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IN THE MOOD FOR CANNES 2024 - Page 32

  • Conférence de presse du Festival de Cannes 205 : le 16 avril

    Comme chaque année, vous pourrez me suivre en direct de la conférence de presse d'annonce de sélection du Festival de Cannes 2015 qui aura lieu cette année le 16 avril 2015. Suivez-moi sur mon compte twitter @moodforcinema et retrouvez ensuite mon compte rendu ici et sur Inthemoodforfilmfestivals.com.

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    Catégories : CONFERENCES DE PRESSE Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • L'affiche du Festival de Cannes 2015

     

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    En 2013, c'étaient Joanne Woodward et Paul Newman qui étaient à l’honneur, sur l’affiche de la 66ème édition, avec une photo, d'une beauté étourdissante, prise sur le tournage de « A New Kind of Love » de Melville Shavelson, et qui nous invitait à un tourbillon de cinéma, à un désir infini de pellicule, le désir infini…comme celui (de cinéma) que suscite Cannes.

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    En 2014, c'étaient Hervé Chigioni et son graphiste Gilles Frappier qui avaient conçu et réalisé l’affiche de la 67e édition du Festival de Cannes à partir d’un photogramme tiré de Huit et demi de Federico Fellini, qui fut présenté en Sélection officielle en 1963.

    Une affiche couleur sépia, hommage au cinéma d'hier, hommage au cinéma tout court, par cette judicieuse mise en abyme puisque l'affiche faisait écho à un film sur le cinéma...et quel film sur le cinéma! Mastroianni, en regardant par-dessus ses lunettes, avec son regard intense et malicieux, nous invitait à regarder, à nous plonger dans son regard, synonyme de toute la poésie et la singularité du 7ème art.
     

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    C'est une actrice qui succède donc à Marcello Mastroianni, Ingrid Bergman qui regarde et sourit vers l'horizon.

    Ingrid Bergman, In Her Own Words, un documentaire signé Stig Björkman (auteur de livres et documentaires sur Woody Allen et Ingmar Bergman) sera projeté dans le cadre de Cannes Classics.

    Le Festival de Cannes s’associera au « Ingrid Bergman Tribute » qu’Isabella Rossellini, pour célébrer le centenaire de la naissance de sa mère, organisera en septembre prochain (Retrouvez en cliquant ici mes vidéos du Festival Lumière de Lyon 2014 lors duquel Isabella Rossellin a évoué Ingrid Bergman). Il s’agit d’un spectacle, mis en scène par Guido Torlonia et Ludovica Damiani, qui mêlera son autobiographie et les lettres de sa correspondance avec Roberto Rossellini. Il sera présenté dans les cinq villes qui ont compté dans la vie d'Ingrid Bergman : Stockholm, Rome, Paris, Londres et New York, et rassemblera sur scène, outre Isabella Rossellini, Jeremy Irons, Fanny Ardant, Christian De Sica et plusieurs autres comédiens. L’ensemble du spectacle sera annoncé lors du prochain Festival.

    Voici le communiqué de presse du Festival au sujet de l'affiche:

    Icône moderne, femme libre, actrice audacieuse, Ingrid Bergman fut à la fois star hollywoodienne et figure du néoréalisme, changeant de rôles et de pays d’adoption au gré de ses passions, sans jamais perdre ce qu’elle avait de grâce et de simplicité.

    Sur l’affiche, l’actrice d’Alfred Hitchcock, de Roberto Rossellini et d’Ingmar Bergman, qui a donné la réplique à Cary Grant, Humphrey Bogart ou encore Gregory Peck, se dévoile dans l’évidence de sa beauté, offrant un visage serein qui semble tourné vers un horizon de promesses.

    Liberté, audace, modernité, autant de valeurs que revendique le Festival, année après année, à travers les artistes et les films qu’il choisit de mettre à l’honneur. Ingrid Bergman, qui fut Présidente du Jury en 1973, l’encourage dans cette voie…

    « Ma famille et moi-même sommes très touchés que le Festival de Cannes ait choisi notre merveilleuse mère pour figurer sur l’affiche officielle, l’année du centenaire de sa naissance", déclare Isabella Rossellini. "Son exceptionnel parcours a couvert tant de pays, des petites productions artisanales européennes aux grandes machines hollywoodiennes. Maman adorait son métier d’actrice : pour elle, jouer la comédie n’était pas une profession mais une vocation. Elle disait : 'Je n’ai pas choisi de jouer, c’est le jeu qui m’a choisie.'»

    À partir d’une photographie de David Seymour, cofondateur de l’agence Magnum, Hervé Chigioni, déjà auteur de l’affiche remarquée de l’année dernière, signe la nouvelle image du Festival 2015 avec son graphiste Gilles Frappier.

    Il a réalisé également un film d’animation à partir du visuel, sur un remix du thème musical du Festival, "Le Carnaval des animaux" de Camille Saint-Saëns, avec un arrangement imaginé par deux musiciens suédois, Patrik Andersson et Andreas Söderström.

     

    Catégories : AFFICHES Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Festival de Cannes 2015 - "Mad Max" de Georges Miller hors compétition le 14 mai 2015

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    Certains l'attendaient en ouverture pour succéder au Biopic d'Olivier Dahan sur Grace Kelly qui fait l'ouverture du Festival de Cannes 2014, c'est néanmoins le lendemain de celle-ci que sera projeté "Mad Max" de Georges Miller, le 14 Mai 2015.  C'est  donc Tom Hardy qui incarnera le héros entré dans la légende sous les traits de Mel Gibson. Max Rockatansky, joué par Tom Hardy, va rencontrer l’impératrice Furiosa, interprétée par Charlize Theron, qui fuit une bande lancée à ses trousses…

    Le film sortira dans le monde entier, le 14 Mai.

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    "Né en Australie, George Miller est diplômé de la faculté de médecine de Sydney où il commence, durant son internat, à tourner des courts métrages avec son associé Byron Kennedy avec qui il fonde la société Kennedy Miller. Leur film court, Violence in the Cinema, remporte deux prix de l'Australian Film Institute et les encourage à tourner un long métrage, Mad Max (1979), qui sera un  triomphe planétaire. En 1983, il réalise, après John Landis, Steven Spielberg et Joe Dante, le dernier épisode de La Quatrième Dimension (Twilight Zone: The Movie).


    En 1987, George Miller revient à Hollywood réaliser Les Sorcières d'Eastwick et produit à la suite séries télé, téléfilms et trois longs métrages : Calme blanc réalisé par Philip Noyce, Flirting et The Year My Voice Broke de John Duigan. Il repasse derrière la caméra avec Lorenzo pour lequel il a été nominé aux Oscars pour le Meilleur Scénario Original. Il achète ensuite les droits de Babe - Le cochon devenu berger (1995) qu'il adapte et produit : le film récolte sept nominations aux Oscars parmi lesquelles celles de Meilleur Film et Meilleure Adaptation. Il réalisera une suite peu orthodoxe, Babe - Le cochon dans la ville. Il est également auteur de Happy Feet pour lequel il reçoit l’Oscar du Meilleur Film d’animation en 2007. Happy Feet 2 suivra en 2011.

    Produit par la société Kennedy Miller Mitchell, Mad Max: Fury Road est distribué internationalement par Warner Bros Pictures, et, pour quelques régions, par Village Roadshow Pictures." Source: communiqué de presse officiel du Festival de Cannes.

    Catégories : OUVERTURE (cérémonies/films) Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Festival de Cannes 2015 : le Carrosse d’or remis à Jia Zhangke le 14 mai 2015

    Depuis 2002, les réalisateurs de la SRF rendent hommage à un de leurs pairs en lui remettant un prix intitulé « Le Carrosse d’or » (du nom du roman de Jean Renoir), pendant le Festival de Cannes. Ce prix est « destiné à récompenser un cinéaste choisi pour les qualités novatrices de ses films, pour son audace et son intransigeance dans la mise en scène et la production. » Le Carrosse d’or 2014 avait été attribué à Alain Resnais. C’est année, c’est au cinéaste chinois Jia Zhangke que ce prix sera attribué.  «Vos films nous ont ébloui par leur vitalité. Votre aspiration à la liberté, votre capacité à capter la rapidité des changements de la société chinoise, à montrer sa corruption, sa violence, avec lucidité et subtilité, votre engagement envers la jeune génération, font écho à chacun d’entre nous. Vos films sont des poèmes visuels, où chaque plan apporte, par sa précision, un mouvement de pensée. Nous voulons saluer chez vous l’artiste engagé, indépendant, le poète, le visionnaire. Chacun de vos films est précieux car il nous instruit sur la société chinoise, mais aussi sur l’homme, sa solitude et son chemin spirituel. Vous êtes le témoin de ces vies.» Extrait de la lettre envoyée à Jia Zhangke par le Conseil d’Administration de la SRF composé de Stéphane Brizé, Laurent Cantet, Malik Chibane, Catherine Corsini, Frédéric Farrucci, Pascale Ferran, Denis Gheerbrant, Esther Hoffenberg, Cédric Klapisch, Héléna Klotz, Sébastien Lifshitz, Anna Novion, Katell Quillévéré, Christophe Ruggia, Pierre Salvadori, Céline Sciamma et Jan Sitta.

     Ce carrosse d’or donnera également lieu à une carte Blanche à Jia Zhangke le jeudi 14 mai 2015 au Théâtre Croisette (JW Marriott).

