temps une certaine forme de manque de confiance, et amoindrissant le caractère a priori antipathique de son personnage.
Les personnages de « On connaît la chanson » sont avant tout seuls, enfermés dans leurs images, leurs solitudes, leur inaptitude à communiquer, et les chansons leur permettent souvent de révéler leurs vérités masquées, leurs vrais personnalités ou désirs, tout en ayant souvent un effet tendrement comique. De « J’aime les filles » avec Lambert Wilson au « Vertige de l’amour » avec André Dussolier (irrésistible ) en passant par le « Résiste » de Sabine Azéma. C’est aussi un moyen de comique de répétition dont est jalonné ce film : blague répétée par Lambert Wilson sur Simon, blague de la publicité pour la chicorée lorsque Nicolas montre la photo de sa famille et réitération de certains passages chantés comme « Avoir un bon copain ».
Chacun laissera tomber son masque, de fierté ou de gaieté feinte, dans le dernier acte où tous seront réunis, dans le cadre d’une fête qui, une fois les apparences dévoilées (même les choses comme l’appartement n’y échappent pas, même celui-ci se révèlera ne pas être ce qu’il semblait), ne laissera plus qu’un sol jonché de bouteilles et d’assiettes vides, débarrassé du souci des apparences, et du rangement (de tout et chacun dans une case) mais la scène se terminera une nouvelle fois par une nouvelle pirouette, toute l’élégance de Resnais étant là, dans cette dernière phrase qui nous laisse avec un sourire, et l’envie de saisir l’existence avec légèreté.
Rien n’est laissé au hasard, de l’interprétation (comme toujours chez Resnais remarquable direction d’acteurs et interprètes judicieusement choisis, de Dussolier en amoureux timide à Sabine Azéma en incorrigible optimiste en passant par Lambert Wilson, vaniteux et finalement pathétique et presque attendrissant) aux costumes comme les tenues rouges et flamboyantes de Sabine Azéma ou d’une tonalité plus neutre, voire fade, d’Agnès Jaoui.
« On connaît la chanson » a obtenu 7 César dont celui du meilleur film et du meilleur scénario original. C’est pour moi un des films les plus brillants et profonds qui soient malgré sa légèreté apparente, un mélange subtile –à l’image de la vie – de mélancolie et de légèreté, d’enchantement et de désenchantement, un film à la frontière des émotions et des genres qui témoigne de la grande élégance de son réalisateur, du regard tendre et incisif de ses auteurs et qui nous laisse avec un air à la fois joyeux et nostalgique dans la tête. Un film qui semble entrer dans les cadres et qui justement nous démontre que la vie est plus nuancée et que chacun est forcément plus complexe que la case à laquelle on souhaite le réduire, moins lisse et jovial que l’image « enchantée » qu’il veut se donner. Un film jubilatoire enchanté et enchanteur, empreint de toute la richesse, la beauté, la difficulté, la gravité et la légèreté de la vie. Un film tendrement drôle et joyeusement mélancolique à voir, entendre et revoir sans modération…même si nous connaissons déjà la chanson !
Dans le cadre du festival était également projeté « Cœurs », un film d’Alain Resnais de 2006. Le film choral était alors à la mode. Alain Resnais, cinéaste emblématique de la modernité, ne suit pas les modes mais les initie, encore. Malgré le temps, sa modernité n’a pas pris une ride et de ce point de vue du haut de ses 80 ans et quelques, mais surtout du haut de ses innombrables chefs d’œuvre (Hiroshima, mon amour, L’année dernière à Marienbad, Nuit et brouillard, On connaît la chanson, Smoking, no smoking, Je t’aime, je t’aime et tant d’autres), il reste le plus jeune des cinéastes. Coeurs est l’adaptation de Private fears in public places, une pièce de théâtre de l’auteur anglais Alain Ayckbourn dont Alain Resnais avait déjà adapté en 1993 une autre de ses œuvres, pour en faire Smoking, No smoking.
Ce film, choral donc, croise les destins de six « cœurs en hiver » dans le quartier de la Grande Bibliothèque, quartier froid, moderne et impersonnel, sous la neige du début à la fin du film. La neige, glaciale, évidemment. La neige qui incite à se presser, à ne pas voir, à ne pas se rencontrer, à fuir l’extérieur. C’est donc à l’intérieur qu’il faut chercher la chaleur. Normalement. A l’intérieur qu’on devrait se croiser donc. Alors, oui, on se croise mais on ne se rencontre pas vraiment.
C’est probablement d’On connaît la chanson que se rapproche le plus ce film, en particulier pour la solitude des personnages. Le dénouement est pourtant radicalement différent et avec les années qui séparent ces deux films la légèreté s’est un peu évaporée. Ainsi, dans On connaît la chanson les personnages chantent. Là, ils déchantent plutôt. Ils sont en quête surtout. En quête de désirs. De désir de vivre, surtout, aussi. Même dans un même lieu, même ensemble, ils sont constamment séparés : par un rideau de perle, par la neige, par une séparation au plafond, par une cloison en verre, par des couleurs contrastées, par des cœurs qui ne se comprennent plus et ne battent plus à l’unisson. Non, ces cœurs-là ne bondissent plus. Ils y aspirent pourtant.
Le coeur se serre plus qu’il ne bondit. A cause des amours évanouis. Des parents disparus. Du temps passé. Ils sont enfermés dans leur nostalgie, leurs regrets même si la fantaisie et la poésie affleurent constamment sans jamais exploser vraiment. La fantaisie est finalement recouverte par la neige, par l’apparence de l’innocence. L’apparence seulement. Chaque personnage est auréolé de mystère. Resnais a compris qu’on peut dire beaucoup plus dans les silences, dans l’implicite, dans l’étrange que dans un excès de paroles, l’explicite, le didactique. Que la normalité n’est qu’un masque et un vain mot.
Comme toujours chez Resnais les dialogues sont très et agréablement écrits. La mise en scène est particulièrement soignée : transitions magnifiquement réussies, contrastes sublimes et saisissants des couleurs chaudes et froides, jeu sur les apparences (encore elles). Rien d’étonnant à ce qu’il ait obtenu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur à Venise.
De la mélancolie, Alain Resnais est passé à la tristesse. De l’amour il est passé à la tendresse. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la fin, se retrouvent, seuls, enlacés. Sur l’écran de télévision qu’ils regardent, s’inscrit alors le mot fin. Espérons qu’elle ne préfigure pas la croyance du réalisateur en celle du cinéma, peut-être sa disparition sur le petit écran du moins. Peut-être la fin des illusions du cinéaste.