     Une projection de PLATFORM, suivie d’une Masterclass avec le cinéaste, aura lieu dans l’après-midi avant la remise officielle du trophée, à 19h30, au Théâtre Croisette, pendant la Cérémonie d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs. A cette occasion, je vous propose ma critique de « Still life » de Jia Zhangke, en bas de cette page.

    Synopsis de PLATFORM de Jia Zhangke

     Chine – 2001 – 2h35 – fiction

    Hiver 1979, à Fenyang, une ville reculée du Nord de la Chine. Une troupe de théâtre doit faire des pièces de propagande. Les jeunes acteurs se plient à l’exercice en rechignant, parfois en parodiant les chansons officielles. Ils essaient aussi de vivre leur jeunesse, fascinés par ce qui vient du sud (Hong-Kong) ou de l’Occident. Petit à petit, la troupe change : elle devient privée, doit jouer des chansons plus légères, et se retrouve bientôt hors de Fenyang, sur les routes, à faire du cirque puis du rock. Mais cette quête ne mène nulle part…

    LES ANCIENS LAUREATS DU CARROSSE D’OR :

    Les lauréats du Carrosse d’Or

     2002 : Jacques Rozier

     2003 : Clint Eastwood

     2004 : Nanni Moretti

     2005 : Ousmane Sembene

     2006 : David Cronenberg

     2007 : Alain Cavalier

     2008 : Jim Jarmusch

     2009 : Naomi Kawase

     2010 : Agnès Varda

     2011 : Jafar Panahi

     2012 : Nuri Bilge Ceylan

     2013 : Jane Campion

     2014 : Alain Resnais

    Critique de   »Still life »  ou à la recherche du temps perdu…

    Dès l’admirable plan séquence du début,  ensorcelés et emportés déjà par une mélodieuse complainte, nous sommes immergés dans le cadre paradoxal du barrage des 3 Gorges situé dans une région montagneuse du cœur de la Chine :  cadre fascinant et apocalyptique, sublime et chaotique. En 1996, les autorités chinoises ont en effet entrepris la construction du plus grand barrage hydroélectrique du monde. De nombreux villages ont été sacrifiés pour rendre possible ce projet.

    Là, dans la ville de Fengjie nous suivons le nonchalant, morne et taciturne  San Ming courbé par le poids du passé  et des années, parti à la recherche du temps perdu. Il voyage en effet à bord du ferry The World (du nom du précèdent film du réalisateur, référence loin d’être anodine, témoignage d’une filiation évidente entre les deux films)  pour retrouver son ex-femme et sa fille qu’il n’a pas vues depuis 16 ans.

    Pendant ce temps Shen Hong, dans la même ville cherche son mari  qu’elle n’a pas vu depuis deux ans. Leurs déambulations mélancoliques se succèdent puis alternent et se croisent le temps d’un plan  dans un univers tantôt désespérant tantôt d’une beauté indicible mis en valeur par des panoramiques étourdissants.

    Tandis que les ouvriers oeuvrent à la déconstruction, de part et d’autre de la rivière, ces  deux personnages essaient de reconstruire leur passé, d’accomplir leur quête identitaire au milieu des déplacements de population et des destructions de villages. Engloutis comme le passé de ses habitants.

    Ce film présenté en dernière minute dans la catégorie film surprise de la 63ème Mostra de Venise a obtenu le lion d’or et a ainsi succédé à Brokeback  Mountain.

    The World  était le premier film du réalisateur à être autorisé par le gouvernement chinois. Jusqu’ici ils étaient diffusés illégalement sur le territoire, dans des cafés ou des universités. Dans  The World Jia Zhang Ke traitait déjà du spectacle triomphant de la mondialisation et de l’urbanisation accélérée que subit la Chine.

    A l’étranger, ses films étaient même présentés dans des festivals comme Cannes en 2002 avec Plaisirs inconnus. Son parcours témoigne avant tout de son indépendance et de sa liberté artistique.

    Ancien élève de l’école des Beaux-Arts de sa province, il étudie le cinéma à l’Académie du film de Pékin, avant de fonder sa structure de production le Youth Experimental Film Group. Son œuvre entend révéler la réalité de la Chine contemporaine.

    En 2006, Jia Zhang-Ke réalise Dong, un documentaire autour de la construction du barrage des Trois Gorges à travers les peintures de son ami, le peintre Liu Xiaodong, présenté dans la section Horizons lors de la 63e Mostra de Venise.

    Entre brumes et pluies, d’emblée, le décor nous ensorcelle et nous envoûte. Qu’il présente la nature, morte ou resplendissante, ou la destruction Jia Zhang Ke met en scène des plans d’une beauté sidérante. Le décor est dévasté comme ceux qui l’habitent. La lenteur et la langueur reflètent la nostalgie des personnages et le temps d’une caresse de ventilateur, la grâce surgit de la torpeur dans cet univers âpre.

    Jia Zhang Ke se fait peintre des corps, en réalisant une véritable esthétisation de ceux-ci mais aussi de la réalité et si son tableau est apocalyptique, il n’en est pas moins envoûtant. Le film est d’ailleurs inspiré de peintures, celles du peintre Liu Xiaodong qui a peint le barrage des 3 Gorges à plusieurs reprises dont Jia Zhang Ke avoue s’être inspiré.

    Ces personnages sont « encore en vie » malgré la dureté de leurs existences et le poids des années, du silence, des non dits. C’est un cinéma à l’image de la vie, l’ennui est entrecoupé d’instants de beauté fulgurante et fugace.

     Still life, malgré son aspect et son inspiration documentaires n’en est pas moins un film éminemment cinématographique : par l’importance accordée au hors champ (comme ces marins qui mangent leur bol de nouilles tandis que San Ming leur parle, hors champ), par des plans séquences langoureux et impressionnants, et puis  par des références cinématographiques notamment au néoréalisme et  à Rossellini et Rome, ville ouverte ou à John Woo avec cet enfant qui imite Chow Yun Fat ou encore celui qui regarde le Syndicat du crime de John Woo

    C’est un film polysémique qui, comme dans The World, nous parle des rapports entre tradition et modernité comme  avec cet enfant qui chante des musiques sentimentales surannées ou ces portables qui jouent des musiques sentimentales ou ces comédiens en costumes traditionnelles qui s’amusent avec leurs portables.

    Jia Zhang Ke ausculte subtilement les contradictions de son pays en pleine mutation. Le barrage des 3 Gorges, c’est la Chine en concentré, la Chine d’hier avec ces immeubles que l’on détruit, la Chine intemporelle avec ses décors majestueux, pluvieux et embrumés et la Chine de demain. La Chine écartelée entre son passé et son présent comme le sont les deux personnages principaux dans leur errance. Les ruines qui contrastent avec le barrage scintillant allumé par les promoteurs comme un gadget symbolisent cette Chine clinquante, en voie de libéralisme à défaut d’être réellement sur la voie de la liberté.

    Jia Zhang Ke a ainsi voulu signer une œuvre ouvertement politique avec « le sentiment d’exil permanent des ouvriers, tous plus ou moins au chômage, tous plus ou moins sans domicile fixe », « les ouvriers détruisent ce qu’ils ont peut-être eux-mêmes construits ».

    Un plan nous montre une collection d’horloges et de montres. Comme le cinéma. Dans une sorte de mise en abyme, il immortalise doublement le temps qui passe. C’est donc aussi un film sur le temps. Celui de la Chine d’hier et d’aujourd’hui. Celui de ces deux ou seize années écoulées. Ce n’est pas pour rien que Jia Zhang Ke a étudié les Beaux-Arts et la peinture classique. Il dit lui-même avoir choisi le cinéma « parce qu’il permet de saisir et de montrer le temps qui passe ». C’est l’idée bouddhiste qui  « si le destin est écrit, le chemin importe d’autant plus ».

    Comme dans J’attends quelqu’un dont je vous parlais il y a quelques jours , ici aussi on prend le temps (ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun comme évoqué plus haut). De s’ennuyer. Un ennui nécessaire et salutaire. Pour se dire qu’on est « encore en vie » ou pour déceler la beauté derrière et malgré la destruction car Still life (=Encore en vie )  est un film de contrastes et paradoxes judicieux : à l’image de son titre, il sont  encore en vie malgré les années, malgré la destruction, malgré tout. Prendre le temps de voir aussi : l’histoire devant l’Histoire et l’Histoire derrière l’Histoire, les plans de Jia Zhang Ke mettant souvent l’intime au premier plan et le gigantisme (des constructions ou déconstructions) au second plan.

    C’est aussi un hommage à la culture chinoise du double, des opposés yin et yang, entre féminin et masculin, intérieur et extérieur, construction-destruction et nature, formes sombres et claires, le tout séparé par la rivière, frontière emblématique de ce film intelligemment dichotomique.

    C’est un film en équilibre et équilibré à l’image de son magnifique plan final du funambule suspendu entre deux immeubles. Parce que, ce qu’il faut souligner c’est que ce film plaira forcément à ceux qui ont aimé The World mais qu’il pourra aussi plaire à ceux qui ne l’ont pas aimé, notamment par son aspect surréaliste, ses plans imaginaires qui instillent de la légèreté et un décalage salutaire comme ce plan de l’immeuble qui s’écroule ou ces plans poétiques de ces couples qui dansent sur une passerelle aérienne contrebalançant la dureté des paroles échangées ou la douleur du silence, l’impossibilité de trouver les mots.

    Enfin il faut souligner la non performance et le talent éclatant de ses acteurs principaux Han Sanming et Zhao Thao qui ont d’ailleurs joué dans presque tous les films de Jia Zhang Ke. C’est en effet leur quatrième collaboration commune.