En suivant les cœurs de ces personnages désenchantés, leurs « cœurs en hiver », Alain Resnais signe là un film particulièrement pessimiste, nostalgique, cruel parfois aussi. On en ressort tristes, nous aussi, tristes qu’il n’ait plus le cœur léger. Un film qui mérite néanmoins d’être vu. Pour ses acteurs magistraux et magistralement dirigés. Pour la voix de Claure Rich vociférant. Pour le vibrant monologue de Pierre Arditi. Pour le regard d’enfant pris en faute de Dussolier. Pour la grâce désenchantée d’Isabelle Carré. Pour la fantaisie sous-jacente de Sabine Azéma. Pour l’égarement de Lambert Wilson. Pour la voix chantante de Laura Morante soudainement aussi monotone que les appartements qu’elle visite. Pour et à cause de cette tristesse qui vous envahit insidieusement et ne vous quitte plus. Pour son esthétisme si singulier, si remarquablement soigné. Pour la sublime photographie d’Eric Gautier. Pour sa modernité, oui, encore et toujours. Parce que c’est une pierre de plus au magistral édifice qu’est l’œuvre d’Alain Resnais.
« Mad Max » de Georges Miller projeté hors compétition
Certains l’attendaient en ouverture pour succéder au Biopic d’Olivier Dahan sur Grace Kelly qui fait l’ouverture du Festival de Cannes 2014, c’est néanmoins le lendemain de celle-ci que sera projeté « Mad Max » de Georges Miller, le 14 Mai 2015. C’est donc Tom Hardy qui incarnera le héros entré dans la légende sous les traits de Mel Gibson. Max Rockatansky, joué par Tom Hardy, va rencontrer l’impératrice Furiosa, interprétée par Charlize Theron, qui fuit une bande lancée à ses trousses…
Le film sortira dans le monde entier, le 14 Mai.
Pour en savoir plus et pour tout ce qui concerne la Semaine de la Critique et la Quinzaine des Réalisateurs, retrouvez mes articles détaillés sur Inthemoodforcannes.com.
PROGRAMME DETAILLE DE CANNES CLASSICS
• Invité d’honneur : COSTA-GAVRAS Palme d’or avec Missing en 1982, membre du Jury en 1976 (il récompensa Taxi Driver), Prix de la mise en scène avec Section spéciale en 1975, c’est en sa présence que sera projeté Z, Prix du Jury en 1969. Z (1968, 2h07) Présenté par KG Productions avec le soutien du CNC. Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 2K par Eclair Group et par LE Diapason pour le son. Restauration et étalonnage supervisés par Costa-Gavras.
• Les documentaires sur le cinéma :
• Hitchcock / Truffaut de Kent Jones (2015, 1h28) Co-écrit par Kent Jones et Serge Toubiana. Produit par Artline Films, Cohen Media Group et Arte France.
• Depardieu grandeur nature de Richard Melloul (2014, 1h) Produit par Richard Melloul Productions et Productions Tony Comiti.
• Steve McQueen : The Man & Le Mans de Gabriel Clarke et John McKenna (2015, 1h52) Produit par John McKenna.
• By Sidney Lumet de Nancy Buirski (2015, 1h43) Produit par Augusta Films, co-produit par American Masters. Présenté par RatPac Documentary Films.
• Harold and Lillian : a Hollywood Love Story de Daniel Raim (2015, 1h41) Produit par Adama Films.
Rappelons que dans le cadre de l’hommage à Ingrid Bergman sera projeté : • Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid/Ingrid Bergman, in Her Own Words) de Stig Björkman (2015, 1h54) Produit par Stina Gardell/Mantaray Film.
Et enfin, à l’occasion de la célébration des soixante ans de la création de la Palme d’or : •La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend) d’Alexis Veller (2015, 1h10) Produit par AV productions.
• Centenaire Orson Welles Citizen Kane d’Orson Welles (1941, 1h59) Une présentation de Warner Bros. Restauration 4k réalisée chez Warner Bros. Motion Picture Imagery par l’étalonneuse Janet Wilson, sous la supervision de Ned Price. Le négatif original n’existant plus, image reconstituée d’après trois interpositifs noirs et blancs à grain fin support nitrate. Son optique « RCA squeeze duplex format. »
The Third Man (Le Troisième homme) de Carol Reed (1949, 1h44) Une présentation de Studiocanal. Marron, élément nitrate de 2ème génération (négatif original inexistant), numérisé en 4K et restauré image par image en 4K par Deluxe en Angleterre. Restauration supervisée par Studiocanal. The Lady From Shanghai (La Dame de Shanghai) d’Orson Welles (1948, 1h27) Présenté par Park Circus. Restauration en 4K chez Colorworks à Sony Pictures. Le négatif d’origine en nitrate a été scanné en 4K chez Deluxe à Hollywood avant restauration numérique, un travail complété chez MTI Film à Los Angeles. Restauration sonore au Chase Audio chez Deluxe, étalonnage et DCP préparés par Colorworks.
Deux documentaires sur Orson Welles :
Orson Welles, Autopsie d’une légende d’Elisabeth Kapnist (2015, 56mn) Produit par Phares et balises et Arte France.
This Is Orson Welles de Clara et Julia Kuperberg (2015, 53mn) Produit par TCM Cinéma et Wichita Films.
• Une soirée Barbet Schroeder More de Barbet Schroeder (1969, 1h57) Restauration chez Digimage Classics, dans une filière 2K. Le laboratoire a travaillé d’après les négatifs originaux image et son. L’étalonnage a été supervisé par Barbet Schroeder. Le film suivra la projection de Amnesia (2015, 1h36) en Séance spéciale.
• Hommage à Manoel de Oliveira Grâce à la fille de Manoel de Oliveira, Adelaide Trepa, et à son petit-fils Manuel Casimiro, qui l’ont permis, en lien avec José Manuel Costa, directeur, et Rui Machado, sous-directeur, de la Cinemateca Portuguesa, le Festival de Cannes projettera son film posthume Visita ou Memórias e Confissões (1982, 1h08). Totalement inédit, il n’aura été montré qu’à la Cinemateca Portuguesa de Lisbonne et Porto, ville natale de Manoel de Oliveira.
• Lumière ! Après Georges Méliès dans la Grande Salle et à l’occasion de la célébration des 120 ans de la naissance du Cinématographe Lumière, projection d’un montage de films Lumière dans le Grand Théâtre… Lumière. Une présentation de l’Institut Lumière, du Centre National du Cinéma et de la Cinémathèque française. Projection en DCP 4K. Restauration 4K conduite par Eclair Group, en collaboration avec l’Immagine Ritrovata.
• Copies restaurées
• Rocco e i suoi fratelli (Rocco and His Brothers / Rocco et ses frères) de Luchino Visconti (1960, 2h57) Une présentation de la Film Foundation. Une restauration de la Cineteca di Bologna à L’Immagine Ritrovata laboratory en association avec Titanus, TF1 Droits Audiovisuels et The Film Foundation. Restauration financée par Gucci et The Film Foundation.
• Les Yeux brûlés de Laurent Roth (1986, 58mn) Une présentation du CNC et de l’ECPAD en présence de Laurent Roth. Restauration numérique effectuée à partir de la numérisation en 2K des négatifs 35 mm et la numérisation des éléments originaux s’ils existaient encore pour les images d’archives. Restauration réalisée par le laboratoire du CNC à Bois d’Arcy.
• Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1958, 1h33) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• La Noire de… (Black Girl) de Ousmane Sembène (1966, 1h05) Restauré par The Film Foundation pour le World Cinema Project en collaboration avec le Sembène Estate, l’Institut national de l’audiovisuel, INA, les laboratoires Eclair et le Centre national du cinéma et de l’image animée, CNC. Restauration menée à la Cineteca di Bologna/L’Immagine Ritrovata Laboratory. Précédé du documentaire : SEMBENE! de Samba Gadjigo et Jason Silverman (2015, 1h22). Produit par Galle Ceddo Projects, Impact Partners, New Mexico Media Partners, SNE Partners.
• Insiang de Lino Brocka (1976, 1h35) Insiang fut le premier long métrage philippin à être présenté à Cannes. Restauré par The Film Foundation pour le World Cinema Project. Restauration Cineteca di Bologna/L’Immagine Ritrovata financée par le World Cinema Project de la Film Foundation et le Film Development Council des Philippines.
• Sur (The South / Le Sud) de Fernando Solanas (1988, 2h03) Présenté par Cinesur et Blaq Out en partenariat avec UniversCiné et l’INCAA. Restauration en haute définition réalisée par le laboratoire Cinecolor – Industrias Audiovisuales S.A, dirigée par Roberto Zambrino et supervisée par Fernando Solanas à l’occasion de la restauration de l’ensemble de ses films qui sortiront en coffret DVD (éditions Blaq Out).
• Zangiku Monogatari (The Story of the Last Chrysanthemum / Le Conte du chrysanthème tardif) de Kenji Mizoguchi (1939, 2h23) Une présentation du studio Shochiku. La restauration numérique, issue d’un transfert 4K (projection 2K), a été réalisée par Shochiku Co., Ltd.
• Jingi Naki Tatakai (Battles Without Honor and Humanity aka Yakusa Paper / Combat sans code d’honneur) de Kinji Fukasaku (1973, 1h39) Une présentation de TOEI COMPANY, LTD. Restauration numérique en 2K réalisée à partir du négatif original 35mm par TOEI LABO TECH. Distribution France : Wild Side Films.
• Szegénylegények (The Round-Up / Les Sans espoir) de Miklós Jancsó (1965, 1h28) Une présentation du Hungarian National Film Fund et du Hungarian National Digital Film Archive and Film Institute (MaNDA). En compétition au Festival de Cannes en 1966. Restauration 2K image et son par le Hungarian Filmlab à partir du négatif 35mm.
• Les Ordres (Orderers) de Michel Brault (1974, 1h48) Une présentation de « Éléphant, mémoire du cinéma québécois. » Numérisation haute définition à partir de trois sources: négatif original 35 mm couleur A et B, interpositif et internégatif 35 mm. Son restauré à partir d’un mix magnétique 35 mm trois pistes. Restauration dirigée par Marie-José Raymond, et étalonnage de Claude Fournier, en collaboration avec le réalisateur, Michel Brault, à Technicolor Montréal.
• Panique de Julien Duvivier (1946, 1h31) Présenté par TF1 DA. Le négatif original ayant disparu, restauration en 2K chez Digimage à partir du marron nitrate.
• Xia Nu (俠女 / A Touch of Zen) de King Hu (1973, 3h) Une présentation du Taiwan Film Institute. Premier film taïwanais au Festival de Cannes et premier film en langue mandarin à y être présenté. 40e anniversaire du Grand Prix de la Commission Supérieure Technique en 1975. Restauration numérique réalisée en 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne à partir du négatif. Le directeur de la photographie a supervisé l’étalonnage. Distributeur : Carlotta.
• Dobro Pozhalovat, Ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing) de Elem Klimov (1964, 1h14) Une présentation de la Open World Foundation et de Mosfilm. Numérisation en 2K, restauration son et image de Mosfilm et Krupny Plan.
• La Historia Oficial (The Official Story / L’Histoire officielle) de Luis Puenzo (1984, 1h50) Une présentation de Historias Cinematográficas. Prix d’interprétation féminine ex-aequo au Festival de Cannes 1985 pour Norma Aleandro et Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1986. Restauration en 4K à partir du négatif original. Réétalonnage mené par le réalisateur et le directeur de la photographie. Son numérisé à partir d’une restauration du support magnétique puis remixé en 5.1 avec de nouveaux effets et orchestrations additionnelles. Financement par le National Film Institute argentin (INCAA) et travail exécuté à Cinecolor Lab sous la supervision du réalisateur/producteur Luis Puenzo.
• Marius de Alexander Korda (1931, 2h), scénario et dialogues de Marcel Pagnol Restauration par la Compagnie méditerranéenne de film – MPC et La Cinémathèque française, avec le soutien du CNC, du Fonds Culturel Franco-Américain DGA-MPA-SACEM- WGAW, le concours d’ARTE France Unité Cinéma et des Archives Audiovisuelles de Monaco, avec la participation de la SOGEDA Monaco. La restauration 4K a été supervisée par Nicolas Pagnol et Hervé Pichard (La Cinémathèque française). Les travaux ont été réalisés par le laboratoire DIGIMAGE. L’étalonnage a été mené par Guillaume Schiffma
Et Cannes Classics au Cinéma de la Plage !
• Ran d’Akira Kurosawa (1985, 2h42) Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 4K par Eclair. Restauration image, étalonnage et restauration son supervisés par STUDIOCANAL en collaboration avec Kadokawa (co-producteur japonais). Etalonnage validé par M. Ueda (chef opérateur), collaborateur de Akira Kurosawa sur le tournage du film.
• Hibernatus d’Edouard Molinaro (1969, 1h40) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• Le Grand blond avec une chaussure noire d’Yves Robert (1972, 1h30) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• Jurassic Park 3D de Steven Spielberg (1993, 2h01)
• Ivan Le terrible 1 et 2 de Sergueï Eisenstein (1944, 1h40 et 1945, 1h26) Restauration numérique son et image effectuée par MOSFILM Cinema Concern sous la supervision de Karen Shakhnazarov.
• The Terminator de James Cameron (1984, 1h48) Metro-Goldwyn-Mayer Studios présentera le film avant la ressortie mondiale par Park Circus.
• The Usual Suspects de Bryan Singer (1995, 1h46) Metro-Goldwyn-Mayer Studios présentera le film en DCP pour la première fois, 20 ans après sa première projection au Festival de Cannes.
• Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938, 1h35) Une restauration présentée par MK2 avec le soutien du CNC. Restauration image 2K (d’après un scan 4K du négatif image nitrate) faite par Digimage Classics.
• Joe Hill de Bo Widerberg (1971, 1h50) Restauration 2K présentée par Malavida Films et le Swedish Film Institute qui a mené le travail à partir d’un internégatif. Par ailleurs, le Cinéma de la Plage présentera en avant-première mondiale Enragés de Eric Hannezo (2015, 1h40) avec Lambert Wilson, Guillaume Gouix et Virginie Ledoyen. En Séance spéciale. Produit par Black Dynamite et JD Prod.
Critique de « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti.