    Je vous invite donc à partir dans cette errance poétique à la recherche du temps perdu au rythme d’une complainte nostalgique et mélancolique…

    Catégories : QUINZAINE DES REALISATEURS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Lambert Wilson, maître de cérémonie du 68ème Festival de Cannes

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    L'an passé, je vous avais raconté ici les cérémonies d'ouverture et de clôture du 67ème Festival de Cannes et l'intelligence et l'élégance avec lesquelles Lambert Wilson les avait présentées.

    Compte rendu de l'ouverture du 67ème Festival de Cannes

    Compte rendu de la clôture du 67ème Festival de Cannes

    Lambert Wilson fait sa première apparition à Cannes en 1985, avec Rendez-vous, d’André Téchiné. Il revient ensuite à plusieurs reprises en Sélection, en tant qu’interprète mais aussi comme Président du Jury Un Certain Regard (1999).

    En 2010, lors du 63e Festival de Cannes, il bouleverse les festivaliers par sa performance dans Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, Grand Prix du Jury cette année-là et pour lequel Lambert Wilson sera nommé quelques mois plus tard pour le César du Meilleur acteur.

    Je me réjouis donc d'apprendre qu'il sera à nouveau le maître de cérémonie cette année.

    Voici le communiqué de presse du Festival à ce sujet:

    Lambert Wilson avait marqué les cérémonies du 67e Festival de Cannes par son élégance, son aisance et une éloquence lyrique pour évoquer son amour du cinéma. À l’issue du Palmarès qui a couronné Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan, le comédien avait conclu par ces mots : "Le monde est écrit dans une langue incompréhensible, mais les films nous le traduisent de manière universelle. Sans leur lumière, chacun reste dans sa nuit".

    A l’invitation du Festival, il a accepté de reprendre le rôle de maître des cérémonies pour le 68e Festival de Cannes qui aura lieu du 13 au 24 mai prochain. Le 13 mai, lors de la cérémonie d’ouverture, il lancera les festivités en accueillant sur la scène du Palais des Festivals les frères Coen, Présidents du Jury 2015, et animera la remise des prix du Palmarès, lors de la cérémonie de clôture, le dimanche 24 mai suivant.

    Les cérémonies sont produites et retransmises en clair sur Canal+.

    A cette occasion, je vous propose trois critiques de films d’Alain Resnais avec Lambert Wilson dont « Vous n’avez encore rien vu », mon immense coup de cœur du Festival de Cannes 2012.

    Vous n'avez encore rien vu : affiche

    Disons-le d’emblée, le film d’Alain Resnais était mon énorme coup de cœur de l’édition 2012 du Festival de Cannes avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse (section Un Certain Regard) et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (Semaine de la Critique). Bien sûr, il est difficile d’évincer (et de comparer) avec « Amour » et « De rouille et d’os » qui m’ont également enthousiasmée mais ce film a (et a suscité) ce quelque chose en plus, cet indicible, cet inexplicable que l’on pourrait nommer coup de foudre.

    Après tant de grands films, des chefs d’œuvres souvent même, Alain Resnais prouve une nouvelle fois qu’il peut réinventer encore et encore le dispositif cinématographique, nous embarquer là où on ne l’attendait pas, jouer comme un enfant avec la caméra pour nous donner à notre tour ce regard d’enfant émerveillé dont il semble ne s’être jamais départi. A bientôt 90 ans, il prouve que la jeunesse, l’inventivité, la folie bienheureuse ne sont pas questions d’âge.

    Antoine, homme de théâtre, convoque après sa mort, ses amis comédiens ayant joué dans différentes versions d’Eurydice, pièce qu’il a écrite. Il a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de cette pièce: une jeune troupe lui a en effet demandé l’autorisation de la monter et il a besoin de leur avis.

    Dès le début, la mise en abyme s’installe. Les comédiens appelés par leurs véritables noms reçoivent un coup de fil leur annonçant la mort de leur ami metteur en scène. Première répétition avant une succession d’autres. Puis, ils se retrouvent tous dans cette demeure étrange, presque inquiétante, tel un gouffre un peu morbide où leur a donné rendez-vous Antoine.  Cela pourrait être le début d’un film policier : tous ces comédiens réunis pour découvrir une vérité. Mais la vérité qu’ils vont découvrir est toute autre. C’est celle des mots, du pouvoir et de la magie de la fiction.

    Puis, se passe ce qui arrive parfois au théâtre, lorsqu’il y a ce supplément d’âme, de magie (terme que j’ai également employé pour « Les bêtes du sud sauvage« , autre coup de coeur de 2012, mais aussi différents soient-ils, ces deux films ont cet élément rare en commun), lorsque  ce pouvoir des mots vous embarque ailleurs, vous hypnotise, vous fait oublier  la réalité, tout en vous ancrant plus que jamais dans la réalité, vous faisant ressentir les palpitations de la vie.

    En 1942, Alain Resnais avait ainsi assisté à une représentation d’ « Eurydice » de Jean Anouilh de laquelle il était sorti bouleversé à tel point qu’il avait fait deux fois le tour de Paris à bicyclette. C’est aussi la sensation exaltante que m’a donné ce film!

    Chaque phrase prononcée, d’une manière presque onirique, magique, est d’une intensité sidérante de beauté et de force et exalte la force de l’amour. Mais surtout Alain Resnais nous livre ici un film inventif et ludique. Il joue avec les temporalités, avec le temps, avec la disposition dans l’espace (usant parfois aussi du splitscreen entre autres « artifices »). Il donne à jouer des répliques à des acteurs qui n’en ont plus l’âge. Cela ne fait qu’accroître la force des mots, du propos, leur douloureuse beauté et surtout cela met en relief le talent de ses comédiens. Rarement, je crois, j’aurais ainsi été émue et admirative devant chaque phrase prononcée quel que soit le comédien. A chaque fois, elle semble être la dernière et la seule, à la fois la première et l’ultime. Au premier rang de cette distribution (remarquable dans sa totalité), je citerai Pierre Arditi, Lambert Wilson, Anne Consigny, Sabine Azéma mais en réalité tous sont extraordinaires, aussi extraordinairement dirigés.

    C’est une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit ce n’est pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante, exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toutes façons transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots. Ajoutez à cela la musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante et vous obtiendrez un film inclassable et si séduisant (n’usant pourtant d’aucune ficelle pour l’être mais au contraire faisant confiance à l’intelligence du spectateur).

    Ce film m’a enchantée, bouleversée, m’a rappelé pourquoi j’aimais follement le cinéma et le théâtre, et les mots. Ce film est d’ailleurs au-delà des mots auquel il rend pourtant un si bel hommage. Ce film aurait mérité un prix d’interprétation collectif, un prix de la mise en scène…et pourquoi pas une palme d’or (il est malheureusement reparti bredouille du palmarès de ce Festival de Cannes 2012) ! Ces quelques mots sont bien entendu réducteurs pour vous parler de ce grand film, captivant, déroutant, envoûtant, singulier. Malgré tout ce que je viens de vous en dire, dîtes-vous que de toutes façons, « Vous n’avez encore rien vu ». C’est bien au-delà des mots. Et espérons que nous aussi nous n’avons encore rien vu et qu’Alain Resnais continuera encore très longtemps à nous surprendre et enchanter ainsi. Magistralement.

    Commençons par le premier film projeté dans le cadre du festival qui est aussi le plus ancien des trois « On connaît la chanson ». Toute la malice du cinéaste apparaît déjà dans le titre de ce film de 1997, dans son double sens, propre et figuré, puisqu’il fait à la fois référence aux chansons en playback interprétées dans le film mais parce qu’il sous-entend à quel point les apparences peuvent être trompeuses et donc que nous ne connaissons jamais vraiment la chanson…

    Suite à un malentendu, Camille (Agnès Jaoui), guide touristique et auteure d’une thèse sur « les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru » s’éprend de l’agent immobilier Marc Duveyrier (Lambert Wilson). Ce dernier est aussi le patron de Simon (André Dussolier), secrètement épris de Camille et qui tente de vendre un appartement à Odile (Sabine Azéma), la sœur de Camille. L’enthousiaste Odile est décidée à acheter cet appartement malgré la désapprobation muette de Claude, son mari velléitaire (Pierre Arditi). Celui-ci supporte mal la réapparition après de longues années d’absence de Nicolas (Jean-Pierre Bacri), vieux complice d’Odile qui devient le confident de Simon et qui est surtout très hypocondriaque.

    Ce film est pourtant bien plus que son idée de mise en scène, certes particulièrement ludique et enthousiasmante, à laquelle on tend trop souvent à le réduire. A l’image de ses personnages, le film d’Alain Resnais n’est pas ce qu’il semble être. Derrière une apparente légèreté qui emprunte au Boulevard et à la comédie musicale ou du moins à la comédie (en) »chantée », il débusque les fêlures que chacun dissimule derrière de l’assurance, une joie de vivre exagérée, de l’arrogance ou une timidité.

    C’est un film en forme de trompe-l’œil qui commence dès la première scène : une ouverture sur une croix gammée, dans le bureau de Von Choltitz au téléphone avec Hitler qui lui ordonne de détruire Paris. Mais Paris ne disparaîtra pas et sera bien heureusement le terrain des chassés-croisés des personnages de « On connaît la chanson », et cette épisode était juste une manière de planter le décor, de nous faire regarder justement au-delà du décor, et de présenter le principe de ces extraits chantés. La mise en scène ne cessera d’ailleurs de jouer ainsi avec les apparences, comme lorsqu’Odile parle avec Nicolas, lors d’un dîner chez elle, et que son mari Claude est absent du cadre, tout comme il semble d’ailleurs constamment « absent », ailleurs.

    Resnais joue habilement avec la mise en scène mais aussi avec les genres cinématographiques, faisant parfois une incursion dans la comédie romantique, comme lors de la rencontre entre Camille et Marc. L’appartement où ils se retrouvent est aussi glacial que la lumière est chaleureuse pour devenir presque irréelle mais là encore c’est une manière de jouer avec les apparences puisque Marc lui-même est d’une certaine manière irréel, fabriqué, jouant un personnage qu’il n’est pas.

    Le scénario est signé Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri et témoigne déjà de leur goût des autres et de leur regard à la fois acéré et tendre sur nos vanités, nos faiblesses, nos fêlures. Les dialogues sont ainsi des bijoux de précision et d’observation mais finalement même s’ils mettent l’accent sur les faiblesses de chacun, les personnages ne sont jamais regardés avec condescendance mais plutôt lucidité et indulgence. Une phrase parfois suffit à caractériser un personnage comme cette femme qui, en se présentant dit, « J’suis une collègue d’Odile. Mais un petit cran au-dessus. Mais ça ne nous empêche pas de bien nous entendre ! ». Tout est dit ! La volonté de se montrer sous son meilleur jour, conciliante, ouverte, indifférente aux hiérarchies et apparences…tout en démontrant le contraire. Ou comme lorsque Marc répète à deux reprises à d’autres sa réplique adressée à Simon dont il est visiblement très fier « Vous savez Simon, vous n’êtes pas seulement un auteur dramatique, mais vous êtes aussi un employé dramatique ! » marquant à la fois ainsi une certaine condescendance mais en même temps une certaine forme de manque de confiance, et amoindrissant le caractère a priori antipathique de son personnage.

    Les personnages de « On connaît la chanson » sont avant tout seuls, enfermés dans leurs images, leurs solitudes, leur inaptitude à communiquer, et les chansons leur permettent souvent de révéler leurs vérités masquées, leurs vrais personnalités ou désirs, tout en ayant souvent un effet tendrement comique. De « J’aime les filles » avec Lambert Wilson au « Vertige de l’amour » avec André Dussolier (irrésistible ) en passant par le « Résiste » de Sabine Azéma. C’est aussi un moyen de comique de répétition dont est jalonné ce film : blague répétée par Lambert Wilson sur Simon, blague de la publicité pour la chicorée lorsque Nicolas montre la photo de sa famille et réitération de certains passages chantés comme « Avoir un bon copain ».

    Chacun laissera tomber son masque, de fierté ou de gaieté feinte, dans le dernier acte où tous seront réunis, dans le cadre d’une fête qui, une fois les apparences dévoilées (même les choses comme l’appartement n’y échappent pas, même celui-ci se révèlera ne pas être ce qu’il semblait), ne laissera plus qu’un sol jonché de bouteilles et d’assiettes vides, débarrassé du souci des apparences, et du rangement (de tout et chacun dans une case) mais la scène se terminera une nouvelle fois par une nouvelle pirouette, toute l’élégance de Resnais étant là, dans cette dernière phrase qui nous laisse avec un sourire, et l’envie de saisir l’existence avec légèreté.

    Rien n’est laissé au hasard, de l’interprétation (comme toujours chez Resnais remarquable direction d’acteurs et interprètes judicieusement choisis, de Dussolier en amoureux timide à Sabine Azéma en incorrigible optimiste en passant par Lambert Wilson, vaniteux et finalement pathétique et presque attendrissant) aux costumes comme les tenues rouges et flamboyantes de Sabine Azéma ou d’une tonalité plus neutre, voire fade, d’Agnès Jaoui.

    « On connaît la chanson » a obtenu 7 César dont celui du meilleur film et du meilleur scénario original. C’est pour moi un des films les plus brillants et profonds qui soient malgré sa légèreté apparente, un mélange subtile –à l’image de la vie – de mélancolie et de légèreté, d’enchantement et de désenchantement, un film à la frontière des émotions et des genres qui témoigne de la grande élégance de son réalisateur, du regard tendre et incisif de ses auteurs et qui nous laisse avec un air à la fois joyeux et nostalgique dans la tête. Un film qui semble entrer dans les cadres et qui justement nous démontre que la vie est plus nuancée et que chacun est forcément plus complexe que la case à laquelle on souhaite le réduire, moins lisse et jovial que l’image « enchantée » qu’il veut se donner. Un film jubilatoire enchanté et enchanteur, empreint de toute la richesse, la beauté, la difficulté, la gravité et la légèreté de la vie. Un film tendrement drôle et joyeusement mélancolique à voir, entendre et revoir sans modération…même si nous connaissons déjà la chanson !

    Dans le cadre du festival était également projeté « Cœurs », un film d’Alain Resnais de 2006. Le film choral était alors à la mode. Alain Resnais, cinéaste emblématique de la modernité, ne suit pas les modes mais les initie, encore. Malgré le temps, sa modernité n’a pas pris une ride et de ce point de vue du haut de ses 80 ans et quelques, mais surtout du haut de ses innombrables chefs d’œuvre (Hiroshima, mon amour, L’année dernière à Marienbad, Nuit et brouillard, On connaît la chanson, Smoking, no smoking, Je t’aime, je t’aime et tant d’autres), il reste le plus jeune des cinéastes. Coeurs est l’adaptation de Private fears in public places, une pièce de théâtre de l’auteur anglais Alain Ayckbourn dont Alain Resnais avait déjà adapté en 1993 une autre de ses œuvres, pour en faire Smoking, No smoking.

    Ce film, choral donc, croise les destins de six « cœurs en hiver » dans le quartier de la Grande Bibliothèque, quartier froid, moderne et impersonnel, sous la neige du début à la fin du film. La neige, glaciale, évidemment. La neige qui incite à se presser, à ne pas voir, à ne pas se rencontrer, à fuir l’extérieur. C’est donc à l’intérieur qu’il faut chercher la chaleur. Normalement. A l’intérieur qu’on devrait se croiser donc. Alors, oui, on se croise mais on ne se rencontre pas vraiment.

    C’est probablement d’On connaît la chanson que se rapproche le plus ce film, en particulier pour la solitude des personnages. Le dénouement est pourtant radicalement différent et avec les années qui séparent ces deux films la légèreté s’est un peu évaporée. Ainsi, dans On connaît la chanson les personnages chantent. Là, ils déchantent plutôt. Ils sont en quête surtout. En quête de désirs. De désir de vivre, surtout, aussi. Même dans un même lieu, même ensemble, ils sont constamment séparés : par un rideau de perle, par la neige, par une séparation au plafond, par une cloison en verre, par des couleurs contrastées, par des cœurs qui ne se comprennent plus et ne battent plus à l’unisson. Non, ces cœurs-là ne bondissent plus. Ils y aspirent pourtant.

    Le coeur se serre plus qu’il ne bondit. A cause des amours évanouis. Des parents disparus. Du temps passé. Ils sont enfermés dans leur nostalgie, leurs regrets même si la fantaisie et la poésie affleurent constamment sans jamais exploser vraiment. La fantaisie est finalement recouverte par la neige, par l’apparence de l’innocence. L’apparence seulement. Chaque personnage est auréolé de mystère. Resnais a compris qu’on peut dire beaucoup plus dans les silences, dans l’implicite, dans l’étrange que dans un excès de paroles, l’explicite, le didactique. Que la normalité n’est qu’un masque et un vain mot.

    Comme toujours chez Resnais les dialogues sont très et agréablement écrits. La mise en scène est particulièrement soignée : transitions magnifiquement réussies, contrastes sublimes et saisissants des couleurs chaudes et froides, jeu sur les apparences (encore elles). Rien d’étonnant à ce qu’il ait obtenu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur à Venise.

    De la mélancolie, Alain Resnais est passé à la tristesse. De l’amour il est passé à la tendresse. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la fin, se retrouvent, seuls, enlacés. Sur l’écran de télévision qu’ils regardent, s’inscrit alors le mot fin. Espérons qu’elle ne préfigure pas la croyance du réalisateur en celle du cinéma, peut-être sa disparition sur le petit écran du moins. Peut-être la fin des illusions du cinéaste.

    En suivant les cœurs de ces personnages désenchantés, leurs « cœurs en hiver », Alain Resnais signe là un film particulièrement pessimiste, nostalgique, cruel parfois aussi. On en ressort tristes, nous aussi, tristes qu’il n’ait plus le cœur léger. Un film qui mérite néanmoins d’être vu. Pour ses acteurs magistraux et magistralement dirigés. Pour la voix de Claure Rich vociférant. Pour le vibrant monologue de Pierre Arditi. Pour le regard d’enfant pris en faute de Dussolier. Pour la grâce désenchantée d’Isabelle Carré. Pour la fantaisie sous-jacente de Sabine Azéma. Pour l’égarement de Lambert Wilson. Pour la voix chantante de Laura Morante soudainement aussi monotone que les appartements qu’elle visite. Pour et à cause de cette tristesse qui vous envahit insidieusement et ne vous quitte plus. Pour son esthétisme si singulier, si remarquablement soigné. Pour la sublime photographie d’Eric Gautier. Pour sa modernité, oui, encore et toujours. Parce que c’est une pierre de plus au magistral édifice qu’est l’œuvre d’Alain Resnais.