Ce soir, à 20H45, sur Cine + Classic, ne manquez pas ce chef d’œuvre de Visconti. A cette occasion, retrouvez, ci-dessous, ma critique du film ainsi que, plus bas, celles de deux autres chefs d’œuvre de Visconti « Le Guépard » et « Ludwig ou le Crépuscule des Dieux ».
Synopsis : Après le décès de son mari, Rosaria Parondi (Katina Paxinou), mère de cinq fils, arrive à Milan accompagnée de quatre de ses garçons : Rocco (Alain Delon) Simone, (Renato Salvatori), Ciro (Max Cartier) et Luca (Rocco Vidolazzi), le benjamin. C’est chez les beaux-parents de son cinquième fils, Vincenzo (Spyros Fokas) qu’ils débarquent. Ce dernier est ainsi fiancé à Ginetta (Claudia Cardinale). Une dispute éclate. Les Parondi se réfugient dans un logement social. C’est là que Simone fait la connaissance de Nadia (Annie Girardot), une prostituée rejetée par sa famille. Simone, devenu boxeur, tombe amoureux de Nadia. Puis, alors qu’elle est séparée de ce dernier depuis presque deux ans, elle rencontre Rocco par hasard. Une idylle va naitre entre eux. Simone ne va pas le supporter…
Ce qui frappe d’abord, ce sont, au-delà de la diversité des styles (mêlant habilement Nouvelle Vague et néo-réalisme ici, un mouvement à l’origine duquel Visconti se trouve –« Ossessione » en 1942 est ainsi considéré comme le premier film néo-réaliste bien que les néoréalistes aient estimé avoir été trahis par ses films postérieurs qu’ils jugèrent très et trop classiques-), les thématiques communes aux différents films de Visconti. Que ce soit à la cour de Bavière avec Ludwig, ou au palais Donnafigata avec le Prince Salina, c’est toujours d’un monde qui périclite et de solitude dont il est question mais aussi de grandes familles qui se désagrègent, d’êtres promis à des avenirs lugubres qui, de palais dorés en logements insalubres, sont sans lumière et sans espoir.
Ce monde où les Parondi, famille de paysans, émigre est ici celui de l’Italie d’après-guerre, en pleine reconstruction et industrialisation, où règnent les inégalités sociales. Milan c’est ainsi la ville de Visconti et le titre a ainsi été choisi en hommage à un écrivain réaliste de l’Italie du Sud, Rocco Scotellaro.
Avant d’être le portrait successif de cinq frères, « Rocco et ses frères » est donc celui de l’Italie d’après-guerre, une sombre peinture sociale avec pour cadre des logements aux formes carcérales et sans âme. Les cinq frères sont d’ailleurs chacun une illustration de cette peinture : entre ceux qui s’intègrent à la société (Vincenzo, Luca, Ciro) et ceux qu’elle étouffe et broie (Simone et Rocco). Une société injuste puisqu’elle va désagréger cette famille et puisque c’est le plus honnête et naïf qui en sera le martyr. Dans la dernière scène, Ciro fait ainsi l’éloge de Simone (pour qui Rocco se sacrifiera et qui n’en récoltera pourtant que reproches et malheurs) auprès de Luca, finalement d’une certaine manière désigné comme coupable à cause de sa « pitié dangereuse ».
Nadia, elle, porte la trace indélébile de son passé. Son rire si triste résonne sans cesse comme un vibrant cri de désespoir. Elle est une sorte de double de « Rocco », n’ayant d’autre choix que de vendre son corps, Rocco qui est sa seule raison de vivre. L’un et l’autre, martyrs, devront se sacrifier. Rocco en boxant, en martyrisant son corps. Elle en vendant son corps (et le martyrisant déjà), puis, dans une scène aussi terrible que splendide, en se laissant poignarder, les bras en croix puis enserrant son meurtrier en une ultime et fatale étreinte.
Annie Girardot apporte toute sa candeur, sa lucidité, sa folie, son désespoir à cette Nadia, personnage à la fois fort et brisé qu’elle rend inoubliable par l’intensité et la subtilité de son jeu.
Face à elle, Alain Delon illumine ce film sombre de sa beauté tragique et juvénile et montre ici toute la palette de son jeu, du jeune homme timide, fragile et naïf, aux attitudes et aux craintes d’enfant encore, à l’homme déterminé. Une palette d’autant plus impressionnante quand on sait que la même année (1960) sortait « Plein soleil » de René Clément, avec un rôle et un jeu si différents.
La réalisation de Visconti reprend le meilleur du néoréalisme et le meilleur de la Nouvelle Vague avec une utilisation particulièrement judicieuse des ellipses, du hors-champ, des transitions, créant ainsi des parallèles et des contrastes brillants et intenses.
Il ne faudrait pas non plus oublier la musique de Nino Rota qui résonne comme une complainte à la fois douce, cruelle et mélodieuse.
« Rocco et ses frères » : encore un chef d’œuvre de Visconti qui prend le meilleur du pessimisme et d’une paradoxale légèreté de la Nouvelle Vague, mais aussi du néoréalisme qu’il a initié et qui porte déjà les jalons de ses grandes fresques futures. Un film d’une beauté et d’une lucidité poignantes, sombres et tragiques porté par de jeunes acteurs (Delon, Girardot, Salvatori…), un compositeur et un réalisateur déjà au sommet de leur art.
« Rocco et ses frères » a obtenu le lion d’argent à la Mostra de Venise 1960.
La Cinéfondation
Comme chaque année, l’Atelier de la Cinéfondation accueille sa onzième édition et invitera au Festival de Cannes 15 réalisateurs dont les projets de film ont été jugés particulièrement prometteurs.
Les courts métrages sélectionnés
Cannes n’est pas seulement le plus grand festival de cinéma au monde pour les longs métrages, c’est aussi une compétition de courts métrages et une magnifique vitrine pour ceux-ci.
Voici la sélection parmi laquelle le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages, présidé par Abderrahmane Sissako, récompensera à la fois les meilleurs films de la Compétition des courts métrages et ceux de la Sélection Cinéfondation à l’issue de leurs délibérations.
LES COURTS MÉTRAGES EN COMPÉTITION :
Ely DAGHER
WAVES ’98
14’
Liban, Qatar
Shane DANIELSEN
THE GUESTS(Les invitées)
10’
Australie
Ziya DEMIREL
SALI(Mardi)
12’
Turquie, France
Céline DEVAUX
LE REPAS DOMINICAL
13’
France
Dan HODGSON
LOVE IS BLIND
6’
Royaume-Uni
Basil KHALIL
AVE MARIA
14’
Palestine, France, Allemagne
Jan ROOSENS, Raf ROOSENS
COPAIN
14’
Belgique
Eva RILEY
PATRIOT
14’
Royaume-Uni
Iair SAID
PRESENTE IMPERFECTO(Présent Imparfait)
15’
Argentine
LA SÉLECTION CINÉFONDATION 2015
La Sélection Cinéfondation a choisi, pour sa 18e édition, 18 films (14 fictions et 4 animations) parmi les 1 600 qui ont été présentés cette année par des écoles de cinéma du monde entier. Seize pays venus de quatre continents y sont représentés.