     

    Catégories : CLÔTURE (cérémonies/films), OUVERTURE (cérémonies/films) Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Abderrahmane Sissako, Président du Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages du Festival de Cannes 2015

    En 2014, « Timbuktu », véritable chef d’œuvre, était projeté à Cannes, en compétition et l’étonnant absent du palmarès. Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako sera donc de retour pour la 68ème édition du Festival où il présidera le Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages. Retrouvez, ci-dessous, le communiqué de presse du festival et, plus bas, ma critique du film.

    Ce grand poète de l’Afrique d’aujourd’hui succède dans ce rôle aux réalisateurs Abbas Kiarostami, Jane Campion, Michel Gondry, Hou Hsiao-hsien ou Martin Scorsese.

    D’origine mauritanienne, élevé au Mali et formé au cinéma en Union soviétique -au VGIK de Moscou-, Abderrahmane Sissako navigue entre les cultures et les continents. Il signe une œuvre humaniste et engagée, qui explore les relations complexes entre le Nord et le Sud autant que le destin d’une Afrique malmenée. Son film de fin d’étude, Le Jeu est présenté à La Semaine de la Critique en 1991, suivi deux ans plus tard du moyen métrage Octobre, à Un Certain Regard. La Vie sur Terre et En attendant le bonheur, respectivement à la Quinzaine des Réalisateurs en 1998 et à Un Certain Regard en 2002, l’imposent définitivement sur la scène internationale. Parabole politique entre colère et utopie, Bamako, présenté Hors Compétition en 2006, précède Timbuktu, en Compétition en 2014. Ce vibrant plaidoyer romanesque contre l’intégrisme religieux est la première œuvre mauritanienne en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger.
    Aux funestes résonances de l’actualité, le cinéaste africain choisit d’opposer la force de l’art et sa conviction. « Je ne ferais jamais un film que quelqu’un d’autre pourrait faire, et je veux voir des films que je ne ferais jamais. Ce qui m’importe, c’est le cinéma de l’anonymat : parler des conflits, mais surtout de la souffrance vécue par des gens anonymes pour leur donner de la force et de la visibilité, et témoigner de leur courage ainsi que de leur beauté. »
    Le Président du Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages et les quatre personnalités du monde des arts qui l’accompagnent, décernent trois prix parmi les films d’écoles de cinéma de la Sélection Cinéfondation ainsi que la Palme d’or du Court métrage, remise lors de la cérémonie de clôture du Festival, dimanche 24 mai 2015.

    CRITIQUE de « TIMBUKTU »

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    C’est dans le cadre du dernier Festival de Cannes où il figurait en compétition que j’ai découvert « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, son cinquième long-métrage et le seul long-métrage africain en compétition de cette édition. J’en suis ressortie bouleversée, abasourdie d’éblouissement et d’émotions, persuadée que je venais de voir la palme d’or incontestable de cette 67ème édition tant chaque image, chaque visage y sont d’une beauté inouïe éclairant magnifiquement et brillamment les aspects les plus sombres de l’actualité. Quelle ne fut donc pas ma surprise d’apprendre que le jury de ce 67ème Festival de Cannes présidé par Jane Campion ne lui attribuait pas un seul prix. « Timbuktu » a néanmoins reçu le Prix du jury œcuménique et le Prix François-Chalais. En sélection hors compétition avec « Bamako » en 2006, après avoir présenté « Octobre » en 1993 et « En attendant le bonheur » en 2002, ayant également été membre du jury en 2007, le cinéaste est un habitué de la Croisette.

    Au Mali, non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, le berger touareg Kidane (Ibrahim Ahmed dit Pino) mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima (Toulou Kiki), de sa fille Toya (Layla Walet Mohamed) et de Issan (Mehdi Ah Mohamed), son petit berger âgé de 12 ans. Pendant ce temps, en ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des Djihadistes. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou jusqu’au jour où Kidane tue accidentellement Amadou, le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il va alors subir les lois iniques et aberrantes des occupants.

    « Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment » a déclaré Abderrahmane Sissako dont l’envie de réaliser ce film a surgi après un fait réel survenu en juillet 2012, dans la petite ville d’Aguelhok au Mali. Un couple d’une trentaine d’années avait alors été placé dans deux trous creusés dans le sol en place publique, puis lapidé. Leur unique « faute » était d’avoir eu des enfants hors mariage. Choqué par la lapidation publique du couple mais aussi par l’absence de médiatisation de ce fait atroce, Abderrahmane Sissako a alors décidé de réaliser « Timbuktu».

    Tout est contenu dans les premiers plans, prémonitoires : la beauté, la liberté, la grâce incarnées par une gazelle qui court poursuivie par des Djihadistes en jeep. « Ne la tuez pas, fatiguez-la ! », crie leur chef. Puis, des œuvres d’art détruites : des masques et statuettes qui servent de cible à des exercices de tir. La violence absurde, ridicule, terrible des fanatiques face à la culture, la poésie et la beauté.

    Avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, si rare au cinéma a fortiori quand il s’agit de traiter d’une actualité aussi grave, en refusant le spectaculaire, Sissako montre avec d’autant plus de force et de portée toute l’absurdité de cette violence. Il a aussi l’intelligence d’éviter tout manichéisme, de quérir et montrer la bonté derrière la cruauté comme ce Djihadiste qui danse tandis qu’un homme et une femme sont lapidés à mort. La beauté et la violence de la scène, enlacées, n’en sont alors que plus foudroyantes et convaincantes. Aux pires moments surgissent des éclairs d’humanité comme quand cet autre Djihadiste compatit lorsque Kidane parle de sa fille bientôt orpheline tout en refusant néanmoins que soit traduite sa phrase compatissante. Des contrastes judicieux entre sérénité et brutalité, poésie et violence, le fond et la forme, grâce notamment à une construction savamment orchestrée : soleil irradiant et illuminant une scène tragique, plan mis en parallèle avec le précédent illustrant la drôlerie tragique de l’absurdité fanatique, début et fin se répondant avec une logique et violence implacables. Aucun plan n’est superflu. Chaque plan est sidérant de beauté, de significations et de minutie.

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    Il montre des fanatiques parfois courtois, mais surtout hypocrites (par exemple interdisant de fumer et fumant en cachette) et ridicules, parfois enfantins. La musique, les cigarettes, le football sont interdits. Les ordres, cocasses s’ils n’étaient dramatiquement réels, sont scandés par mégaphones. Des tribunaux rendent des sentences absurdes. Les femmes sont mariées de force ou encore obligées de porter des chaussettes et des gants…y compris la marchande de poissons qui résiste avec un courage inouï. L’équipe du film a, elle aussi, fait preuve de courage : le film, qui est sensé se situer à Tombouctou, a ainsi dû être tourné près de la frontière malienne, à l’extrême Est de la Mauritanie, dans un village hautement sécurisé. La folle Zabou est la seule femme à être épargnée. Interprétée par Kettly Noël, danseuse haïtienne installée à Bamako, faisant référence au tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010 en Haïti, elle dit ainsi : « Le tremblement de terre, c’est mon corps. Je suis fissurée de partout ». Un autre chaos qui fait écho à celui, tout aussi ravageur, qui règne alors au Mali.

    Chaque plan est un véritable tableau dont la beauté ahurissante et la sérénité apparente exacerbent davantage encore la cruauté de ce qu’il raconte. Que dire de ce plan large vertigineux de beauté et qui nous laisse le temps (d’admirer, d’éprouver, de réfléchir), suite à la mort du pêcheur, un plan digne des plus grands westerns qui nous fait éprouver la somptuosité douloureuse et tragique de l’instant. La beauté et la dignité l’emportent sur l’horreur, constamment. La beauté formelle du film pour raconter l’âpreté du quotidien devient alors un acte de résistance. Ces personnages qui se dressent contre l’horreur comme cette jeune fille flagellée parce qu’elle a chanté et qui se met à chanter tandis qu’elle subit son châtiment est ainsi un exemple de cette résistance, une scène qui a la force poignante de « la Marseillaise » chantée dans « Casablanca».

    Sissako recours parfois aussi au burlesque pour montrer toute l’absurdité du fanatisme comme un écho à cette scène de « La vie est belle » de Benigni quand le petit garçon Giosué lit sur une vitrine « Entrée interdite aux juifs et aux chiens » et que Guido (Benigni) tourne l’inacceptable stupidité en dérision en déclarant qu’il interdirait son magasin « aux araignées et aux wisigoths ». De même, Sissako souligne aussi les contradictions grotesques des fanatiques qui interdisent la musique mais ne savent qu’en faire lorsqu’il s’agit de louanges au Dieu au nom duquel ils prétendent appliquer leur loi qui n’a pourtant rien à voir avec celle de la sagesse de l’imam de Tombouctou, impuissant face à ces horreurs et cette interprétation erronée de sa religion. Quelle intelligence faut-il pour réagir avec autant de sang-froid à une actualité aussi révoltante et brûlante sans tomber dans le mélodrame larmoyant, écueil magnifiquement évité par le cinéaste ?

    Le film est aussi une ode à l’imaginaire, arme et ultime espoir comme ces jeunes qui miment un match de foot sans ballon alors que le football leur est interdit. La musique, splendide, d’Amine Bouhafa ajoute de l’ampleur et de la force à cette scène sublimée par la photographie de Sofiane El Fani (directeur de la photographie de « La vie d’Adèle) qui nimbe le film d’une douceur poétique enivrante. La justesse de l’interprétation (quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que beaucoup des acteurs du film sont non professionnels, parfois choisis à la dernière minute), l’expressivité des visages et la beauté qui émane de l’harmonie de la famille de Kidane renforcent encore la force du film et de ses messages.

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    Laissez-vous à votre tour éblouir par la maîtrise époustouflante, par la beauté flamboyante, étourdissante, de Timbuktu, un film d’actualité empreint d’une poésie et d’une sérénité éblouissantes, de pudeur et de dérision salutaires, signifiantes : un acte de résistance et un magnifique hommage à ceux qui subissent l’horreur en silence. Sissako souligne avec intelligence et retenue la folie du fanatisme et de l’obscurantisme religieux contre lesquels son film est un formidable plaidoyer dénué de manichéisme, parsemé de lueurs d’humanité et finalement d’espoir, la beauté et l’amour sortant victorieux dans ce dernier plan bouleversant, cri de douleur, de liberté et donc d’espoir déchirant à l’image de son autre titre, sublime : « Le chagrin des oiseaux ». Le film de l’année. Bouleversant. Eblouissant. Brillant. Nécessaire.

    Catégories : JURYS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Bilan du Festival de Cannes 2014 : correspondances et mises en abyme

    Cet article a été publié dans le magazine papier Clap! de juin 2014.

    Fenêtre ouverte sur des mondes et des émotions

    Je plaide coupable. Coupable d’aimer le Festival de Cannes. Un crime là où on se doit d’être blasé, cynique, désinvolte, las et désireux d’être ailleurs et de revendiquer que c’était mieux avant, forcément.

    Cannes, aussi éblouissante que versatile, peut encenser, broyer, magnifier, aliéner.

    Cannes, déclaration d’amour au cinéma et aux cinéastes qui s’y transcendent ou y émergent, se révèlent au monde, nous révèlent un monde. Le leur. Le nôtre.

    Cannes, c’est la vie en concentré. Plus déconcertante et exaltante. Plus dérisoire et urgente.

    C’est surtout une passionnante et instructive fenêtre ouverte sur le rêve et le monde dont ce festival met en lumière les ombres, les blessures, les espoirs. Et sur le cinéma lui-même, mise en abyme à laquelle nous invitait déjà l’affiche, tirée d’un photogramme de Huit et demi.

    Les 18 films de  la compétition officielle de cette 67ème édition n’ont pas dérogé à la règle.

    Sentiments intenses et images indélébiles

    « Je ne me souviens plus du film mais je me souviens des sentiments» dit Trintignant en racontant une anecdote dans le sublime Amour d’Haneke. Si ne devaient rester que les sentiments, je retiendrais :

    -le sentiment d’être, comme ses personnages enfermés dans l’écran, captive des premiers plans du film éponyme d’Egoyan, étourdissants de beauté glaciale,  captivants, lyriques

    - les frissons savoureux procurés par le poignant Mommy de Dolan, fable sombre inondée de lumière, de musique, de courage, quadrilatère fascinant qui met au centre son antihéros attachant et sa mère (incroyables Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval) dans un film d’une inventivité, maturité, vitalité, singularité,  émotion rares

    -l’émotion, justement, ineffable, procurée par le supplément d’âme, la douceur et la douleur entremêlées de Still the water de Naomi Kawase, entre nage sous-marine filmée comme un ballet et travellings envoûtants exhalant la beauté et la fragilité ravageuses de la vie et de la nature

    -le choc du plan-séquence par lequel débute The Search et de la révélation d’un acteur qui y crève l’écran (Maxim Emelianov)

    -l’envoûtement de la danse éclairée par un doux halo de lumière dans Jimmy’s hall, d’une grâce infinie, ou l’entraînement de Foxcatcher chorégraphiée et filmée comme une danse

    -le rire grinçant suscité par le burlesque et finalement clairvoyant Relatos salvages

    - et, plus que tout, les larmes suscitées par la beauté flamboyante, étourdissante, de Timbuktu  de Sissako qui souligne avec tant d’intelligence la folie du fanatisme contre lequel il est un formidable plaidoyer dénué de manichéisme par une construction parfaite jouant savamment des contrastes : soleil  irradiant et illuminant une scène tragique, plan  mis en parallèle avec le précédent illustrant la drôlerie tragique de l’absurdité fanatique, début et fin se répondant avec une logique et violence implacables.

    -L’incompréhension face à son absence au palmarès tant chaque image, chaque visage sont d’une beauté inouïes éclairant magnifiquement les aspects les plus sombres de l’actualité.

    Correspondances et mises en abyme

    Cannes tisse aussi une toile arachnéenne avec les échos et tourments d’un monde paradoxal, multiple et uniforme qui raisonnent et résonnent comme la «joie et la souffrance » du Dernier Métro de Truffaut semblent rimer avec « L’œil gai et l’œil triste » de Gabin dans Le Jour se lève de Carné (Cannes Classics).

    Ainsi le plus jeune (Dolan) et le plus âgé (Godard) de cette compétition couronnés du prix du jury ex-æquo ont en commun l’amour fou du cinéma, l’audace, la connaissance parfaite de son langage qu’ils réinventent, magistralement comme des poèmes, hymnes à la liberté. Liberté. Titre, aussi, du poème d’Eluard, douce et terrible litanie dans le film de Cronenberg. Résonances.

    C’est l’écho entre des personnages de femmes fortes se battant  pour leur survie, Hilary Swank et Marion Cotillard. L’une dans un film crépusculaire qui revisite l’American dream et la mythologie du western (The Homesman), l’autre dans le bouleversant et ensoleillé portrait de femme qui se relève (Deux jours, une nuit).

    L’actrice incarnée par Julianne Moore dans Maps the stars d’une ambition carnassière, sinistre et cynique, semble, elle, être le négatif de Juliette Binoche éblouissante dans la sinueuse, lucide et brillante mise en abyme d’Assayas, personnages redoutant pareillement les ravages des ans.

    L’esquisse du portrait de Turner par Leigh en toiles riches de paradoxes, entre sensibilité de son art et rudesse du personnage, parallèle entre l’artiste peintre et l’artiste cinéaste, fait écho au film de Bonello sur Saint Laurent, « odyssée dans la tête du créateur », film de contrastes par lesquels il débute d’ailleurs. Homme dans l’ombre. Avec ses zones d’ombre.  Deux artistes face à leurs démons,  hommages créatifs aux génies mélancoliques.

    Correspondances entre la dureté et la poésie de Mommy et du Grand prix, Les Merveilles d’Alice Rohrwacher, deux films qui font s’enlacer brillamment tendresse et âpreté.

    Cannes, bulle d’irréalité, nous confronte aux terribles réalités du monde qui se répondent aussi : guerre de Tchétchénie (The Search), arbitraire de l’Etat en Russie  (Leviathan),  djihadistes au Mali (Timbuktu), ayant en commun de broyer l’innocence.

    Eloge de la durée

    Cannes c’est aussi une pause salutaire dans le flux et flot d’images hypnotiques qui caricaturent l’information au lieu de la mettre en lumière, pour laisser le temps à la pensée de s’exprimer. Lenteur finalement judicieuse :

    -dans Mr. Turner de Mike Leigh, tableau qui n’offre pas d’emblée toutes ses richesses au regard mais se dévoile peu à peu comme cet éléphant à peine perceptible sur cette toile de Turner.

    -ou encore les 3H16 de la palme d’or, Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan, qui permettent d’appréhender son sens, magistral, du cadre et plus encore de la psychologie avec lesquels il capture aussi bien la complexité, la rudesse, l’hébétude et les contradictions des paysages que celles des cœurs plongés dans l’hiver. Film à la fois aride et lumineux comme ses personnages principaux que l’on quitte et abandonne à regret à leurs faiblesses désarmantes.

    Au-revoir les enfants

    Lors de l’ouverture, Lambert Wilson, maître de cérémonie, citait Desnos : « Ce que nous demandons au cinéma, c’est ce que l’amour et la vie nous refusent : le mystère et le miracle. » Miracle et mystère étaient au rendez-vous dans la fiction et la réalité entre lesquelles, là plus qu’ailleurs, la frontière est si étanche. Le miracle et le mystère des films précités. Le miracle du discours de clôture, bouleversant, de Xavier Dolan. Le mystère  du président du festival, Gilles Jacob, qui le quitte sur la pointe des pieds par un simple « au-revoir les enfants », d’une rare élégance, image éphémère sur l’écran du Théâtre Lumière, gravée  dans nos mémoires de cinéphiles reconnaissants envers celui qui a fait de Cannes ce qu’il est aujourd’hui : le plus grand évènement cinématographique au monde.

    Coupable, vous dis-je.

    Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS, PALMARES Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Joel et Ethan Coen : présidents du jury du Festival de Cannes 2015

    Chaque année, la nouvelle est attendue avec impatience par les festivaliers: l’annonce du nom du président ou de la présidente du jury du Festival de Cannes, en général la première annonce concernant le festival très en amont de celui-ci et de sa conférence de presse d’annonce de sélection.

    Situation inédite (et réjouissante) cette année puisque ce n’est pas un président mais deux qui ont été annoncés: les frères Joel et Ethan Coen, de grands habitués de Cannes, lauréats de la palme d’or en 1991 avec « Barton Fink » et qui, récemment avait obtenu le Grand prix (en 2013, pour « Inside Lleweyn Davis, dont vous retrouverez ma critique ci-dessous) ont accepté l’invitation du nouveau Président du festival Pierre Lescure et du Délégué général Thierry Frémaux de devenir le(s) Président(s) de la 68e édition du Festival.