Près d’un tiers des films sélectionnés proviennent d’écoles qui participent pour la toute première fois, et c’est aussi la première fois qu’une école espagnole voit l’un de ses films retenu en Sélection. On note également une forte présence de l’Europe cette année, avec 11 films sur les 18 sélectionnés.
Les trois Prix de la Cinéfondation seront remis lors d’une cérémonie précédant la projection des films primés le vendredi 22 mai, salle Buñuel. LA SÉLECTION CINÉFONDATION :
Behzad AZADI
KOSHTARGAH
24’
Art University of Tehran Iran
Mateo BENDESKY
EL SER MAGNÉTICO
17’
Universidad del Cine (FUC) Argentine
Pippa BIANCO
SHARE
11’
AFI’s Directing Workshop for Women États-Unis
Simon CARTWRIGHT
MANOMAN
11’
National Film and Television School Royaume-Uni
Ian GARRIDO LÓPEZ
VICTOR XX
20’
ESCAC Espagne
Maria GUSKOVA
VOZVRASHENIE ERKINA
28’
High Courses for Scriptwriters and Film Directors Russie
Félix HAZEAUX Thomas NITSCHE Edward NOONAN Franck PINA Raphaëlle PLANTIER
LEONARDO
6’
MOPA (ex Supinfocom Arles) France
Ignacio JURICIC MERILLÁN
LOCAS PERDIDAS
28’
Carrera de Cine y TV Universidad de Chile Chili
Sofie KAMPMARK
TSUNAMI
7’
The Animation Workshop Danemark
Tomáš KLEIN Tomáš MERTA
RETRIEVER
23’
FAMU Prague République Tchèque
Aurélien PEILLOUX
LES CHERCHEURS
32’
La Fémis France
Eliza PETKOVA
ABWESEND
13’
Deutsche Film & Fernsehakademie (dffb) Allemagne
Miki POLONSKI
ASARA REHOVOT MEA ETSIM
25’
Minshar for Art Israël
Maksim SHAVKIN
14 STEPS
37’
Moscow School of New Cinema Russie
Héctor SILVA NÚÑEZ
ANFIBIO
15’
EICTV Cuba
Salla SORRI
AINAHAN NE PALAA
17’
Aalto University, ELO Film School Helsinki Finlande
Laura VANDEWYNCKEL
HET PARADIJS
6’
RITS School of Arts Brussels Belgique
Qiu YANG
RI GUANG ZHI XIA
19’
The VCA, Film & TV School, Melbourne University Australie
Plus que jamais, cette année, je serai "in the mood for Cannes", pour vous faire vivre cette 68ème édition du Festival de Cannes en direct, dès ce lundi 11 Mai et jusqu'à la clôture.
Je serai en effet plus que jamais cette année au cœur de l'événement et au cœur de nombreuses opérations exceptionnelles, cinématographiques et pas seulement avec, notamment, des dîners avec de grands chefs auxquels je suis conviée mais je vous en dirai plus prochainement à ce sujet.
-le programme complet détaillé: de la compétition, de Cannes Classics etc
-mon édito
-mes attentes sur cette 68ème édition
-le compte rendu de la conférence de presse du festival
-de nombreuses informations sur ce Festival de Cannes 2015
Vous pouvez aussi toujours lire les 13 nouvelles de mon recueil sur le cinéma « Ombres parallèles » dont 4 se déroulent au Festival de Cannes, disponible dans toutes les librairies numériques (fnac, relay, Amazon etc) ou, ici, directement chez mon éditeur.
C’est l’actrice française Sabine Azéma, inénarrable notamment dans les films d’Alain Resnais et notamment récemment dans le formidable « Vous n’avez encore rien vu »( ma critique, ici) présenté à Cannes en compétition en 2012, qui présidera cette année le Jury de la Caméra d’or, en charge de désigner le meilleur premier film présenté à Cannes. Après Bong Joon-Ho, Gael García Bernal, Carlos Diegues et Nicole Garcia, c’est donc Sabine Azéma qui présidera ce jury.
Elle sera entourée de la réalisatrice Delphine Gleize, du comédien Melvil Poupaud, de Claude Garnier qui représente l’Association Française des directeurs de la photographie Cinématographique (AFC), Didier Huck, qui représente la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM), Yann Gonzalez, qui représente la Société des Réalisateurs de Films (SRF) et Bernard Payen, qui représente le Syndicat Français de la Critique de Cinéma (SFCC).
La Caméra d’or, créée en 1978, est attribuée au meilleur premier film présenté en Sélection officielle (Compétition, Hors-Compétition et Un Certain Regard), à La Semaine de la Critique ou à la Quinzaine des Réalisateurs, ce qui représente en 2015 un total de 26 films. Ont déjà reçu la caméra d’or: Jim Jarmusch, Mira Nair, Naomi Kawase, Bahman Ghobadi ou Steve McQueen. En 2014, c’est le film français tourbillonnant Party Girl, présenté en Sélection officielle Un Certain Regard, qui a été récompensé.
La Caméra d’or 2015 sera remise par la Présidente du Jury lors de la Cérémonie du Palmarès, dimanche 24 mai.
Le suspense a pris fin quant au film de clôture dont nous savions déjà suite au propos de Thierry Frémaux lors de la conférence de presse du festival qu’il aurait un lien avec l’environnement. Luc Jacquet, le réalisateur oscarisé de La Marche de l’empereur, présentera ainsi son quatrième long métrage, La Glace et le ciel en Clôture du 68e Festival de Cannes, dimanche 24 mai dans le Grand Théâtre Lumière du Palais des Festivals. Une projection dont la perspective me réjouit tout particulièrement puisque c’est LE film du Showeb qui avait attiré le plus mon attention.
Dans ce documentaire, Luc Jacquet évoque les découvertes du scientifique Claude Lorius, parti en 1957 étudier les glaces de l’Antarctique, et qui, en 1965, s’est inquiété le premier du réchauffement climatique et de ses conséquences pour la planète. Aujourd’hui, âgé de 82 ans, il continue d’envisager l’avenir avec espoir : « Je crois que l’homme va se redresser. L’homme va trouver la solidarité qui mènera les gens qui vivent sur cette planète vers un autre type de comportement. »
« Cannes est une chance immense qui s’offre à ce film et ce qu’il raconte, a déclaré Luc Jacquet. Je suis heureux et impressionné, un peu comme le joueur de fifre des contes qui est reçu au palais. Montrer ce film dans le plus grand festival de cinéma au monde, c’est contribuer à ce défi gigantesque que doit relever au plus vite l’humanité pour pérenniser son avenir et celui de la planète. Mon langage, c’est le cinéma. En d’autres temps, j’aurais fait d’autres films. Mais je fais du cinéma d’acharnement, du cinéma politique, du cinéma qui n’a pas le choix. »
Luc Jacquet a voué toute son œuvre aux questions de l’environnement et de la nature : La Marche de l’empereur (2005), Le Renard et l’enfant (2007) et Il était une forêt (2013). Il a créé une ONG, Wild Touch, pour sensibiliser les plus jeunes au respect et à la préservation de la planète.