    « Nous sommes très heureux de revenir à Cannes » ont déclaré Joel et Ethan Coen, depuis le tournage de Hail Caesar!, avec George Clooney, Christophe Lambert, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Josh Brolin et Channing Tatum. « Nous sommes surtout heureux de l’opportunité qui nous est offerte de voir des films venus du monde entier. Cannes est un festival qui, dès le début de notre carrière, a toujours joué un rôle important pour nous. Et être Présidents du Jury, cette année à Cannes, est d’autant plus un honneur que nous n’avons jamais été Présidents de quoi que ce soit. D’ailleurs, à ce titre, nous ne manquerons pas de nous exprimer le moment venu ! »

    En cette année 2015, qui est celle de la célébration des 120 ans de l’invention du Cinématographe Lumière, le Festival de Cannes sera heureux de saluer, à travers les Coen, l’œuvre de tous les « frères du cinéma » qui depuis Louis et Auguste Lumière ont enrichi son histoire. Le Festival de Cannes a aussi eu l’occasion d’accueillir des «frères», et de belle manière, puisque, outre Joel et Ethan Coen qui gagnèrent la Palme d’or en 1991, Paolo et Vittorio Taviani (en 1976) et Jean-Pierre et Luc Dardenne (en 1998 et en 2005) ont également remporté la récompense suprême.

    Le Festival de Cannes se déroulera du mercredi 13 au dimanche 24 mai 2015. La composition de la Sélection officielle et l’ensemble des membres du Jury seront dévoilés mi-avril. Comme chaque année, vous pourrez bien entendu suivre le festival en direct sur mes différents blogs http://inthemoodforfilmfestivals.com, http://inthemoodforcannes.com, http://inthemoodlemag.com et sur mon compte twitter principal (@moodforcinema ) ainsi que sur celui que je consacre au festival (@moodforcannes).

    Films des frères Coen présentés à Cannes:

    2013 – INSIDE LLEWYN DAVIS – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues

    2007 – CHACUN SON CINÉMA – Hors Compétition Réalisation

    2007 – NO COUNTRY FOR OLD MEN – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues

    2006 – PARIS, JE T’AIME – Un Certain Regard Réalisation

    2004 – THE LADYKILLERS (LADYKILLERS) – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues

    2001 – THE MAN WHO WASN’T THERE – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues

    2000 – O BROTHER, WHERE ART THOU? – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues

    1996 – FARGO – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues

    1994 – THE HUDSUCKER PROXY (LE GRAND SAUT) – En Compétition – Longs Métrages Scénario & Dialogues

    1991 – BARTON FINK – En Compétition – Longs Métrages Réalisation, Scénario & Dialogues

    1987 – RAISING ARIZONA (ARIZONA JUNIOR) – Hors Compétition Scénario & Dialogues

    Le Palmarès des frères Coen à Cannes:

    2013 – Grand Prix – INSIDE LLEWYN DAVIS – En Compétition – Longs Métrages

    2001 – Prix de la mise en scène – THE MAN WHO WASN’T THERE – En Compétition – Longs Métrages

    1996 – Prix de la mise en scène – FARGO – En Compétition – Longs Métrages

    1991 – Prix de la mise en scène – BARTON FINK – En Compétition – Longs Métrages

    1991 – Palme d’or – BARTON FINK – En Compétition – Longs Métrages

    CRITIQUE DE « INSIDE LLEWYN DAVIS »

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    Après la Palme d’or pour « Barton Fink » et le prix de la mise en scène pour « Fargo », il serait étonnant que ce nouveau film des Coen ne figure pas au palmarès. Certains esprits chagrins s’offusquent régulièrement de la présence régulière, voire automatique, de certains grands cinéastes (dont les Coen) dans cette compétition mais comment ne pas choisir un film qui présente un tel niveau de maitrise et d’enchantement ?

    « Inside Llewyn Davis » raconte une semaine de la vie d’un jeune chanteur de folk, Llewyn Davis (interprété par Oscar Isaac)  dans l’univers musical de Greenwich Village en 1961. Seul avec sa guitare, sans logement, il lutte pour gagner sa vie comme musicien tandis qu’un hiver rigoureux sévit sur New York. Il survit de petits cachets et en étant hébergé chez des amis ou des inconnus. Son périple le conduira jusqu’à Chicago où il auditionnera pour le géant de la musique Bud Grossman (John Goodman)…

    Cela commence en musique. Llewyn Davis chante au Gaslight Café, à New York. La scène est d’une beauté mélancolique déjà captivante. Le son est enregistré en direct. Oscar Isaac prête réellement sa voix à cette magnifique complainte folk. La caméra des Coen se glisse discrètement parmi les spectateurs. Nous prenons d’ores et déjà fait et cause pour Llewyn avant même de connaître ses malheurs qu’il collectionne : le chanteur avec qui il formait un duo s’est suicidé, il se fait tabasser, il n’a pas de logement, la femme de son meilleur ami  (Carey Mullingan et Justin Timberlake) attend un enfant de lui, et il enregistre une chanson sur Kennedy qui fera un succès et dont il ne touchera pas les droits d’auteur sans parler du chat des amis qui l’hébergent qui s’échappe par sa faute…

    Inside Llewyn Davis est  largement inspiré de la vie du chanteur Dave Van Ronk, chanteur de folk à New-York qui a aussi vécu au sein de la classe ouvrière et a partagé sa vie entre sa passion pour la musique et un travail dans la marine marchande. Quelques-uns de ses titres figurent d’ailleurs dans le film.  Majoritairement composée de reprises, la bande-originale d’ « Inside Llewyn Davis » est produite par le musicien T-Bone Burnett. Deuxième film des Coen sur la musique après « O’Brother », « Inside Llewyn Davis » a néanmoins un ton et une tonalité très différents.

    Le Llewyn du film est un perdant attachant, intègre, vibrant de passion pour la musique.  A l’image du chat qui va lui échapper, sa vie lui échappe. Ce chat esseulé et attendrissant qui va s’enfuir pour revenir à la maison est d’ailleurs un peu son double. Un chat qui s’appelle (évidemment pas innocemment) Ulysse.  Le périple de Llewyn sera beaucoup plus bref que celui du héros de l’Odyssée. Plus bref mais d’une certaine manière héroïque, si on considère l’intégrité comme un héroïsme dans un monde où on propose sans cesse à l’artiste de vendre son âme au diable. Seulement l’intégrité ne mène nulle part. Malgré son talent, Llewyn sera condamné à jouer sur de petites scènes, à survivre, à être parfois -souvent- méprisé, y compris par sa propre soeur.

    Chaque interprétation musicale par Oscar Isaac est un moment de grâce. De chaque morceau et de la mise en scène des Coen jaillit une mélancolie bouleversante. Des plans de toute beauté aussi comme celui de Llewyn seul avec sa guitare avançant dans des rues  ternes et enneigés sous une lumière grisâtre.  Même si ce film se classe donc plutôt dans la catégorie des films plus sérieux et mélancoliques des Coen, il nous offre également quelques moments de comédie burlesque irrésistibles, comme l’enregistrement de cette chanson sur Kennedy. On  retrouve également l’humour grinçant des Coen lors du voyage de Llewyn pour Chicago avec un inénarrable duo de jazzmen dont l’un des personnages est interprété par John Goodman, incontournable acteur des films des Coen, d’une misanthropie réjouissante, sans parler de son chauffeur aux dialogues mémorables. La scène de l’audition est également tristement magique, ou quand le talent éclate face à un cynique et sinistre personnage totalement indifférent. Son parcours est ainsi jalonné de désillusions, ses rêves de gloire se transforment en cauchemar.

    Oscar Isaac et Carey Mulligan se retrouvent à nouveau dans une relation difficile après « Drive » dans lequel ils étaient mari et femme. Ici, elle est constamment en colère et méconnaissable. Oscar Isaac est quant à lui prodigieux et apporte tout ce qu’il faut d’humanité, de mélancolie, de voix envoûtante, à ce personnage de perdant talentueux et attachant.

    « Inside Llewyn Davis » est avant tout un magnifique hommage aux artistes, à ceux qui ne vivent et vibrent que pour leur art, au-delà de celui rendu à la musique folk. Un film  porté par des comédiens magnifiques, une musique ensorcelante, un scénario habile, une mise en scène brillante. Bref, un des meilleurs films des frères Coen qui justifie entièrement sa présence en compétition. Un enchantement mélancolique assaisonné  d’une note de burlesque. Un film qui transpire de l’amour des deux frères pour les artistes et l’art et qui leur permet de porter le leur à son paroxysme.

    BONUS – Critique de « True Grit » d’Ethan et Joel Coen

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    1870, juste après la guerre de Sécession, sur l’ultime frontière de l’Ouest américain. Mattie Ross (Hailee Steinfeld), 14 ans, réclame justice pour la mort de son père, abattu de sang-froid pour deux pièces d’or par le lâche Tom Chaney (Josh Brolin). L’assassin s’est réfugié en territoire indien. Pour le retrouver, se venger et le faire pendre, Mattie engage Rooster Cogburn (Jeff Bridges), un U.S. Marshal alcoolique. Mais Chaney est déjà recherché par LaBoeuf (Matt Damon), un Texas Ranger qui veut le capturer contre une belle récompense. Ayant la même cible, les voilà rivaux dans la traque. Tenaces et obstinés, chacun des trois protagonistes possède sa propre motivation et n’obéit qu’à son code d’honneur.

    Dès les premiers plans, d’une maîtrise, d’une ingéniosité et d’une beauté à couper le souffle, les Coen font une nouvelle fois preuve de leur malicieux talent de narrateurs et cinéastes. J’ai bien cru qu’il était arrivé, enfin et tardivement, ce film que j’avais attendu toute l’année 2010, enfin un film qui me scotche à mon siège, m’éblouit, me fascine, me donne envie de partager mon enthousiasme débordant, à peine sortie de la salle.

    Le début laisse même présager un très très grand film : richesses des plans et de la narration, beauté de la photographie, et incroyables personnages à commencer par la jeune Hailee Steinfeld (retenez bien son nom, il ne serait pas étonnant de la retrouver aux Oscars avec la statuette entre les mains) dont chaque apparition est réellement bluffante. J’ignore combien de jeunes filles les Coen ont vues avant de la trouver mais elle est incroyable et stupéfiante de naturel. Son jeu est (à l’image de son personnage) d’une maturité et d’une intelligence époustouflantes transformant chacune de ses apparitions en instants réellement jubilatoires. A l’image de son nom dans le film, elle est tranchante comme une lame de rasoir, pleine d’assurance et de malice.

    J’avoue que j’étais emballée à l’idée de voir un western genre qui m’a fait aimer le cinéma mais que je le redoutais aussi tant ce genre est codifié et peut apparaître aujourd’hui comme suranné mais évidemment c’était compter sans le talent des Coen. « True Grit » est ainsi unremake de “100 dollars pour un sheriff” de Henry Hathaway, un film de 1969 pour lequel John Wayne a obtenu l’Oscar du meilleur acteur, le seul de sa carrière d’ailleurs. Les Coen réfutent pourtant l’appellation de remake préférant dire qu’ils se sont basés sur le roman de Charles Portis à l’origine du film.

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    « True Grit » est un magnifique hommage aux westerns (reprenant même la musique du chef d’œuvre « La nuit du chasseur » de Charles Laughton) dont il respecte et détourne les codes non sans uns certaine ironie (comme lorsque Mattie Ross sort après une magistrale traversée de la rivière à cheval, totalement sèche comme pour nous dire que cela n’est que mythe), à ses personnages aux gueules patibulaires mais au cœur d’or, à ses grandes étendues éblouissantes, à ses chevauchées fantastiques dans des plaines majestueuses au soleil levant ou couchant « dans la vallée de l’ombre et de la mort », à la mythologie américaine donc, à ses légendes.

    Et puis un film des Coen ne serait pas un film des Coen sans le second degré, l’humour noir, l’ironie caustique, un ton sarcastique qui n’appartient qu’à eux et qui convient merveilleusement au western (autour duquel ils tournent d’ailleurs depuis un moment, « No country for old men » en étant déjà une forme) et à ce trio improbable.

    Seul bémol : un rythme qui se ralentit un peu en milieu de film et une confrontation finale (le principe même des westerns qui, souvent, revendiquent leur manichéisme) un peu décevante mais aussitôt un trait d’humour ou une chevauchée nocturne sublimement filmée à donner des frissons vous le font oublier. Et puis leurs personnages truculents et finalement touchants dépassent le cadre de l’intrigue et ses faiblesses qui finalement importent peu.

    Matt Damon confirme qu’il peut tout interpréter, et il fallait pas mal d’humour pour interpréter ce LaBoeuf, Texas ranger, aussi léger et subtile que son prénom. Quant à Jeff Bridges, il n’aurait pas moins mérité un Oscar que John Wayne pour le rôle de ce Marshall alcoolique, téméraire et bourru.

    Avec « True Grit », les Coen rendent hommage au western en le renouvelant et transformant en un conte désenchanté aux paysages enchanteurs, une sorte d’Alice au pays des merveilles dans un Ouest Américain aussi hostile que magnifiquement filmée, les mésaventures d’un trio improbable entre courage et désillusions. Un ton qui n’appartient qu’aux Coen et des personnages forts remarquablement interprétés font de ce western un des meilleurs films de l’année 2010…. Le nouveau partenaire des frères Coen, un certain producteur nommé Steven Spielberg, ne s’y est pas trompé.

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  • Critique- A l'affiche – LES NOUVEAUX SAUVAGES (Relatos salvajes) de Damián Szifron (Compétition officielle du Festival de Cannes 2014)

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    Aux antipodes du (passionnant) film qui a reçu la palme d’or du Festival de Cannes 2014, « Winter sleep » de Nuri Bilger Ceylan,  en compétition officielle de ce 67ème Festival de Cannes figurait également « Les nouveaux sauvages » (Relatos salvajes) réalisée, écrit et monté par l’Argentin Damián Szifron. L’un résonne comme un long poème d’une beauté triste et déchirante, l’autre comme une réplique cinglante d’un comique grinçant, d’une drôlerie lucide et sombre. Revenu bredouille de Cannes, « Les Nouveaux sauvages » figure parmi les cinq films en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, notamment face au percutant plaidoyer contre le fanatisme de Sissako, plus que jamais d’actualité : « Timbuktu » (que je vous engage toujours vivement à voir).

    Les Nouveaux sauvages est un film sur ceux qui, soumis au stress, à l’inégalité, à l’injustice, ou peut-être simplement confrontés à leur propre vulnérabilité et médiocrité, humiliés parfois, finissent par craquer, et franchissent la frontière entre l’humanité et l’animalité, la civilisation et la barbarie comme le laisse déjà entendre le générique très « animal ».

    Dans le restaurant dans lequel elle travaille, une serveuse voit arriver  un client qui est responsable de la mort de son père. Sur une route déserte, un conducteur vaniteux au volant de sa voiture rutilante en insulte un autre au volant de son véhicule brinquebalant avant que le premier ne tombe en panne et ne se retrouve confronté au second, impitoyable. Un spécialiste des explosifs voit sa voiture être emmenée à la fourrière, manque l’anniversaire de sa fille à cause de cela, et devient obsédé par l’envie de se venger de cette administration sourde et, pour lui, inique. Un fils de riches, sous l’emprise de l’alcool, renverse, tue une femme enceinte, et s’enfuit. Un riche mariage va se transformer en massacre quand la mariée va découvrir que son mari l’a trompée avec une des convives.

    Genre un peu suranné, à la mode dans les années 1960, le film à sketchs est ici remis au goût du jour au point d’avoir suscité l’intérêt des frères Almodóvar qui l’ont produit.

    Damián Szifron, dans ses six saynètes aux cadres et personnages hétéroclites mais aux thématiques récurrentes, explore le thème de la vengeance poussé à l’extrême jusqu’à la folie, jusqu’au meurtre. Incapables de communiquer normalement, ses personnages ont une réaction animale, violente, absurde face à ce monde lui-même grotesque. En résulte un humour noir détonant, scabreux,  subversif, férocement drôle et qui n’échappe pas toujours à la vulgarité. A l’image de la réalisation, classique et lisse en apparence, les personnages en apparence « normaux » se révèlent particulièrement déjantés, sombres et brutaux.

    Si les références au cinéma d’hier ne manquent pas, notamment au cinéma italien: Dino Risi, Fellini ou encore Spielberg dans une version très personnelle de « Duel », c’est pourtant bien de notre société exigeante, sourde,  brusque, versatile (les réseaux sociaux ne sont pas épargnés faisant d’un terroriste une star) dont nous parle ici Sifron dans ces six sketchs indéniablement efficaces, à défaut d’être subtiles (certes, à dessein, pour obtenir ce contraste évoqué plus haut).

    Le film atteint ses limites dans cette idée de base, le contraste entre la forme (du film et des personnages) et le fond qui révèle une société corrompue, où l’argent règne en maitre, des personnages tous médiocres, vils, répondant à leurs bas instincts qui entraînent certes parfois notre rire, souvent le malaise, mais jamais notre empathie.  Mais il s’agit bien là avant tout de parodie et de caricature dont l’objectif intrinsèque est davantage de déranger, heurter, interpeller que de plaire et séduire au contraire de la BO particulièrement séduisante. A vous de voir si vous voulez partir à la rencontre de ces nouveaux sauvages parfois réjouissants, parfois dérangeants au risque d’être confrontés à votre propre réalité et sa noirceur exacerbées.

    Catégories : COMPETITION OFFICIELLE Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer
  • Dates du Festival de Cannes 2015 à suivre en direct ici

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    Du mercredi 13 Mai au dimanche 24 Mai 2015, vous pourrez suivre ici le 68ème Festival de Cannes ainsi que sur mes blogs http://inthemoodforfilmfestivals.com et http://inthemoodlemag.com.

    Suivez-moi également en direct du festival sur les réseaux sociaux: @moodforcinema (compte twitter principal) et @moodforcannes (mon compte twitter consacré exclusivement au Festival de Cannes), sur instagram (@sandra_meziere) et sur mes comptes Facebook, le principal http://facebook.com/inthemoodforcinema et celui que je consacre aux festivals : http://facebook.com/inthemoodforfilmfestivals.

    En amont du festival, vous retrouverez ici toutes les informations concernant cette 68ème édition du Festival de Cannes. Et, en attendant, vous pouvez toujours relire mon bilan du 67ème Festival de Cannes, ici, et lire mon recueil de nouvelles "Ombres parallèles" dont plusieurs se déroulent dans le cadre du Festival de Cannes.

    A très bientôt pour un nouveau festival "in the mood for Cannes"!

    Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS Lien permanent 0 commentaire Pin it! Imprimer