Le film préfigure ainsi la Conférence Climat qui se déroulera à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015.
Rappelons que la SCAM a décidé, avec le soutien du Festival de Cannes, de créer un prix du documentaire qui récompensera tous les films alignés en Sélection officielle et dans les sections parallèles.
Chaque année, la sélection de Cannes Classics est toujours un ravissement pour les cinéphiles et, chaque année, entre deux séances de la compétition officielle, j’essaie d’en voir quelques séances. Y règne toujours une atmosphère particulière. Cette année ne devrait pas déroger à la règle puisque:
-Costa-Gavras en sera l’ invité d’honneur
– sera proposée une célébration croisée d’Ingrid Bergman et d’Orson Welles
– Ousmane Sembène le « père du cinéma africain » sera également à l’honneur
– Gaumont sera aussi à l’honneur
-mais encore…Hitchcock, Truffaut, des Argentins, des Russes, des Hongrois, des projections en plein air, Marcel Pagnol, Julien Duvivier, des documentaires sur le cinéma, des restaurations en provenance du monde entier, La Légende de la Palme d’or et les 120 ans du Cinématographe Lumière, bref de quoi faire tourner la tête des amoureux du cinéma.
Je vous laisse découvrir le programme ci-dessous et, en bonus, je vous propose ma critique de « Rocco et ses frères » de Visconti, une projection de sa copie restaurée à ne pas manquer.
PROGRAMME DETAILLE DE CANNES CLASSICS
• Invité d’honneur : COSTA-GAVRAS Palme d’or avec Missing en 1982, membre du Jury en 1976 (il récompensa Taxi Driver), Prix de la mise en scène avec Section spéciale en 1975, c’est en sa présence que sera projeté Z, Prix du Jury en 1969. Z (1968, 2h07) Présenté par KG Productions avec le soutien du CNC. Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 2K par Eclair Group et par LE Diapason pour le son. Restauration et étalonnage supervisés par Costa-Gavras.
• Les documentaires sur le cinéma :
• Hitchcock / Truffaut de Kent Jones (2015, 1h28) Co-écrit par Kent Jones et Serge Toubiana. Produit par Artline Films, Cohen Media Group et Arte France.
• Depardieu grandeur nature de Richard Melloul (2014, 1h) Produit par Richard Melloul Productions et Productions Tony Comiti.
• Steve McQueen : The Man & Le Mans de Gabriel Clarke et John McKenna (2015, 1h52) Produit par John McKenna.
• By Sidney Lumet de Nancy Buirski (2015, 1h43) Produit par Augusta Films, co-produit par American Masters. Présenté par RatPac Documentary Films.
• Harold and Lillian : a Hollywood Love Story de Daniel Raim (2015, 1h41) Produit par Adama Films.
Rappelons que dans le cadre de l’hommage à Ingrid Bergman sera projeté : • Jag Är Ingrid (Je suis Ingrid/Ingrid Bergman, in Her Own Words) de Stig Björkman (2015, 1h54) Produit par Stina Gardell/Mantaray Film.
Et enfin, à l’occasion de la célébration des soixante ans de la création de la Palme d’or : •La Légende de la Palme d’or (The Golden Palm’s Legend) d’Alexis Veller (2015, 1h10) Produit par AV productions.
• Centenaire Orson Welles Citizen Kane d’Orson Welles (1941, 1h59) Une présentation de Warner Bros. Restauration 4k réalisée chez Warner Bros. Motion Picture Imagery par l’étalonneuse Janet Wilson, sous la supervision de Ned Price. Le négatif original n’existant plus, image reconstituée d’après trois interpositifs noirs et blancs à grain fin support nitrate. Son optique « RCA squeeze duplex format. »
The Third Man (Le Troisième homme) de Carol Reed (1949, 1h44) Une présentation de Studiocanal. Marron, élément nitrate de 2ème génération (négatif original inexistant), numérisé en 4K et restauré image par image en 4K par Deluxe en Angleterre. Restauration supervisée par Studiocanal. The Lady From Shanghai (La Dame de Shanghai) d’Orson Welles (1948, 1h27) Présenté par Park Circus. Restauration en 4K chez Colorworks à Sony Pictures. Le négatif d’origine en nitrate a été scanné en 4K chez Deluxe à Hollywood avant restauration numérique, un travail complété chez MTI Film à Los Angeles. Restauration sonore au Chase Audio chez Deluxe, étalonnage et DCP préparés par Colorworks.
Deux documentaires sur Orson Welles :
Orson Welles, Autopsie d’une légende d’Elisabeth Kapnist (2015, 56mn) Produit par Phares et balises et Arte France.
This Is Orson Welles de Clara et Julia Kuperberg (2015, 53mn) Produit par TCM Cinéma et Wichita Films.
• Une soirée Barbet Schroeder More de Barbet Schroeder (1969, 1h57) Restauration chez Digimage Classics, dans une filière 2K. Le laboratoire a travaillé d’après les négatifs originaux image et son. L’étalonnage a été supervisé par Barbet Schroeder. Le film suivra la projection de Amnesia (2015, 1h36) en Séance spéciale.
• Hommage à Manoel de Oliveira Grâce à la fille de Manoel de Oliveira, Adelaide Trepa, et à son petit-fils Manuel Casimiro, qui l’ont permis, en lien avec José Manuel Costa, directeur, et Rui Machado, sous-directeur, de la Cinemateca Portuguesa, le Festival de Cannes projettera son film posthume Visita ou Memórias e Confissões (1982, 1h08). Totalement inédit, il n’aura été montré qu’à la Cinemateca Portuguesa de Lisbonne et Porto, ville natale de Manoel de Oliveira.
• Lumière ! Après Georges Méliès dans la Grande Salle et à l’occasion de la célébration des 120 ans de la naissance du Cinématographe Lumière, projection d’un montage de films Lumière dans le Grand Théâtre… Lumière. Une présentation de l’Institut Lumière, du Centre National du Cinéma et de la Cinémathèque française. Projection en DCP 4K. Restauration 4K conduite par Eclair Group, en collaboration avec l’Immagine Ritrovata.
• Copies restaurées
• Rocco e i suoi fratelli (Rocco and His Brothers / Rocco et ses frères) de Luchino Visconti (1960, 2h57) Une présentation de la Film Foundation. Une restauration de la Cineteca di Bologna à L’Immagine Ritrovata laboratory en association avec Titanus, TF1 Droits Audiovisuels et The Film Foundation. Restauration financée par Gucci et The Film Foundation.
• Les Yeux brûlés de Laurent Roth (1986, 58mn) Une présentation du CNC et de l’ECPAD en présence de Laurent Roth. Restauration numérique effectuée à partir de la numérisation en 2K des négatifs 35 mm et la numérisation des éléments originaux s’ils existaient encore pour les images d’archives. Restauration réalisée par le laboratoire du CNC à Bois d’Arcy.
• Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle (1958, 1h33) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• La Noire de… (Black Girl) de Ousmane Sembène (1966, 1h05) Restauré par The Film Foundation pour le World Cinema Project en collaboration avec le Sembène Estate, l’Institut national de l’audiovisuel, INA, les laboratoires Eclair et le Centre national du cinéma et de l’image animée, CNC. Restauration menée à la Cineteca di Bologna/L’Immagine Ritrovata Laboratory. Précédé du documentaire : SEMBENE! de Samba Gadjigo et Jason Silverman (2015, 1h22). Produit par Galle Ceddo Projects, Impact Partners, New Mexico Media Partners, SNE Partners.
• Insiang de Lino Brocka (1976, 1h35) Insiang fut le premier long métrage philippin à être présenté à Cannes. Restauré par The Film Foundation pour le World Cinema Project. Restauration Cineteca di Bologna/L’Immagine Ritrovata financée par le World Cinema Project de la Film Foundation et le Film Development Council des Philippines.
• Sur (The South / Le Sud) de Fernando Solanas (1988, 2h03) Présenté par Cinesur et Blaq Out en partenariat avec UniversCiné et l’INCAA. Restauration en haute définition réalisée par le laboratoire Cinecolor – Industrias Audiovisuales S.A, dirigée par Roberto Zambrino et supervisée par Fernando Solanas à l’occasion de la restauration de l’ensemble de ses films qui sortiront en coffret DVD (éditions Blaq Out).
• Zangiku Monogatari (The Story of the Last Chrysanthemum / Le Conte du chrysanthème tardif) de Kenji Mizoguchi (1939, 2h23) Une présentation du studio Shochiku. La restauration numérique, issue d’un transfert 4K (projection 2K), a été réalisée par Shochiku Co., Ltd.
• Jingi Naki Tatakai (Battles Without Honor and Humanity aka Yakusa Paper / Combat sans code d’honneur) de Kinji Fukasaku (1973, 1h39) Une présentation de TOEI COMPANY, LTD. Restauration numérique en 2K réalisée à partir du négatif original 35mm par TOEI LABO TECH. Distribution France : Wild Side Films.
• Szegénylegények (The Round-Up / Les Sans espoir) de Miklós Jancsó (1965, 1h28) Une présentation du Hungarian National Film Fund et du Hungarian National Digital Film Archive and Film Institute (MaNDA). En compétition au Festival de Cannes en 1966. Restauration 2K image et son par le Hungarian Filmlab à partir du négatif 35mm.
• Les Ordres (Orderers) de Michel Brault (1974, 1h48) Une présentation de « Éléphant, mémoire du cinéma québécois. » Numérisation haute définition à partir de trois sources: négatif original 35 mm couleur A et B, interpositif et internégatif 35 mm. Son restauré à partir d’un mix magnétique 35 mm trois pistes. Restauration dirigée par Marie-José Raymond, et étalonnage de Claude Fournier, en collaboration avec le réalisateur, Michel Brault, à Technicolor Montréal.
• Panique de Julien Duvivier (1946, 1h31) Présenté par TF1 DA. Le négatif original ayant disparu, restauration en 2K chez Digimage à partir du marron nitrate.
• Xia Nu (俠女 / A Touch of Zen) de King Hu (1973, 3h) Une présentation du Taiwan Film Institute. Premier film taïwanais au Festival de Cannes et premier film en langue mandarin à y être présenté. 40e anniversaire du Grand Prix de la Commission Supérieure Technique en 1975. Restauration numérique réalisée en 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne à partir du négatif. Le directeur de la photographie a supervisé l’étalonnage. Distributeur : Carlotta.
• Dobro Pozhalovat, Ili Postoronnim Vkhod Vospreshchen (Welcome or No Trespassing) de Elem Klimov (1964, 1h14) Une présentation de la Open World Foundation et de Mosfilm. Numérisation en 2K, restauration son et image de Mosfilm et Krupny Plan.
• La Historia Oficial (The Official Story / L’Histoire officielle) de Luis Puenzo (1984, 1h50) Une présentation de Historias Cinematográficas. Prix d’interprétation féminine ex-aequo au Festival de Cannes 1985 pour Norma Aleandro et Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1986. Restauration en 4K à partir du négatif original. Réétalonnage mené par le réalisateur et le directeur de la photographie. Son numérisé à partir d’une restauration du support magnétique puis remixé en 5.1 avec de nouveaux effets et orchestrations additionnelles. Financement par le National Film Institute argentin (INCAA) et travail exécuté à Cinecolor Lab sous la supervision du réalisateur/producteur Luis Puenzo.
• Marius de Alexander Korda (1931, 2h), scénario et dialogues de Marcel Pagnol Restauration par la Compagnie méditerranéenne de film – MPC et La Cinémathèque française, avec le soutien du CNC, du Fonds Culturel Franco-Américain DGA-MPA-SACEM- WGAW, le concours d’ARTE France Unité Cinéma et des Archives Audiovisuelles de Monaco, avec la participation de la SOGEDA Monaco. La restauration 4K a été supervisée par Nicolas Pagnol et Hervé Pichard (La Cinémathèque française). Les travaux ont été réalisés par le laboratoire DIGIMAGE. L’étalonnage a été mené par Guillaume Schiffma
Et Cannes Classics au Cinéma de la Plage !
• Ran d’Akira Kurosawa (1985, 2h42) Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 4K par Eclair. Restauration image, étalonnage et restauration son supervisés par STUDIOCANAL en collaboration avec Kadokawa (co-producteur japonais). Etalonnage validé par M. Ueda (chef opérateur), collaborateur de Akira Kurosawa sur le tournage du film.
• Hibernatus d’Edouard Molinaro (1969, 1h40) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• Le Grand blond avec une chaussure noire d’Yves Robert (1972, 1h30) Restauration 2K présentée par Gaumont. Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
• Jurassic Park 3D de Steven Spielberg (1993, 2h01)
• Ivan Le terrible 1 et 2 de Sergueï Eisenstein (1944, 1h40 et 1945, 1h26) Restauration numérique son et image effectuée par MOSFILM Cinema Concern sous la supervision de Karen Shakhnazarov.
• The Terminator de James Cameron (1984, 1h48) Metro-Goldwyn-Mayer Studios présentera le film avant la ressortie mondiale par Park Circus.
• The Usual Suspects de Bryan Singer (1995, 1h46) Metro-Goldwyn-Mayer Studios présentera le film en DCP pour la première fois, 20 ans après sa première projection au Festival de Cannes.
• Hôtel du Nord de Marcel Carné (1938, 1h35) Une restauration présentée par MK2 avec le soutien du CNC. Restauration image 2K (d’après un scan 4K du négatif image nitrate) faite par Digimage Classics.
• Joe Hill de Bo Widerberg (1971, 1h50) Restauration 2K présentée par Malavida Films et le Swedish Film Institute qui a mené le travail à partir d’un internégatif. Par ailleurs, le Cinéma de la Plage présentera en avant-première mondiale Enragés de Eric Hannezo (2015, 1h40) avec Lambert Wilson, Guillaume Gouix et Virginie Ledoyen. En Séance spéciale. Produit par Black Dynamite et JD Prod.
Critique de « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti.
Ce soir, à 20H45, sur Cine + Classic, ne manquez pas ce chef d’œuvre de Visconti. A cette occasion, retrouvez, ci-dessous, ma critique du film ainsi que, plus bas, celles de deux autres chefs d’œuvre de Visconti « Le Guépard » et « Ludwig ou le Crépuscule des Dieux ».
Synopsis : Après le décès de son mari, Rosaria Parondi (Katina Paxinou), mère de cinq fils, arrive à Milan accompagnée de quatre de ses garçons : Rocco (Alain Delon) Simone, (Renato Salvatori), Ciro (Max Cartier) et Luca (Rocco Vidolazzi), le benjamin. C’est chez les beaux-parents de son cinquième fils, Vincenzo (Spyros Fokas) qu’ils débarquent. Ce dernier est ainsi fiancé à Ginetta (Claudia Cardinale). Une dispute éclate. Les Parondi se réfugient dans un logement social. C’est là que Simone fait la connaissance de Nadia (Annie Girardot), une prostituée rejetée par sa famille. Simone, devenu boxeur, tombe amoureux de Nadia. Puis, alors qu’elle est séparée de ce dernier depuis presque deux ans, elle rencontre Rocco par hasard. Une idylle va naitre entre eux. Simone ne va pas le supporter…
Ce qui frappe d’abord, ce sont, au-delà de la diversité des styles (mêlant habilement Nouvelle Vague et néo-réalisme ici, un mouvement à l’origine duquel Visconti se trouve –« Ossessione » en 1942 est ainsi considéré comme le premier film néo-réaliste bien que les néoréalistes aient estimé avoir été trahis par ses films postérieurs qu’ils jugèrent très et trop classiques-), les thématiques communes aux différents films de Visconti. Que ce soit à la cour de Bavière avec Ludwig, ou au palais Donnafigata avec le Prince Salina, c’est toujours d’un monde qui périclite et de solitude dont il est question mais aussi de grandes familles qui se désagrègent, d’êtres promis à des avenirs lugubres qui, de palais dorés en logements insalubres, sont sans lumière et sans espoir.
Ce monde où les Parondi, famille de paysans, émigre est ici celui de l’Italie d’après-guerre, en pleine reconstruction et industrialisation, où règnent les inégalités sociales. Milan c’est ainsi la ville de Visconti et le titre a ainsi été choisi en hommage à un écrivain réaliste de l’Italie du Sud, Rocco Scotellaro.
Avant d’être le portrait successif de cinq frères, « Rocco et ses frères » est donc celui de l’Italie d’après-guerre, une sombre peinture sociale avec pour cadre des logements aux formes carcérales et sans âme. Les cinq frères sont d’ailleurs chacun une illustration de cette peinture : entre ceux qui s’intègrent à la société (Vincenzo, Luca, Ciro) et ceux qu’elle étouffe et broie (Simone et Rocco). Une société injuste puisqu’elle va désagréger cette famille et puisque c’est le plus honnête et naïf qui en sera le martyr. Dans la dernière scène, Ciro fait ainsi l’éloge de Simone (pour qui Rocco se sacrifiera et qui n’en récoltera pourtant que reproches et malheurs) auprès de Luca, finalement d’une certaine manière désigné comme coupable à cause de sa « pitié dangereuse ».
Nadia, elle, porte la trace indélébile de son passé. Son rire si triste résonne sans cesse comme un vibrant cri de désespoir. Elle est une sorte de double de « Rocco », n’ayant d’autre choix que de vendre son corps, Rocco qui est sa seule raison de vivre. L’un et l’autre, martyrs, devront se sacrifier. Rocco en boxant, en martyrisant son corps. Elle en vendant son corps (et le martyrisant déjà), puis, dans une scène aussi terrible que splendide, en se laissant poignarder, les bras en croix puis enserrant son meurtrier en une ultime et fatale étreinte.
Annie Girardot apporte toute sa candeur, sa lucidité, sa folie, son désespoir à cette Nadia, personnage à la fois fort et brisé qu’elle rend inoubliable par l’intensité et la subtilité de son jeu.
Face à elle, Alain Delon illumine ce film sombre de sa beauté tragique et juvénile et montre ici toute la palette de son jeu, du jeune homme timide, fragile et naïf, aux attitudes et aux craintes d’enfant encore, à l’homme déterminé. Une palette d’autant plus impressionnante quand on sait que la même année (1960) sortait « Plein soleil » de René Clément, avec un rôle et un jeu si différents.
La réalisation de Visconti reprend le meilleur du néoréalisme et le meilleur de la Nouvelle Vague avec une utilisation particulièrement judicieuse des ellipses, du hors-champ, des transitions, créant ainsi des parallèles et des contrastes brillants et intenses.
Il ne faudrait pas non plus oublier la musique de Nino Rota qui résonne comme une complainte à la fois douce, cruelle et mélodieuse.
« Rocco et ses frères » : encore un chef d’œuvre de Visconti qui prend le meilleur du pessimisme et d’une paradoxale légèreté de la Nouvelle Vague, mais aussi du néoréalisme qu’il a initié et qui porte déjà les jalons de ses grandes fresques futures. Un film d’une beauté et d’une lucidité poignantes, sombres et tragiques porté par de jeunes acteurs (Delon, Girardot, Salvatori…), un compositeur et un réalisateur déjà au sommet de leur art.
« Rocco et ses frères » a obtenu le lion d’argent à la Mostra de Venise 1960.
Pendant le Festival de Cannes, toutes les plages sont privatisées avec plus ou moins de goût mais il est un lieu que j'apprécie tout particulièrement et plus que tout autre depuis des années, celui où il est le plus agréable de se relaxer entre deux séances ou de donner des rendez-vous professionnels, celui où ont lieu de nombreux press junkets et TV sets, où se trouvent un magnifique business lounge, un restaurant et où se déroulent les plus prestigieuses soirées du festival: la plage Majestic 68 (68 donc puisque celle-ci est chaque année baptisée en fonction de l'édition, l'édition 2015 étant le 68ème Festival de Cannes).
Vous pourrez y profiter aussi bien d'un plateau de 1200 m2 que du ponton depuis lequel vous aurez la plus belle vue sur la Croisette, à couper le souffle, à la fois au cœur de l'agitation cannoise et à l'écart de la frénésie et du bruit.
Pour les professionnels et les plus grandes stars, la plage Majestic 68 est LE lieu incontournable.
Elle sera donc comme chaque année située sur la plage de l'hôtel Majestic Barrière et gérée par l'enthousiaste équipe d'ADR prod qui s'occupera aussi cette année de la plage de l'hôtel Barrière Gray d'Albion et de l'espace "Madame Monsieur Carlton Cannes". Des lieux qui, à n'en pas douter, cette année encore seront les plus élégants, agréables et prisées.